Facile de chez facile

Je réponds enfin à Salianne qui m’avait posé la question suivante dans son commentaire sur mon billet précédent: Pourriez-vous un jour nous parler de l’expression ‘x de chez x’ ? On l’entend souvent?


C’est une expression familière, orale, qu’on a beaucoup entendue, qu’on entend moins maintenant me semble-t-il mais qui fait quand même toujours partie de notre langue.

J’aime bien de telles questions car elles me font réfléchir à notre façon de parler. C’est effectivement une expression qui peut paraître bizarre dans la mesure où la préposition chez s’emploie normalement avec des noms pour situer quelque chose ou quelqu’un :
Il vit chez ses parents.
On pourrait passer Noël chez moi.
Elle a acheté un appartement près de chez nous.
Je t’appelle de chez ma soeur.
Il y a des gens qui rêvent d’un sac de chez Chanel.

Mais dans cet emploi relevé par Salianne, la combinaison « de chez » sert à intensifier, peut-être comme s’il y avait un lieu où ce dont on parle était à son maximum. Ce qui est compliqué, c’est que cette expression ne fonctionne vraiment pas avec n’importe quels mots ni dans n’importe quel contexte. J’avoue avoir du mal à définir pourquoi ! Alors voici quelques exemples qui me sont venus.

Avec des adjectifs :
C’est nul de chez nul. = C’est vraiment très nul, on ne trouve rien d’aussi nul nulle part.
Le ciel était bleu de chez bleu. = Il n’existe pas de ciel plus bleu.
Ce qu’il a fait, c’est vraiment moche de chez moche. = C’est très, très moche.
Chez eux, c’est grand de chez grand, tu ne peux pas imaginer !

Parfois avec des noms :
Tu verras, c’est du caviar de chez caviar. = Il n’y a pas meilleur caviar.

Parfois avec des verbes :
C’est ce qu’on appelle râler de chez râler. = Cette personne a vraiment râlé, c’est-à-dire s’est vraiment plainte de quelque chose.
Il s’est planté de chez planté = Il a vraiment raté ce qu’il voulait faire.
Je me suis perdue de chez perdu. = Je ne savais plus du tout où j’étais.

Vous voyez, ce n’est finalement pas facile de chez facile ! Si de votre côté, vous rencontrez d’autres exemples, venez les partager ici avec nous tous.

Et comme je suis triste de chez triste – je viens de perdre mon frère et c’est une infinie tristesse – je partage avec vous cette beauté qui me console :

Beauté nécessaire

La beauté. Quand les hommes travaillent ensemble, pour construire ce qui nous fait vibrer, admirer, vivre.
Cela faisait longtemps que je n’avais rien publié ici : j’avais pourtant plusieurs sujets en projet. Mais cette nouvelle guerre, une de plus, pour les intérêts de quelques puissants qui envoient comme toujours les autres tuer et se faire tuer, avait rendu dérisoires toutes ces choses que j’aime d’habitude partager avec vous.

La beauté. Quand les hommes dansent. Quand ils dansent ensemble.
Ce que j’aime dans ce qui suit, c’est la fluidité de ces deux corps qui savent se rejoindre et s’épouser. Ce sont ces mouvements impeccables de tout un groupe où chacun ne fait plus qu’un avec les autres. Ce sont ces moments où vient un enchaînement auquel on ne s’attendait pas, petits moments de grâce, imaginés par un chorégraphe, avec ses danseurs. Voici quelques exemples de ce qui me touche dans le travail de Juliano Nunes, avec des compagnies et des danseurs du monde entier. Hommes ensemble, hommes et femmes ensemble, dans leurs justaucorps et tutus semblables.