Potiche

Potiche, c’est le titre du film de François Ozon qui vient juste de sortir et dont on entend beaucoup parler. Les critiques sont plutôt bonnes, ne serait-ce que pour les acteurs réunis par le cinéaste. Pensez donc ! Catherine Deneuve, en potiche pas si potiche que ça, Gérard Depardieu en syndicaliste grande gueule, Fabrice Luchini en mari plus que macho.

En tout cas, la bande annonce de cette comédie donne un avant-goût réussi de ce tableau des années 70.
Quelques répliques devraient entrer dans la mémoire collective !


Pour regarder, c’est ici. (après la pub)

Transcription:
Nous sommes en 1977.
La place des femmes, c’est au foyer, c’est pas au travail.
Mais aujourd’hui, elles veulent être reconnues comme de vraies partenaires.

– Coucou !(1) Ça s’est bien passé hier soir avec ton acheteur allemand ?
– Oh, fous-moi la paix (2), Suzanne !
– Si tu veux mon avis…
– Ton avis ? Quel avis ? Tu as un avis ?
– Mais Robert….
– Ce que je te demande, c’est de partager le mien. Sinon, tout le reste, c’est des paroles et de l’énergie perdue. Allez, tais-toi un peu.

– Ma pauvre maman, tu ne comprends rien. Mais il faut penser à l’avenir et se moderniser.

– Cite-moi des femmes aussi gâtées que toi après trente ans de mariage.
– Ah ça, pour ce qui est de l’électro-ménager, je suis une petite reine.
– Ah tu vois, tu es comblée. Tu es obligée de l’admettre.

– Comment ça va, Nadège ?
– Pas touche ! (3)

– Madame, c’est horrible.
– Une grève ?
– Oui.

– A défaut de négociations rapidement entamées, il y aura un durcissement de la grève.
– Un infarctus ! Je l’avais prédit.
– Je pense que Monsieur votre père devrait se faire remplacer. Et pourquoi pas vous, madame Pujol ?
– Maman ? Mais c’est une blague ! (4)

– Je représente un patronat juste, chaleureux.
– Une bourgeoise nymphomane.
– Excusez-le, il est un peu rude. Il est communiste.
– C’est typique !
– C’est une autre femme.
– Allez, il y a une quiche qui t’attend au frigo (5). Pilar pourra te la réchauffer.
– La salope ! (6) C’est un cauchemar, hein !

– Pourrions-nous nous voir dans un endroit plus discret ?
– Nous pouvons aller dans mon bureau si vous voulez.
– Moi, je préfèrerais dans ma voiture.

– Ça suffit. J’ai changé. Je suis une nouvelle femme. Et ça, grâce à la patronne.

– Tu vas dans le sens de l’histoire, maman. Partout les femmes prennent le pouvoir.

– Oh, mais ta gueule (7), toi !
– Qui c’est le patron ici, nom de Dieu (8)?
– Moi.
– Si je comprends bien, c’est moi maintenant la potiche.
– En quelque sorte.
– J’ai pas dit mon dernier mot.

Quelques explications :
1. Coucou : façon familière de dire bonjour, plutôt utilisée par les femmes.
2. Fous-moi la paix : Laisse-moi tranquille. (très familier et plutôt grossier)
3. Pas touche ! : C’est interdit de toucher. (familier)
4. une blague : une plaisanterie (familier)
5. le frigo : abréviation de frigidaire. ( qui était le nom de la marque, passé aujourd’hui dans la langue de tous les jours.) (familier)
6. La salope : insulte pour une femme. (féminin de salaud)
7. Ta gueule ! : insulte pour faire taire quelqu’un
8. Nom de dieu ! : c’est un juron. Les jurons sont la plupart du temps liés à la religion ou au sexe. On peut dire aussi « Nom d’un chien ! » pour éviter de mentionner « dieu ». D’autres diraient « Putain ! ».

* une potiche : une femme qui a un rôle juste « décoratif » auprès de son mari par exemple. Pas très valorisant ! On peut jouer les potiches, mais on peut aussi être une potiche, et là, c’est encore plus négatif.

Je n’ai pas vu ce film. Je regarderai le DVD quand il sortira !
Mais si vous voulez entendre Christophe et Gabrielle en parler, allez chez GABFLE.

Féministe pour la vie

Les femmes françaises ont eu le droit de vote seulement en 1944 et ont voté en 1945 pour la première fois.
Les femmes mariées ont obtenu le droit de travailler sans avoir à demander l’autorisation de leur mari en 1966.
Le principe de l’égalité des salaires hommes-femmes a été affirmé en 1972.
Elles ont gagné le droit à la contraception à la fin des années 60 et à l’IVG* en 1975.

Tout cela a été obtenu parce que des femmes (et des hommes) ont bataillé sans relâche. C’est ce que Benoîte Groult rappelait l’autre jour à la radio. Benoîte Groult a 90 ans. Elle sait la valeur de ces droits, et leur fragilité aussi si on n’y prend pas garde.


Transcription :
Et bonjour Benoîte Groult.
Bonjour.
En ce 8 mars, Journée Internationale de la Femme, c’est la centième, est-ce que vous diriez que le fait qu’on ait toujours besoin d’une journée de la femme, c’est décourageant pour la féministe que vous êtes ?
Oui, mais de toute façon, je sais très bien que le féminisme n’est plus à la mode, que je suis ringarde (1) et que c’est une mauvaise bannière. Bon. Moi je la trouve toujours valable et je trouve ça encore très important même en France.
Pourquoi, vous vous avez l’impression que c’est ringard aujourd’hui d’être féministe, Benoîte Groult ?
Parce que je vois les jeunes générations, j’ai trois filles, trois petites-filles, une arrière petite-fille, donc le féminisme va très loin, vous voyez… Eh bien, je vois que pour elles, le mot féminisme, ça ne se dit plus. On dirait que ça leur enlève leur sex-appeal…
Ah carrément (2)!
…de dire qu’elles sont féministes. « Non, non, je suis pas féministe », quitte à (3) mener des vies féministes, très indépendantes, travailler. Mais le mot est usé, parti, démodé, complètement.
Et elles n’ont pas conscience que si elles ont cette liberté-là, c’est grâce à votre combat…
Non !
Le vôtre et celui d’autres femmes ? Non ?
Elle croient que c’est le Moyen-Age (4). Elles sont nées avec tous les droits dans leur berceau, alors que moi, je suis née avec zéro droits. J’étais professeur de latin, j’avais toujours pas le droit de vote à vingt-cinq ans et elles n’imaginent pas que j’ai vu arriver au compte-gouttes (5) nos droits, donc je sais qu’ils sont précieux, difficiles, fragiles.

Quelques détails :
1. ringard : démodé (familier)
2. Ah carrément : complètement. (= Vous allez jusqu’à dire ça.)
3. quitte à faire quelque chose : ici = même si / au risque de…
4. Le Moyen-Age : période avant l’époque moderne, qui paraît lointaine et qui avait la réputation d’être une période obscure, pas progressiste.
5. au compte-gouttes : en très petite quantité, et lentement.
* une IVG : une interruption volontaire de grossesse.