Juste une petite question

Que fait un enfant plein de vivacité que tout intéresse autour de lui ? Il pose des questions toute la journée – dès 6h43 du matin! De très jolies questions, qui nous embarquent dans toutes sortes de directions.

Auprès de qui cherche-t-il des réponses? De ses parents, bien sûr. Et ses parents sont formidables car ils ont réponse à tout. Ils ne sont jamais vraiment pris de court. Sauf…
Sauf soumis à la dernière question, qui les laisse perplexes! Il faut dire que cette question est fondamentale, au moins une fois par jour, dans les familles françaises. Voici une publicité sympathique, pleine du charme d’une vie quotidienne toute simple.
(Et la musique est empruntée au film de François Truffaut, Les quatre cents coups. Alors…)

Cette publicité est à regarder ici. (Version longue)

Transcription
L : Maman. Maman !
M : Oui ?
L : Juste une petite question. Comment ils font, les hippopotames*, pour se gratter ?
P : Ils demandent à un autre hippopotame.
L : D’accord.

L : Au tout début, sur internet, il y avait rien du tout ?
L : Comment on sait qu’on n’est pas tout le temps en train de rêver ?
L : Est-ce que les chauves-souris, elles* trouvent qu’on dort à l’envers (1) ?
L : Les chiffres, ça va jusqu’où ?
M : Ça va jusqu’à l’infini. Ça s’arrête jamais. Un peu comme toi !
L : Pourquoi le premier monsieur (2) qui a applaudi, il* a tapé dans ses mains ?
P : En fait, il s’est dit : « Tiens, qu’est-ce que j’ai au bout de mes bras, hein. »
L : La mer, elle* va où quand elle descend (3) ?
L : Et pourquoi  on met pas des grands parachutes sur les avions ?
P : Même avec un très grand parachute, l’avion serait quand même trop lourd, chéri.

Malheureusement, toutes les questions ne sont pas aussi simples.
L : Qu’est-ce qu’on mange ce soir ?
P : Qu’est-ce qu’on mange ce soir…

Des explications
1. à l’envers : on pourrait dire aussi la tête en bas
2. le monsieur : on emploie souvent ce terme à la place de « homme ». Par exemple : On va demander au monsieur là-bas. / C’est qui le monsieur à côté de toi, là ? (sur une photo par exemple). Au féminin, il faut utiliser : la dame. Cela donne un côté moins impersonnel que les termes homme / femme.
3. la mer descend : elle se retire lors des marées basses. Elle monte à marée haute.

* Des questions orales :
– On utilise le nom et le pronom qui le remplace dans la même phrase, en commençant par l’un ou l’autre:
Comment ils font, les hippopotames?
Est-ce que les chauves souris, elles… ?
Pourquoi le premier monsieur, il…
La mer, elle va où?
On pourrait dire aussi : Elle va où, la mer ?
Les pronoms sont inutiles mais on fait ça très souvent oralement, dans un style familier.

– On n’est pas obligé d’utiliser « Est-ce que… » ou de faire une inversion sujet-verbe.
C’est le ton de la voix qui change une phrase à la structure affirmative (= sujet en premier puis verbe) en question.

Qu’est-ce qu’on mange ?
Eh oui, ça peut être une vraie question, puisque dans la majorité des familles françaises, on partage au moins un repas par jour – le dîner par exemple – assis autour de la même table, surtout quand on a des enfants. Alors, choix des menus, courses, et préparation (plus ou moins rapide), tout cela fait partie de ce rituel. Et ça revient souvent! Beaucoup s’en sont bien rendu compte pendant le confinement… 😉

Le silence

La première chose qui m’a frappée quand nous sommes entrés dans cette période de confinement, c’est, très vite, la qualité du silence retrouvé. Pas le silence complet bien sûr mais un silence dans lequel s’était tu le bruit de fond de la ville. Je n’habite pas une rue passante. Néanmoins, il y a cette rumeur, comme en arrière-plan, plus ou moins audible selon le sens du vent et selon les heures du jour et de la nuit. Mais là, brusquement avec l’arrêt de la circulation au loin, c’était comme un temps suspendu et une quiétude d’ordinaire perceptible hors des villes. C’était à la fois bizarre et agréable.

C’était le thème de cette très courte émission à la radio, dont voici un extrait:

Transcription
– Les effets inattendus du coronavirus.
– Nicolas, il m’est arrivé un truc de dingue (1) hier après-midi !
– Racontez-nous !
– Ouais, j’étais en train de promener ma chienne, ma chienne d’ailleurs que je peux vous louer à la demi-journée, hein, si vous avez besoin de prendre l’air (2) ! Bon donc j’étais en train de marcher et tout d’un coup, un type est passé en voiture, et je ne sais pas pourquoi, s’est mis à klaxonner. Vous imaginez, le son d’un klaxon, Nicolas ! Ça fait des jours que j’en avais pas entendu ! J’étais tellement surpris que j’ ai sursauté en manquant d’écraser (3) la patte de mon canidé (4) ! Ma propre réaction m’a sidéré (5), eh oui, car cela signifie que nous nous sommes déjà déshabitués des sons habituels de la ville, et tout le monde l’a constaté, pour cause de coronavirus, le printemps est devenu silencieux. Même les sirènes des véhicules d’urgence ne hurlent plus et cette diminution du bruit est vraiment très impressionnante. Et depuis la mise en place du confinement, les émissions sonores ont chuté progressivement. Les appareils ont enregistré une baisse quotidienne moyenne de cinq à sept décibels, ce qui représente 66 à 80 % de bruit en moins. Les pics sonores habituellement générés par les deux-roues (6), les sirènes, les chantiers, les vols d’avions (7) mais aussi par les bars ou les restaurants ont presque totalement disparu du paysage. Désormais, tout n’est plus que silence et rues dépeuplées à Paris comme en province. Cette situation acoustique est totalement inédite (8).

Quelques détails :
1. dingue : fou (familier) Donc un truc de dingue, c’est quelque chose de fou.
2. Prendre l’air : sortir pour respirer et se détendre
3. en manquant d’écraser  = j’ai failli écraser…
4. un canidé : un chien (terme scientifique qu’on n’emploie jamais en parlant de son chien)
5. sidérer : étonner très fortement. C’est un terme très fort.
6. Les deux-roues : les motos et surtout les scooters qui ont colonisé les villes
7. les vols d’avions : c’est un peu bizarre de dire ça. Il suffit de dire : les avions
8. inédit : jamais vu avant, complètement nouveau

J’ai aussi pensé à cet album de Rébecca Dautremer : Le Bois dormait, dans lequel toute une petite ville s’est figée dans le sommeil de ses habitants, tous mystérieusement atteints par un endormissement inexpliqué. Ils ont été comme saisis dans leurs occupations, aussi ordinaires que les nôtres, même si leur univers est féérique. Comment, en ce moment, ne pas nous identifier à eux dans cet état de suspension et d’attente qui est le leur depuis si longtemps et le nôtre depuis peu !

Je vous emmène faire un petit tour dans cet univers, sans vous en dévoiler la fin !
(Vous vous souvenez sans doute de Rebecca Dautremer.)

Transcription:
Cet album est vraiment un très bel album, par les couleurs, par l’histoire, mais aussi tout simplement par sa taille, parce que comme vous voyez, il est assez grand. C’est pas tout à fait un carré mais il fait donc 30 sur 34 centimètres, et ça permet d’avoir des illustrations qui sont très, très lisibles, très belles, très grandes, sur un papier vraiment de qualité. Les illustrations se trouvent sur la page de droite, et sur la page de gauche en fait, en général, donc il y a deux petits personnages qui vont nous conduire dans cette histoire. Et vous voyez qu’il y a un des personnages qui est un personnage plus âgé qui parle en fait à un jeune homme – et ce jeune homme parfois a l’air de s’ennuyer – et c’est lui qui va en fait être essentiel dans l’histoire. Donc on les voit s’en aller vers ce Bois qui dort, guidés par le personnage plus âgé et ce qui est assez amusant, c’est ça, c’est la façon dont les paroles de chacun sont écrites. Ce ne sont pas des bulles, ce sont des petits textes au-dessus, au-dessous de ces personnages, ça fait penser à des BD beaucoup plus anciennes, du début du vingtième siècle. Et voilà, donc c’est un style très particulier.

Et pour emplir ce silence, Bach. Et un magnifique pianiste.
De quoi nous réconcilier avec notre condition d’humains (qui est racontée par mes étudiants sur France Bienvenue ! 😉 )