Si vous avez le temps

Des chaînes de télévision et les radios ont compris que nous aimons avoir le choix du moment où nous regardons un film ou écoutons une émission. Cela permet aussi de se rattraper quand on a raté quelque chose !
C’est le cas avec ARTE+7. Le seul ennui, c’est que tout cela n’est pas toujours accessible si on ne vit pas en France. Mais je viens de me rendre compte qu’on peut aussi regarder leurs programmes sur YouTube. Je me dis donc que cela permet peut-être à plus de monde d’y avoir accès, de n’importe où. Vous qui vivez ailleurs, dites-moi si c’est bien le cas !

Alors vite, vite ! Il vous reste trois ou quatre jours pour aller regarder cette belle émission sur François Truffaut, où s’entrecroisent les voix de ceux qui ont travaillé et vécu avec lui. Certaines plus émouvantes et profondes que d’autres. Mais surtout l’entendre encore parler de ses films, le regarder fabriquer ses histoires, et revoir encore et encore des fragments des 400 coups, de La sirène du Mississippi, de La Nuit américaine, de L’enfant sauvage, de l’Histoire d’Adèle H, du Dernier Métro, de La Femme d’à côté. Et apercevoir ses carnets, ses notes foisonnantes, ses livres annotés, ses scénarios.

truffautA regarder ici.

Voici un petit écho sonore de quelques passages que j’ai aimés :
F.Truffaut

Transcription :
– Tu vas rentrer dans ta chambre, hein. Tu vas relire le scénario, tu vas travailler un petit peu et tu vas essayer de dormir. Demain, c’est le travail. Et le travail est plus important. Ne fais pas l’idiot, Alphonse. Tu es un très bon acteur, le travail marche bien. Je sais, il y a la vie privée. Mais la vie privée, elle est boiteuse (1) pour tout le monde. Les films sont plus harmonieux que la vie, Alphonse. Il n’y a pas d’embouteillages dans les films. Il n’y a pas de temps morts (2). Les films avancent comme des trains. Tu comprends ? Comme des trains dans la nuit. Les gens comme toi, comme moi, tu le sais bien, on est faits pour être heureux dans le travail, dans notre travail de cinéma. Salut Alphonse, je compte sur toi.

– Entre 1945, 1950, j’ai dû passer (3) de… de 50 films par an à 100, puis à 150, puis à 200. Il y a eu une idée, si vous voulez, de battre des records. Il y a eu un désir, à un moment, de voir deux, trois films par jour, avec toujours cette idée de revoir les films plusieurs fois.
– On voyait des films par exemple en fermant les yeux, pour les dialogues. Ou une autre fois, on n’entendait rien, on regardait que l’image ou on comptait les plans. Alors notre truc (4), c’était : Dis-moi le troisième plan de la Grande Illusion, ou Quel est le dernier plan de tel film. Ou on parlait en dialogues de film.
– Quel est votre plus beau souvenir avec François Truffaut ?
– Les nuits qu’on passait à voler des photos de films dans les vitrines de cinéma, entre minuit et cinq heures du matin.

– Et puis tous les deux, nous avons le goût du secret ancré dans nos gènes, je dirais presque. Et ça, c’est une chose qui nous a beaucoup rapprochés.
– Catherine, il y a un élément très important de rêverie et de vie secrète. Quel que soit le rôle qu’on lui donne, on a l’impression qu’il y a le rôle qui est sur l’écran et qu’il y a d’autres pensées qui ne sont pas exprimées, voyez, on le pense toujours, ça, et on ne le pensera pas d’une autre actrice qui aura l’air de dire tout ce que… tout qu’elle pense, tout ce qui lui passe par la tête. Elle, c’est pas ça. C’est une actrice de… Oui, je ne sais pas comment dire autrement… de rêverie, de personnalité double.

Ce que nous faisons est plus important que nous-même, ça, c’est une question qui est… qui ne fait pas l’unanimité (5), parce que quelqu’un comme Sartre dit toujours que ce que nous sommes est plus important que ce que nous faisons. Mais quand même, c’est ce que nous faisons qui reste, et si nous donnons plus d’importance à ce que nous faisons, ou à notre travail qu’à nous-même, eh bien, à ce moment-là, évidemment, on fabrique des objets ou on fait quelque chose qui a… qui peut lutter, qui peut… qui peut résister, qui peut éventuellement (6) résister. Ça résiste un moment, ça ne résiste pas longtemps, ça ne résiste pas définitivement (7). Mais ça résiste, ça résiste plus que nous-mêmes.

Quelques détails :
1. boiteuse : au sens figuré, cela signifie que la vie n’est pas parfaite, qu’il y a toujours des choses qui ne vont pas.
2. Un temps mort : une période sans intérêt, où il ne se passe rien de passionnant.
3. J’ai dû passer… : il estime qu’il est passé de 50 films à 100, etc.
4. notre truc : notre passion, ce qui nous plaisait vraiment. (familier)
5. ne pas faire l’unanimité : ne pas être accepté par tous. On utilise cette expression lorsqu’il y a des avis divergents. On l’emploie à propos d’un choix, d’une décision, d’une idée, d’une loi, etc, mais aussi parfois à propos de quelqu’un qui a été choisi pour faire quelque chose de particulier.
6. Éventuellement : peut-être, c’est une possibilité.

Et une petite remarque de français pour terminer :
7. Définitivement : pour toujours. C’est le contraire de temporairement, provisoirement.
Mais on entend de plus en plus de Français utiliser ce mot dans le sens anglais de « C’est sûr », alors que ce sens n’existe pas en français. Cela vient sans doute de mauvaises traductions, notamment dans les séries américaines, du mot « definitely ». Ça me fait toujours bizarre quand j’entends ça !

4 réflexions sur “Si vous avez le temps

  1. Rick Ellis dit :

    Bonjour Anne,

    Je regarde pas mal de films français et de temps en temps une émission ou une autre à la télé française, mais étant donné que je vis aux Etats-Unis, il faut préciser que la sélection de ces films et ces émissions en ligne est bien limitée. Ici on apprend assez vite les sites qui vaut le coup pour chercher un film ou une émission et peut-être même le télécharger (louer ou acheter), et d’autre part, les sites que l’on marque « rien à faire ». Ces derniers comprennent CanalPlus et toutes les chaînes de France Télévisions (le 2, le 3 etc.) sauf la maigre sélection disponible sur Pluzz.FranceTV.fr, catégorie « depuis l’étranger ». Tout cela pour dire que je n’étais pas très optimiste de trouver la porte ouverte dans le cas de ARTE+7 et sa « chaîne » sur YouTube.

    Eh bien voilà, quand j’ai cliqué sur ton lien (« A regarder ici »), ça m’a amené « vite fait » à l’information, sur YouTube, que « The uploader has not made this video available in your country. » Autrement dit, ARTE (« the uploader ») a pris la décision de permettre accès à « François Truffaut, Une Autobiographie » uniquement dans l’Hexagone et les départements outre-mer. J’ai eu le même résultat quand j’ai cliqué « Best of ARTE journal », « 28 minutes », et une bonne dizaine d’autres émissions. Bref, l’immense majorité des films, des séries, et des documentaires de la chaîne sont inaccessible « à l’étranger » sur YouTube. En fait, il n’y avait que trois émissions disponibles : « Dans ses yeux », « La Vie ! Pas si simple ! » (faut dire que ce titre m’a fait sourire, je suis bien d’accord), et « ARTE journal junior ». Toutes les trois sont des émissions de qualité, sans doute. Mais si je peux me permettre, elles ne sont pas les morceaux les plus coûteux à la boucherie, si ? On dirait que ARTE nous a laissé « the scraps » comme on dit.

    Mais bon, quand je suis en France, je profite toujours de l’occasion pour aller en ligne et là, « accès illimité », j’achète et je télécharge des films et des émissions. Je serais très content de faire ces achats toute l’année, aux bénéfices du ciné français, de la télé française, et enfin de la France, quoi. Voilà les « intérêts économiques » que l’on cherche à protéger, mais on ne les protège pas tous, et là j’imagine que l’on protège les intérêts des chaînes (caractère « privé ») plutôt que ceux des français et, plus largement, de la France.

    Pff…et je m’étais dit « Plus de long commentaires » !!!

    Bonne journée, à bientôt,

    Rick

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  2. edelweiss dit :

    Bonjour Anne,

    J’ai essayé aussi de voir la vidéo mais elle est bloquée dans mon pays, l’Espagne. Il existe des logiciels qui « effacent » l’origine étranger de l’ordinateur, l’adresse IP, c’est un peu pirate…

    J’ai la chance de voir chez moi gratuitement toutes les chaînes de la TNT française par satellite. Comme j’avais une antenne parabolique il m’a suffit d’acheter un décodeur spécial TNT, il est réservé aux résidents en France, bien sûr, mais comme le satellite Astra est là-haut et ne connaît pas de frontières, il m’evoie par l’air toutes les émissions. J’affiche les sous-titres pour sourds et voilà, on comprend mieux et on apprend le français!

    edelweiss

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  3. Anne dit :

    Bonjour Rick, Réponse très tardive. Les fins d’année sont toujours assez chargées ! Oui, tu as raison, c’est vraiment dommage de n’avoir accès qu’aux « miettes ». A l’heure où internet permet une communication beaucoup plus vaste que dans nos petits cercles habituels, on trouve ça très frustrant. Comme tu le dis, ce sont les enjeux économiques qui dictent les conditions. (En France, nous payons une redevance audiovisuelle tous les ans à l’Etat, qui sert à financer en partie les chaînes comme Arte, ou celles de France Télévision). Ce qui est dommage, c’est que même quelqu’un qui serait prêt à payer comme les Français ne peut pas le faire et avoir accès à ces programmes. Ce n’est pas la même vision du « partage » ! A bientôt. (Les commentaires de toute longueur sont toujours les bienvenus ! Donc pas d’auto-censure !) Bonnes fêtes de fin d’année à toi.
    Anne

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  4. Anne dit :

    Bonjour Edelweiss,
    Merci pour ton message. C’est super que tu puisses accéder aux chaînes de la TNT comme nous ! Tu dois apprécier. Merci le satellite !
    Je te souhaite un joyeux Noël. A bientôt
    Anne
    PS J’ai offert La Lune est blanche à mon frère pour ce Noël. Je crois que ça va lui plaire. (Et on ne le trouve plus dans les librairies en ce moment. Il a eu du succès !)

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