Le verbe falloir n’est pas simple, à conjuguer d’une part, avec ses formes impersonnelles et d’autre part, avec ses nuances qui varient selon le temps employé. C’est le cas à l’imparfait : il fallait… Il ne fallait pas…

L’idée de ce nouvel article m’est venue à cause de la situation que nous vivons en ce moment en France : un troisième confinement, pendant tout le mois d’avril, et qui sait, peut-être plus long. On nous a bien donné des dates. Mais nous avons tous appris à ne plus jurer de rien (1) !
Ce retour à la case départ (2) est le résultat d’une étrange gestion de l’épidémie, repartie en flèche (3) depuis janvier, du pari raté d’Emmanuel Macron persuadé qu’on réussirait à « freiner sans enfermer », d’un variant apparemment plus contagieux et d’un terrible cafouillage (4) de la vaccination annoncée mais si lente à se déployer. Il y a un an, nous n’avions pas de masques, pas de gel hydroalcoolique, pas assez de respirateurs. Aujourd’hui, ce sont les vaccins qui manquent !
En mars 2020, il fallait donc se protéger comme on pouvait. Il fallait se coudre des masques. Il fallait partir à la chasse (5) aux petits flacons de ce gel aux vertus devenues extraordinaires ! Il fallait rester chez soi, remplir des attestations étranges pour s’autoriser soi-même à sortir un peu, apprendre à travailler « en distanciel ». Il ne fallait plus aller au cinéma, il ne fallait plus faire de sport, se serrer la main, se faire la bise, s’asseoir à une terrasse de café. En mars 2020, il a fallu tout changer, du jour au lendemain (6).
Tout cela, c’est le premier sens de « Il fallait » : je viens de vous raconter notre quotidien, nos habitudes, celles auxquelles nous avons dû renoncer et celles que nous avons été obligés de prendre. Ce quotidien du printemps dernier, répétitif, fait de contraintes et d’interdits, c’est l’imparfait qui le dépeint avec tous ces Il fallait, il ne fallait pas.
Et voici un nouveau reconfinement, un an plus tard, comme si on n’avait pas avancé . Alors, la pillule passe mal (7) et on entend beaucoup de voix s’élever pour dire qu’il fallait reconfiner dès janvier, qu’il fallait être beaucoup plus strict il y a quelques semaines. Il ne fallait pas laisser les écoles, les collèges, les lycées ouverts. Il fallait avoir le courage de demander de nouveaux sacrifices aux Français juste après les vacances de Noël. Il ne fallait pas laisser les chiffres s’emballer (8), il ne fallait pas rouvrir les universités. Il ne fallait pas tout miser sur une vaccination impossible à réaliser rapidement.
Cet imparfait-là ne dépeint pas une réalité passée. Il fallait / Il ne fallait pas sont synonymes de Il aurait fallu…, Il n’aurait pas fallu…, et donc de On aurait dû… on n’aurait pas dû…. Des formulations qui expriment toutes un reproche, une critique de la façon dont les choses se sont passées. Mais je dirais que Il fallait est plus fort et exprime davantage nos sentiments. C’est se dire désabusé, déçu : Tu vois, c’est bien ce que je disais, il fallait réagir tout de suite. Ou par exemple dans un autre contexte : Mais pourquoi tu ne m’as rien dit ? Il fallait m’en parler !
Des explications:
- ne jurer de rien : c’est être bien conscient que rien n’est certain. On dit : Il ne faut jurer de rien.
- retour à la case départ : c’est revenir à une situation antérieure, comme si rien n’avait évolué
- repartir en flèche : recommencer à augmenter très fortement et très vite
- un cafouillage : un très mauvais fonctionnement. Cafouiller signifie que les choses se font de manière désordonnée et que le résultat est raté. (familier)
- partir à la chasse à quelque chose : se mettre à chercher quelque chose par tous les moyens
- du jour au lendemain : très rapidement, sans transition
- la pillule passe mal : on emploie cette expression quand les gens ont du mal à accepter quelque chose qu’ils n’ont pas du choisi. (familier)
A écouter, si vous préférez :
Je vous souhaite une bonne fin de weekend pascal.
Avec une petite touche d’humour qui circule sur internet, parce que quand même, on ne va se laisser abattre !
