Dès que le vent soufflera

Mais pourquoi écouter cette chanson de Renaud de 1983 ?
Plein de bonnes raisons !

– La Route du Rhum vient de se terminer pour les navigateurs qui ont fait la course en tête. Alors on reste dans une ambiance marine.
– C’est la grande mode en France en ce moment de nous ressortir les chansons des années 80 et 90. Le bon – tant mieux! – et le moins bon – bof! – chanté par des jeunes ou par les interprètes de l’époque eux-mêmes, parfois un peu essoufflés et pathétiques…
– Renaud a un accent de titi parisien. Je vous avais promis un autre accent que l’accent marseillais !
– Et surtout, comme vous aimez le français, vous ne pouvez pas ne pas écouter les chansons de Renaud !

Qu’elles soient critiques envers notre monde ou pleines de tendresse pour les siens, pleines d’humour ou de poésie, elles sont toutes si bien écrites – avec beaucoup d’argot – que nous les avons tous quelque part dans notre mémoire.

Pour écouter, c’est là.

C’est pas l’homme qui prend la mer
C’est la mer qui prend l’homme, tatatin
Moi la mer elle m’a pris
Je me souviens un mardi
J’ai troqué (1) mes santiags (2)
Et mon cuir un peu zone (3)
Contre une paire de docksides
Et un vieux ciré jaune
J’ai déserté les crasses (4)
Qui me disaient « Sois prudent »
La mer c’est dégueulasse (5)
Les poissons baisent (6) dedans

Refrain : Dès que le vent soufflera
Je repartira (7)
Dès que les vents tourneront
Nous nous en allerons (8)

C’est pas l’homme qui prend la mer
C’est la mer qui prend l’homme
Moi la mer elle m’a pris
Au dépourvu tant pis
J’ai eu si mal au cœur (9)
Sur la mer en furie
Que j’ai vomi mon quatre heures (10)
Et mon minuit aussi
Je me suis cogné partout
J’ai dormi dans des draps mouillés
Ça m’a coûté des sous (11)
C’est de la plaisance, c’est le pied (12)
Refrain
Ho ho ho ho ho hissez haut ho ho ho (13)

C’est pas l’homme qui prend la mer
C’est la mer qui prend l’homme
Mais elle prend pas la femme
Qui préfère la campagne
La mienne m’attend au port
Au bout de la jetée
L’horizon est bien mort
Dans ses yeux délavés
Assise sur une bitte (14)
D’amarrage, elle pleure
Son homme qui la quitte
La mer c’est son malheur
Refrain

C’est pas l’homme qui prend la mer
C’est la mer qui prend l’homme
Moi la mer elle m’a pris
Comme on prend un taxi
Je ferai le tour du monde
Pour voir à chaque étape
Si tous les gars du monde
Veulent bien me lâcher la grappe (15)
J’irai aux quatre vents
Foutre un peu le boxon (16)
Jamais les océans
N’oublieront mon prénom
Refrain
Ho ho ho ho ho hissez haut ho ho ho

C’est pas l’homme qui prend la mer
C’est la mer qui prend l’homme
Moi la mer elle m’a pris
Et mon bateau aussi
Il est fier mon navire
Il est beau mon bateau
C’est un fameux trois-mâts (13)
Fin comme un oiseau [Hissez haut]
Tabarly, Pageot
Kersauson et Riguidel
Naviguent pas sur des cageots
Ni sur des poubelles
Refrain

C’est pas l’homme qui prend la mer
C’est la mer qui prend l’homme
Moi la mer elle m’a pris
Je me souviens un vendredi
Ne pleure plus ma mère
Ton fils est matelot
Ne pleure plus mon père
Je vis au fil de l’eau
Regardez votre enfant
Il est parti marin
Je sais c’est pas marrant (17)
Mais c’était mon destin

Dès que le vent soufflera
Je repartira
Dès que les vents tourneront
Nous nous en allerons
De requin. (18)
…Dès que les vents tourneront
Je me n’en allerons (8)

Des explications :
1. troquer : échanger
2. des santiags : des bottes
3. un cuir un peu zone = un blouson en cuir pas très raffiné
4. les crasses : les nuls, les débiles (argot)
5. dégueulasse : dégoûtant (très familier)
6. baiser : faire l’amour (familier)
7. je repartira : cette forme n’existe pas. Il faut dire « Je repartirai ». Mais ça rime avec « soufflera » !
8. Nous nous en allerons : ça n’existe pas non plus évidemment, sauf dans la bouche des enfants qui ne savent pas encore que le verbe « aller » est très bizarre ! La forme correcte, c’est « Nous nous en irons » au futur. Et tout à la fin, Renaud fabrique une forme encore plus incorrecte.
9. avoir mal au cœur : c’est ce qu’on dit quand on a envie de vomir. (parce qu’on a trop mangé, ou parce qu’on est malade en voiture ou en bateau)
10. mon quatre-heures : mon goûter. (familier) Les enfants français font un goûter vers 4 heures- 4 heures et demie. (après l’école). Et ensuite, Renaud ajoute « mon minuit » – expression qui n’existe pas – pour montrer qu’il a été malade tout le temps.
11. des sous : de l’argent (familier, très utilisé)
12. c’est le pied : c’est super (familier)
13. Ce sont les paroles et l’air d’une chanson de Hugues Aufray, plutôt ringarde mais que tout le monde connaît.
14. une bitte d’amarrage : pour attacher la corde des bateaux amarrés à quai. Mais c’est le même mot que « bite » qui désigne le sexe de l’homme en argot. Donc Renaud joue sur l’ambiguité, d’autant plus qu’il traîne un peu entre «bitte» et « d’amarrage ».
15. lâcher la grappe à quelqu’un : laisser quelqu’un tranquille (argot)
16. le boxon : le désordre, le bazar (argot). Foutre le boxon = mettre le bazar, perturber. (argot)
17. marrant : amusant (familier)
18. nous nous en allerons… de requin : jeu de mots comme les aime Renaud sur «aileron de requin».

Petite remarque de conjugaison :
Dans le 4è couplet, quand Renaud dit « J’irai aux quatre vents« . Il fait une liaison entre « irai » et « quatre », comme si c’était « J’irais », c’est-à-dire le conditionnel présent. Mais c’est le futur qu’il veut employer, comme un peu avant: « Je ferai le tour du monde ». C’est une faute classique des Français qui confondent futur et conditionnel présent  à la première personne du singulier.

Quand on est petit, on apprend que pour ne pas se tromper d’orthographe ou ne pas faire une liaison qui tue (!), il faut remplacer « je » par une autre personne et voir dans le contexte si on dirait : nous irons (futur) ou nous irions (conditionnel) / il ira (futur) ou il irait (conditionnel), etc… C’est pas sorcier* !

* c’est pas sorcier : ce n’est vraiment pas compliqué ni mystérieux. (familier)

3 réflexions sur “Dès que le vent soufflera

  1. jerry OX dit :

    merci de reparler de ce gros tube de Renaud ! Cette chanson est magique, entrainante et donne envie d’évasion ! Elle fut, je m’en souviens bien, numéro 1 des Hit-Parades en décembre 1983-janvier 1984 . Un must !

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  2. Anne dit :

    Bonjour,
    Depuis toujours me semble-t-il. Je ne comprends pas ce que vous voulez dire.
    Après « si » qui introduit une question indirecte, on peut mettre le temps qu’on veut, non?
    Est-ce qu’on dirait x ou plutôt y ? => Je me demande si on dirait plutôt X ou Y. Il faut voir / se demander si on dirait telle ou telle chose.
    Tu m’expliqueras ? => Il faut voir s’il m’expliquera.

    C’est différent dans les phrases qui expriment la condition: Si on disait une chose pareille, tout le monde serait surpris.

    Mais je n’ai peut-être pas compris le sens de votre commentaire. A bientôt
    Anne

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