Haletant

Il y a quelques semaines, j’ai vu A plein temps, un film que j’ai vraiment beaucoup aimé.

La bande annonce est trop succincte – un peu bâclée* à mon avis ! – pour être réellement représentative de tout ce qui traverse ce film. C’est dommage. Néanmoins, elle donne une petite idée de l’atmosphère qui enveloppe toute cette histoire, magnifiquement incarnée par Laure Calamy.

Je connaissais cette actrice dans des rôles plutôt drôles ou fantaisistes* – par exemple dans la série Dix pour cent ou le film Antoinette dans les Cévennes. On est loin de tout cela dans ce film puisqu’elle est Julie, une jeune mère de famille séparée du père de ses deux enfants, qui doit gérer seule une vie quotidienne compliquée.

En effet, elle habite en grande banlieue* mais travaille à Paris comme femme de chambre en chef dans un hôtel de grand luxe. Alors, c’est la course tous les jours, pour jongler entre ses enfants, qu’elle ne néglige jamais, et les exigences de son travail si éloigné, éloigné physiquement, mais éloigné aussi de ses aspirations et de ses compétences. Elle court, elle court presque tout le temps, après le temps, après les RER* et les bus, après le père de ses enfants, injoignable quand il s’agit de payer la pension alimentaire. Elle passe ses journées à courir avec son équipe de femmes de chambre, au service de clients qu’on devine imbuvables*, sous la surveillance de sa chef, stressée elle aussi et donc stressante. Et si en plus, se déclenche une grève dans de nombreux secteurs – on est en France ! – notamment dans les transports en commun, alors brutalement, l’équilibre qu’elle a construit ne tient plus qu’à un fil*. Et c’est cette période de transition dans sa vie qu’on suit pendant plusieurs jours.

La grande originalité de cette histoire – somme toute banale -, c’est la façon dont elle est racontée, portée par le rythme de la musique d’ Irène Drésel. On a le coeur qui bat sans cesse à suivre Julie dans ses trajets, parce qu’elle court pour être à l’heure, matin et soir mais aussi parce que la pulsation de la musique nous fait littéralement vivre cette cadence infernale toute la journée, répétitive, épuisante. On en est comme essoufflé, et grâce à cette musique, on vit de très près ce que vit Julie.

Cette histoire représente bien ce que vivent de nombreux banlieusards* tous les jours. Paris, ce n’est pas que du romantisme de carte postale ! Paris, ce sont aussi ces quartiers qu’on aperçoit sans les voir des fenêtres des trains de banlieue à l’approche des grandes gares parisiennes – Gare de Lyon, Gare Saint Lazare, Gare du Nord. Ce sont les embouteillages, la cohue des transports, les visages fermés, chacun dans sa bulle au milieu de cette agitation de fourmis. Et Julie poursuit sa trajectoire, coûte que coûte*, malgré les embûches. Je vous laisse regarder la bande annonce, dont le premier son, ô combien familier, donne le ton* !

Transcription de la bande annonce :


– Maman ?
– Oui ?
– Tu connais le Jardin d’Acclimatation (1) ?
– Oui.
– On pourra y aller un jour ?
– Ecoute, on verra.
– La circulation vers Paris est interrompue. Nous vous invitons à utiliser un itinéraire de substitution (2).
– Vous allez manifester (3) aujourd’hui ?
– Bah j’aimerais bien. Mais là, j’avoue que je m’intéresse plus aux grèves pour y faire face (4) que pour y participer. Je dois aller tous les jours à Paris.
– C’est dur, ça.
– On a cinq arrivées, cinq départs, huit recouches (5) et monsieur Yoshida qui prend la Churchill en fin de journée.
– J’ai un entretien.
– Pour un boulot (6) ?
– Oui.
– Genre (7)… un bon boulot ?
– Un super bon boulot.
– Tu joues avec le feu (8), Julie ! Avec les retards en plus, ça arrange rien (9).
– Il faudrait trouver une autre solution (10) pour les soirées, çaa commence à devenir difficile.
– Je vais te laisser mon badge et tu vas le valider en même temps que le tien.
– Mais ça, je suis pas… Je suis pas sûre.
(En raison d’un mouvement social…) (11)
– Il y a un train qui va partir, là.
– Quelle voie ?
– Voie 14.
– Jeanne Delacroix.
– Julie Roy.
– Enchantée. Merci de vous être déplacée (12) malgré les grèves. Ça ne vous inquiète pas de reprendre le travail après une aussi longue pause ?
– Ah non.

Des explications :

  1. le Jardin d’Acclimatation : c’est un parc de loisirs à Paris, dans le Bois de Boulogne, créé sous Napoléon III dans les années 1860. (Je vous en reparlerai bientôt.)
  2. un itinéraire de substitution : c’est une façon de dire que les moyens de transport habituels ne fonctionnent plus et qu’il va falloir prendre des bus, des cars à la place. C’est la formule consacrée en temps de grève des transports.
  3. manifester : défiler dans la rue pour protester contre quelque chose. En ce moment, il y a des manifestations régulièrement contre la réforme des retraites. (Je vous en reparle aussi bientôt !)
  4. pour y faire face : pour trouver comment se débrouiller malgré les grèves.
  5. une recouche : terme utilisé dans l’hôtellerie qui désigne le nettoyage et la remise en ordre d’une chambre d’hôtel qu’un client garde plusieurs jours. Il faut refaire le lit, nettoyer la salle de bains, changer les serviettes, etc.
  6. un boulot : un travail, un emploi (Ce terme est plus familier que les deux autres)
  7. genre : ce terme a tendance à être très utilisé familièrement. (Je vous en reparle aussi dans un prochain article !)
  8. jouer avec le feu : prendre des risques qui pourraient avoir des conséquences importantes. Dans le film, Julie risque sans arrêt de perdre son emploi dans cet hôtel.
  9. ça n’arrange rien : ça aggrave la situation au contraire.
  10. trouver une autre solution : trouver un autre moyen. (Julie a des problèmes de garde de ses enfants pendant qu’elle travaille. Il va falloir qu’elle trouve une autre nounou que sa voisine.)
  11. un mouvement social : un mouvement de grève, une grève
  12. se déplacer : aller quelque part, notamment à un entretien, un rendez-vous, etc.

* Des explications à propos de ma présentation :

  • bâclé : mal fait, fait à la va-vite
  • fantaisiste : plein de fantaisie
  • la grande banlieue : la banlieue éloignée de Paris, par opposition à la banlieue elle-même.
  • le RER : Réseau Express Régional, c’est-à-dire les trains qui relient Paris, la banlieue et la grande banlieue. Ce terme désigne à la fois le réseau lui-même mais aussi les trains qu’on prend. On dit par exemple :
    J’ai raté mon RER. / J’ai un RER dans 10 minutes.
  • imbuvable : on emploie ce terme à propos de quelqu’un qui est très désagréable et insupportable.
  • ne tenir qu’à un fil : être très fragile et donc toujours menacé
  • un banlieusard : quelqu’un qui habite la banlieue
  • coûte que coûte : à tout prix, malgré tous les obstacles
  • donner le ton : annoncer l’atmosphère de ce qui va suivre

.

La musique du film est essentielle, c’est vraiment un élément du récit à part entière.

Voici une interview de la compositrice, Irène Drésel, que vous pouvez lire ou / et écouter, sur Cinezik.fr.
(Parfait pour travailler son français oral, avec l’aide de l’article !)
C’est toujours passionnant d’écouter les gens expliquer comment ils créent, quel est le sens de leur travail.

En voici un tout petit extrait qui résume bien comment cette BO a été imaginée :

Cette musique, elle est imaginée comme… C’est le flux sanguin de… Julie, elle s’appelle dans le film. C’est son flux sanguin, c’est son mental, c’est son moi intérieur, c’est son rythme à elle, en fait. C’est le rythme qu’elle a dans le sang, dans le cœur, jour après jour. C’est pas… c’est pas un air qu’elle fredonne, c’est pas une musique qu’elle a en tête du tout. C’est ce qu’elle ressent. C’est le flux sanguin, le nombre de… le nombre de battements par minute, et aussi le stress qu’elle ressent au quotidien où elle se pose jamais en fait, jamais, jamais, jamais, si ce n’est dans les transports en commun le soir quand enfin, elle est assise et qu’elle regarde le paysage défiler par la fenêtre du train. Cette musique, c’est une musique intérieure, c’est pas une musique de film presque, c’est une musique de personnage .

Dans ce film, on découvre aussi les coulisses des grands hôtels, du point de vue des gens qui y travaillent. Cela m’a fait penser à mon ancienne étudiante, Meriem, dont vous aviez peut-être écouté les interviews sur mon autre site, France Bienvenue. Je vous remets le lien. (Et j’en profite pour vous dire que je vais recommencer à poster des interviews sur France Bienvenue, mais sans mes étudiants puisque je suis à la retraite !)

Je vous dis à très bientôt. ( Ces premières semaines de 2023 ont été bien occupées par notre déménagement de Marseille ! Je vous en reparle aussi bientôt.)

Les richesses du web (6) : l’INA

L’Institut National de l’Audiovisuel nous offre l’accès aux archives de l’audiovisuel public et c’est une immense richesse. Chaque jour, on découvre des extraits d’émissions, de reportages, de documentaires passés qui font écho à ce qui se passe dans le monde aujourd’hui. La plupart du temps, ces passages sont sous-titrés, ce qui est bien pratique quand on apprend le français. Ce qui est intéressant aussi, c’est d’entendre et se rappeler comment on parlait avant – il n’y a pas si longtemps de ça ! Nos façons de parler évoluent en fait très vite, imperceptiblement et on se retrouve quelques années plus tard à considérer comme presque bizarres et en tout cas très datés les termes utilisés, le phrasé, le timbre des voix.

Les sujets sont très variés. On redécouvre aussi des publicités qui ont fait date. Nostalgie… et étude sociologique !

J’ai choisi de vous emmener faire un petit tour en compagnie de Lucienne. C’était en 1972, elle n’était pas toute jeune. Mais ce dont elle parle est d’une surprenante fraÎcheur, avec cette diction et cette façon de rouler les R qu’ont encore aujourd’hui certaines personnes âgées dans nos campagnes.

Des explications

  1. le saindoux : de la graisse de porc
  2. avoir quelque chose sous la main : avoir quelque chose (ou parfois quelqu’un) qui est nous accessible immédiatement.
    – Je n’ai pas mon téléphone sous la main. Tu pourrais les appeler, toi ?
    – Pendant que je t’ai sous la main, tu veux bien m’aider à porter cette table ?
    Elle est un peu trop lourde pour moi. (familier)
  3. la Sologne : région du centre de la France, entre la Loire et le Cher, très connue pour ses belles forêts et ses étangs
  4. Oh non, pensez-vous ! : Oh non, bien sûr !
    Cette expression sert à nier ce que quelqu’un vient de dire. On peut l’utiliser aussi en tutoyant quelqu’un. Par exemple :
    Il va venir te voir bientôt ?
    – Penses-tu !
    On se voit juste une fois par an. ( = Bien sûr que non.)
  5. soigner les bêtes : s’occuper des animaux
  6. rapporter quelque chose : rapporter de l’argent. Quand on dit d’une activité qu’elle ne rapporte pas grand-chose, cela signifie qu’elle ne permet pas de gagner beaucoup d’argent.
  7. j’en ai des légions : j’en ai énormément.
    On peut employer ce nom dans des phrases comme celles-ci, souvent avec le verbe être. (Mais dans ce cas, légion reste au singulier) :
    Les gens vraiment motivés pour faire ce travail ne sont pas légion, je te le dis !
    Les fautes d’orthographe sont légion sur les réseaux sociaux.
  8. au petit jour : très tôt le matin, quand le jour se lève à peine
  9. une volière : une grande cage à oiseaux
  10. si je puis dire : formule polie, dans un style plutôt soutenu, pour adoucir et nuancer ce qu’on vient de dire. Cette forme du verbe pouvoir s’emploie à la première personne du singulier. On la trouve aussi dans certaines questions : Puis-je vous demander un petit service ? C’est plus soutenu que : Est-ce que je peux vous demander un petit service ?
  11. Oh et comment ! : Bien sûr ! / Evidemment !
    Cette expression indique qu’on est vraiment d’accord avec ce qui vient d’être dit. Par exemple :
    – Tu comptes prendre des vacances bientôt ?
    – Et comment !

    Dans le sud-ouest de la France, on entend, avec la même signification : Pardi !
  12. j’ai pas l’air : on ne dirait pas.
    « J’étais plutôt une révoltée. J’ai pas l’air, hein ! » = ça ne se voit pas immédiatement. On ajoute souvent « comme ça » juste après cette expression.
    Par exemple : J’ai pas l’air, comme ça, mais je suis quelqu’un de très têtu. On peut l’employer pour parler des autres : Il a pas l’air, comme ça, mais dans le fond, c’est un grand émotif !
    Il faut faire attention à la façon dont on place la voix et faire une très légère pause juste avant « comme ça » car cela signifie autre chose :
    – Tu crois qu’il va être fâché si je ne viens pas ?
    – Mais non, il n’est pas comme ça.
    Ne t’inquiète pas, il comprendra.
  13. je répondais : répondre, c’est répliquer en s’opposant. Par exemple, un enfant qui répond à ses parents est un enfant qui n’accepte pas de leur obéir sans rien dire.
  14. on peut déborder un peu : s’écarter des chemins autorisés
  15. sans tambour ni trompettes : sans se faire remarquer, discrètement, sans attirer l’attention
  16. j’ai pas mal trimbalé : normalement, on dit : se trimbaler = se déplacer, voyager (familier, et un peu vieilli)
  17. les pays où qu’il y a pas de bois : rajouter « que » après est bien sûr incorrect.
  18. je n’y resterai pas : dans les sous-titres, ils utilisent le conditionnel présent (resterais), alors qu’il faut le futur (resterai) à cause de ce qui précède : « J’espère qu’au paradis, il y aura des bois, parce que sans ça (= s’il n’y en a pas / s’il n’y a pas de bois), j’y resterai pas. »
    On met le conditionnel dans des phrases comme celles-ci : S’il n’y avait pas de bois au paradis, je n’y resterais pas.
    Pour faire la différence, cela peut aider de conjuguer à la 3è personne du singulier :
    S’il n’y a pas de bois au paradis, Lucienne n’y restera pas. (futur)
    S’il n’y avait pas de bois au paradis, Lucienne n’y resterait pas.
    (conditionnel présent)

J’ai enregistré certains des exemples ci-dessus, notamment quand l’intonation est importante :

Le site de l’INA est ici. (On prononce ce sigle comme un mot, pas lettre par lettre).
Personnellement, je suis abonnée à leur compte Instagram, ce qui est très pratique. Mais c’est juste une porte d’entrée pour le site complet qui vaut vraiment le détour !

Les richesses du web (4) : France TV arts

Je continue à partager avec vous ces lieux sur internet que j’aime beaucoup et si riches à tous points de vue, comme je l’ai expliqué il y a quelque temps dans un billet précédent.

« L’art de vous ouvrir à la culture » : c’est ainsi que France TV Arts décrit sa raison d’être et nous propose des documentaires sur des sujets variés sur la plateforme France TV. Mais il suffit d’aller sur leur compte Instagram pour regarder de courtes vidéos. Et comme les autres sites dont je vous ai déjà parlé, tout ce que disent les personnes interrogées est sous-titré. Et cela alterne avec du texte. C’est vraiment très riche.

J’ai regardé cette courte vidéo sur la sculpture de Degas, La Petite Danseuse de quatorze ans, que j’avais vue au Musée d’Orsay. Et ça a été une vraie découverte sur la façon dont ce qui est considéré aujourd’hui comme un chef d’oeuvre a été reçu à l’époque. Le conservateur des sculptures du Musée d’Orsay, en quelques minutes, rend passionnante cette histoire. Histoire esquissée de la danse et d’un milieu social. Histoire de théories sociales qui avaient cours au 19è siècle. Histoire aussi de la place des femmes. Et détails techniques et artistiques sur la création de cette oeuvre.

L’autre devise de FranceTV Arts, c’est « l’art sous toutes ses formes« . Et c’est exactement ça : cinéma, littérature, peinture, photographie, musique, etc. Une grande diversité de sujets à explorer, d’hier et d’aujourd’hui, qui donnent toujours envie d’en savoir plus. Un régal.

.

Un peu de vocabulaire :

  1. effaroucher quelqu’un : faire peur à quelqu’un. Les gens de l’époque ont été effarouchés, c’est-à-dire qu’ils ont été choqués.
  2. les coulisses de la danse classique : le contexte général, ce qu’on ne voit pas au premier abord et qui peut nous permettre de mieux comprendre. C’est un terme qui vient du théâtre, pour désigner le lieu derrière la scène.
  3. être à la merci de quelqu’un : ne pas avoir de liberté de choix face à cette personne et donc dépendre d’elle.
  4. les faveurs sexuelles : cela signifie en fait que la personne se prostitue
  5. Ils n’ont pas manqué de… = ils l’ont fait. C’était certain qu’ils allaient le faire.
  6. avoir recours à quelque chose : utiliser quelque chose

Des expressions avec le verbe faire :
faire l’unanimité : être approuvé par tout le monde. Donc ne pas faire l’unanimité signifie que certains critiquent quelque chose : une oeuvre d’art, un film mais aussi par exemple une décision, un choix. On dit par exemple : C’est une décision / une mesure qui ne fait pas l’unanimité.
faire scandale : susciter un scandale, choquer

La curiosité éveillée par cette vidéo m’a rappelé qu’il y a quelques années, était paru un livre de Camille Laurens, La Petite danseuse de quatorze ans. Je pense que je vais le trouver dans une des bibliothèques où je suis inscrite, à Marseille ou dans l’Aveyron.

.

Les richesses du web (1) : Brut

Je ne sais pas si vous préférez commencer par écouter puis lire ensuite ce que je raconte, ou l’inverse. Vous avez le choix, avant surtout d’aller écouter Adèle, plus bas, sur Brut !

On peut perdre beaucoup de temps sur internet, c’est certain, mais on peut surtout y découvrir tellement de richesses ! Au fil des jours à venir, je vais partager avec vous tout un tas de sites que je trouve vraiment intéressants quand on apprend le français. Même si vous ne vivez pas en France ou que vous avez trop peu d’occasions de séjourner dans un pays francophone – surtout en ce moment à cause du Covid – pas de problème, vous pouvez mettre du français tous les jours dans votre vie et autant que vous voulez ! C’est la magie d’internet !

Dans cette série de publications, je vais commencer par tous ces sites que je trouve plus qu’utiles et surtout intéressants pour écouter, écouter, écouter ! Mais si on écoute sans comprendre, ça ne sert à rien et ce n’est pas très motivant. Donc les sites que j’apprécie beaucoup ont l’énorme avantage d’être sous-titrés – et bien sous-titrés, sans erreurs.

Je les ai choisis aussi parce qu’ils racontent tous notre vie et témoignent de notre vision des choses. Les sujets sont variés, les gens sont intéressants. On y trouve toujours son bonheur.

Je les ai choisis parce que leurs publications sont courtes et très régulières. C’est parfait pour qu’ils fassent partie de votre vie quotidienne.

Et personnellement, je trouve que grâce à Instagram, c’est très simple de suivre ces comptes, tous ou seulement ceux qui vous accrochent, parce qu’on a toujours son téléphone avec soi et toujours quelques minutes à « perdre » de-ci, de-là dans une journée. De mon côté, j’aurais adoré avoir accès à toute cette richesse quand je faisais mes études d’anglais et je me rattrape aujourd’hui grâce aux comptes anglophones que je suis.

Vous êtes sûrement nombreux à regarder Brut. Voici une des belles découvertes que j’y ai faite récemment. Cette jeune femme, Adèle, m’a captivée. C’est un tel plaisir de l’écouter parler – sa voix, sa diction, son français – et quel parcours partagé avec force, simplicité et humilité ! Comment, ensuite, ne pas devenir plus attentif aux malentendants si on n’a pas trop réfléchi à la question avant ?

J’ai aussi été interpellée par ce qu’elle dit d’une des ses profs d’espagnol, qui est complètement passée à côté de cette jeune fille quand elle était élève, sans méchanceté sans doute, j’espère, mais plutôt par ignorance. Je suis prof et je sais qu’il est très facile de porter des jugements erronés et simplificateurs sur des jeunes et que ça ne devrait pas être le cas quand on enseigne.

Je me dis qu’on peut beaucoup apprendre de son parcours, de sa vie quotidienne, de sa ténacité. C’est d’ailleurs pour cela qu’elle a écrit un livre. Mais juste l’écouter sur Brut, quelques minutes, c’est déjà une très belle expérience, à tous points de vue ! Bonne écoute à vous.

Des explications :

  1. C’est l’angoisse : c’est très stressant (style oral)
  2. être appareillé : porter un appareil auditif qui permet de mieux entendre
  3. un bandeau : c’est un morceau de tissu passé autour de la tête pour retenir les cheveux longs
  4. la moyenne : pendant les études, c’est le résultat final de toutes les notes qu’on obtient dans une matière. Dans le système français, les notes vont de 0 à 20.
    On dit par exemple :
    – Je n’ai pas la moyenne en maths. Mais ma moyenne d’anglais est bonne.
    – Elle a une mauvaise moyenne en espagnol.

    – Elle a eu 13 de moyenne en français.
    – Il faut que je remonte ma moyenne.
  5. formuler quelque chose : exprimer quelque chose, le dire clairement
  6. se faire passer pour maladroite : choisir d’apparaître comme maladroite aux yeux des autres, donner volontairement l’impression qu’on est maladroit.
  7. faire une fac d’histoire de l’art : aller à l’université pour étudier l’histoire de l’art. Fac est l’abréviation de faculté, qui remplace souvent le terme université.
  8. se tuer à la tâche : travailler énormément, ce qui fatigue beaucoup
  9. un amphi : un cours à l’université qui a lieu en amphithéâtre, avec beaucoup d’étudiants rassemblés dans une très grande salle. Très souvent, on utilise ce terme qui désigne d’abord un lieu pour parler du cours lui-même.
    On dit par exemple : Demain j’ai amphi de droit.
  10. lâcher : abandonner, renoncer à faire quelque chose parce que c’est trop difficile, impossible à faire
  11. le désarroi : le fait de se sentir perdu et angoissé
  12. perdre de l’audition : entendre de moins en moins bien
  13. sur un mois : en un mois
  14. citadine : qui vit en ville
  15. un pendu : c’est un jeu auquel on joue enfant, dans lequel il faut retrouver les lettres d’un mot qui ont été remplacées par des tirets. On annonce une lettre et si elle n’est pas dans le mot choisi par l’adversaire, on dessine peu à peu les éléments d’un « pendu », le but étant de trouver le mot caché avant que le dessin ne soit complet.
  16. le brouhaha : une atmosphère bruyante, dans laquelle de nombreux sons et bruits se mélangent.

Voilà, c’était mon premier partage dans cette série de publications. (Il y aura quand même d’autres choses entre, des films, des lectures, des pubs, etc. !)

Il m’a semblé que c’était une bonne idée de ne pas faire une longue liste de sites dans un seul et même billet mais plutôt de faire ça progressivement, pour que vous puissiez vous faire une idée au fur et à mesure, à travers un exemple qui m’a bien plu et qui, de toute façon, me donne l’occasion, comme toujours ici, de faire du français avec vous. 🙂

Le beau monde

Le beau monde. C’est exactement l’inverse du milieu dans lequel vit Alice, en Normandie, un milieu simple, où les fins de mois peuvent être difficiles, où les petits boulots sont nécessaires. Alice travaille dans une pâtisserie. Elle travaille aussi la laine, les tissus, les matières, les teintures, pour son plaisir, toute seule. Elle rêve d’entrer dans une école d’arts appliqués, à Paris, pour y apprendre les métiers de la couture, de la broderie. Le beau monde, c’est celui d’Antoine, un monde aisé et dans lequel on parle avec aisance, et beaucoup, dans lequel on sait quelles écoles il faut choisir, dans lequel on voyage, se cultive, où on apprend très tôt à être à l’aise partout. Cela n’empêche pas qu’Antoine cherche lui aussi sa place, en photographiant un monde qui n’est pas le sien, en aimant Alice, en suscitant son amour. Mais peut-on vraiment passer d’un milieu social à un autre comme ça ? Et que deviennent ces amours de jeunesse où chacun est en train de se construire ?

Je trouve ce film très beau, porté par Ana Girardot, au jeu si subtil. Quelle magnifique jeune femme elle incarne ici ! Elle rend très émouvant cet apprentissage tenace du monde que fait Alice. Elle rend aussi très juste son apprentissage dans son école parisienne – c’est passionnant de la suivre dans ses explorations, en regardant ses mains et en écoutant les mots qu’elle apprend à poser sur son cheminement, guidée dans ses créations par des professeurs sans complaisance et des amis bienveillants.

Comme la bande annonce ne me semble vraiment pas donner une idée juste de ce film, j’ai eu envie de garder plutôt quelques passages, parmi d’autres, qui me touchent. Dans cette histoire, les mots et les émotions sont justes, les relations sociales, amicales, amoureuses sont finement observées et dépeintes, les images sont belles, sans tape à l’oeil, aux couleurs de l’océan, des fleurs mais aussi du quotidien ordinaire, que ce soit dans un HLM ou une demeure bougeoise. Une histoire simple. Alice, à la fois fragile et forte, qui pose des questions essentielles. Je n’aime pas trop ce mot devenu cliché, mais ici, il prend tout son sens : lumineuse, Alice est lumineuse.

– Quoi, c’est pour moi ? Qu’est-ce que c’est ? Oh !
– Ça m’a beaucoup aidée, la lettre (1). J’ai… Je suis rentrée dans mon école.
– Vraiment ? Je suis ravie (2) pour vous. Il fait un peu chaud pour la porter maintenant, mais merci beaucoup, c’est très gentil. Et ce sont vos amis, dehors, dans la voiture ?
– Oui, oui. Ils m’attendent.
– Alors c’est bien. Paris, l’année prochaine! Ça va vous changer. (3)
– Bah oui!
– Vous avez trouvé un logement ?
– Non, pas encore. J’aurais jamais dû amener cette écharpe. C’est horrible !

– Alice, c’est terrible. Elle est béate (4), on dirait qu’elle ne vit qu’à travers ton frère.
– Moi, je l’aime bien. Je trouve qu’elle a quelque chose d’intense. Et puis, faut voir d’où elle vient. Ça doit pas être évident. Ah, je te jure, si tu voyais sa mère (5) !
– Dieu merci (6), on n’a pas encore eu droit (7) aux présentations.
– J’aime pas que tu dises ça.
– Non. Non, non. Je veux bien voir sa famille. Mais déjà Alice, je sais pas quoi lui dire. Elle me regarde toujours comme si c’était la première fois qu’elle me voyait. Tu sais, je fais de mon mieux pour l’aider. Je suis sûre qu’elle fera une excellente petite main (8).
– Il a besoin d’une fille douce, Antoine. Maya, elle le rendait dingue.

– Antoine ? Vous êtes là ?
– Ça va, je me suis pas fait mal.
– Tant mieux. Tu es rentrée seule ?
– Antoine s’est arrêté à côté pour faire des photos. Je vais le rejoindre.
– Tu veux que je t’accompagne ?
– Non, non, c’est gentil. Je vais prendre un vélo.
– Alice, regarde ta mère. Ne bougez plus. Super. Christiane, vous pouvez me regarder ?

  1. la lettre : il s’agit d’une lettre de motivation où Alice devait expliquer son intérêt pour l’école d’art où elle souhaitait entrer.
  2. ravie : très contente (dans un style soutenu)
  3. ça va vous changer : ça va être un grand changement.
  4. être béat(e) : rester sans rien dire tellement on admire quelqu’un. C’est plutôt péjoratif à cause de cette implication de passivité.
  5. Si tu voyais sa mère ! : cette remarque est péjorative = Tu ne peux même pas imaginer comment est sa mère! (La mère d’Alice incarne le milieu modeste qui est le sien.)
  6. Dieu merci : langage très précieux, typique d’un milieu social aisé, cultivé et traditionnel.
  7. on n’a pas encore eu droit à… : cela ne s’est pas encore produit. Ici, elle veut dire qu’elle n’a pas encore été obligée de rencontrer la famille d’Alice.
  8. une petite main : cette expression désigne une couturière qualifiée mais qui est au service d’un grand couturier, une exécutante.

– J’aime bien les fleurs au bord des champs. C’est le bordel (1). Ça donne l’impression que c’était comme ça avant qu’on y soit.
– Qui, on ?
– Les humains.
– Ah ! Les humains. Nos amis les humains… Quoi ?
– C’est comme tu le dis (2).
Rodolphe m’a dit que tu étais à HEC (3). C’est bien, non ?
– Ah ouais, c’est bien. Mais je suis pas très heureux en vérité (4).
– Pourquoi ?
– Je fais de la photo depuis longtemps et j’ai envie d’en faire vraiment. Et tu vas en faire quoi, de tes fleurs ?
– Je vais essayer de les interpréter. On nous demande ça tout le temps, de dire ce qu’on aime et traduire ce qu’on ressent.
– Ça te plaît ?
– Ouais. Mais j’ai l’impression que c’est comme si une porte s’était ouverte sur un monde immense.

  1. le bordel : le bazar, le désordre (très familier)
  2. c’est comme tu le dis = c’est la façon dont tu le dis qui me fait sourire
  3. HEC : une grande école de commerce française, Hautes Etudes Commerciales.
  4. en vérité : en fait (langage plus soutenu)

– Rouge géranium ? C’est un rouge orangé. C’est beau ! Les mains, c’est le plus important si tu veux avoir l’air chic, si tu veux faire bien (1) devant ta belle-mère. C’est beau, alors, à leur maison ?
– Tout est beau. Ils ont l’air de trouver ça normal. Moi, j’aimerais juste m’asseoir, regarder. Et écouter.
– Il est canon (2), Antoine !
– Hum. Et Kevin, ça va ?
– Je sais pas. C’est vrai qu’il était pas bien (3), ces derniers temps (4). On se voit pas mal (5), en fait.
– Et il m’en veut ? (6)
– On sait pas au juste (7) ce qu’il ressent, je dirais. Mais ces derniers temps, c’est vrai, il picolait (8) pas mal.
– Ah bon ?
– En fait, Alice, on a une histoire (9) ensemble. Mais tu sais, c’est pas très… sérieux, hein. De temps en temps. On s’en est même pas rendu compte, c’était déjà arrivé. On aime bien coucher ensemble en fait. Et toi, tu es amoureuse ! Tu as les mains bouillantes. C’est le signe.

  1. faire bien : faire bonne impression
  2. il est canon : il est super beau ! (familier). On peut le dire aussi d’une femme : Elle est canon.
  3. il n’était pas bien = il n’allait pas bien, il était malheureux
  4. ces derniers temps : récemment
  5. on se voit pas mal : on se voit souvent (familier)
  6. en vouloir à quelqu’un : être fâché contre quelqu’un, ne pas lui pardonner quelque chose
  7. on ne sait pas au juste = on ne sait pas vraiment
  8. picoler : boire de l’alcool, trop d’alcool (argot)
  9. avoir une histoire avec quelqu’un : sortir avec quelqu’un, avoir des relations amoureuses, envisagées comme passagères, pas nécessairement très durables.

Ce film est disponible sur France TV, jusqu’au 30 avril. (Vous devrez subir plusieurs longues secondes de pub avant !)
Il existe aussi en DVD.

Vengeance

Aller au cinéma me manque. Je ne sais même plus dire quel est le dernier film que j’ai vu, dans notre petit cinéma à l’Estaque ! Et j’ai l’impression que j’ignore tout des quelques films qui ont réussi à sortir depuis un an. Mais nous avons eu aussi la chance de voir ou revoir des films plus anciens, même si, pour moi en tout cas, les regarder sur un écran d’ordinateur ou de télévision n’a rien à voir avec ce que l’on vit dans une salle obscure**.

Voici un de ces films dont j’ai emprunté le DVD à la médiathèque de mon quartier. Je l’avais manqué lors de sa sortie. Quel plaisir de découvrir l’histoire de la vengeance terrible d’une femme blessée dans son amour ! Vengeance impitoyable, qui nous fait passer tour à tour d’un sentiment d’empathie pour cette incroyable Madame de La Pommeraye, à une admiration fascinée pour la façon par exemple dont elle obtient des aveux du Marquis mais aussi à une interrogation sur sa détermination à tramer un complot aussi diabolique. Tout est parfaitement construit, beau, très bien filmé. Et comme je suis fan de Cécile de France, tout à fait crédible en femme du 18è siècle, c’est désormais un des films que je range dans la catégorie de ceux qui comptent pour moi.

Film en costumes, dans une belle langue qui n’est plus tout à fait la nôtre aujourd’hui, mais peinture de sentiments intemporels, qui fait aussi écho à nos préoccupations actuelles sur la place des femmes. (Emmanuel Mouret est un cinéaste de notre temps bien sûr!)

Et pour couronner le tout, une bande annonce très réussie, grâce à un florilège de répliques judicieusement posées sur des scènes du film. Il y a un art de la bande annonce !

Transcription de la bande annonce
(car sans surprise, la transcription automatique n’est pas encore au point** pour le français et donne des sous-titres truffés d’erreurs**.)

Marquis, que vous importe (1) que mon nom apparaisse dans la liste de vos conquêtes !
J’ai bon espoir.
Son orgueil est tel qu’il n’ose rentrer à Paris sans avoir vaincu sa proie.
Dois-je comprendre que vous vous êtes abandonnée (2) au Marquis ?
Toutes les passions ne se ressemblent pas. La nôtre est intense sans être excessive. Nos sentiments sont aussi pleins de tendresse que de raison.
M’est-il possible de connaître ces pensées qui m’éloignent de vous ?
J’ai peur qu’elles ne vous fâchent (3) autant qu’elles me fâchent.
Vous vous souvenez de Madame de Joncquières ?
Ce n’est pas qu’elle (4) ne soit belle comme un ange, qu’elle n’ait de la finesse, de la grâce, mais elle n’a aucun esprit de libertinage.
Pourquoi le Marquis s’attacherait-il à cette fille, alors qu’il ne s’attache à aucune autre ?
Parce que le Marquis ne résiste pas à ce qui lui résiste.
Madame, rendez-moi un service.
Lequel ?
Ayez compassion de moi (5). Je veux la revoir.
Quel est l’état de votre coeur ?
Il faut que j’aie cette fille-là. Ou que j’en périsse (6).
Je vous en supplie, madame. Il sacrifie la moitié de ma fortune. N’est-ce pas assez ?
Pour moi, le compte n’y est pas. (7)
Je crains (8) cependant que votre entreprise (9) soit excessive.
Mon entreprise est en-deçà (10) de ma douleur et du coup que le Marquis m’a porté.
Je mettrai dix hommes à leurs trousses (11), mais je les retrouverai. Je forcerai leur porte. Je ne sais ce que je ferai mais vous avez tout à craindre de l’état de violence dans lequel je suis.
Si aucune âme juste ne tente de corriger les hommes, comment espérer une meilleure société?

Des explications sur cette langue, c’est-à-dire ce qu’on dirait aujourd’hui:

  1. Que vous importe ! = pourquoi est-ce important pour vous ? / Qu’en avez-vous à faire ?
  2. s’abandonner à quelqu’un : lui céder, devenir sa maîtresse.
  3. fâcher quelqu’un : contrarier quelqu’un
  4. ce n’est pas qu’elle ne soit belle… : je reconnais qu’elle est belle… mais…
  5. Ayez compassion de moi : ayez pitié de moi.
  6. périr : mourir
  7. le compte n’y est pas : cela ne me suffit pas
  8. Je crains que : je trouve vraiment que…
  9. votre entreprise : ce que vous faites, ce que vous avez décidé de faire
  10. en deçà de : pas du tout à la hauteur de
  11. être aux trousses de quelqu’un : à la poursuite de quelqu’un

**J’ai employé quelques expressions que voici :

  • les salles obscures : c’est le nom qu’on donne aux salles de cinéma.
  • ne pas être au point : ne pas être parfait, donc ne pas bien fonctionner.
  • être truffé d’erreurs : être plein d’erreurs, de fautes

Ce film trouve sa source dans un passage de Jacques le Fataliste et son maître, de Denis Diderot. Voici un lien vers le texte original sur Gallica.

Et comme ce texte est un des classiques étudiés au lycée, on trouve de multiples analyses sur cette époque, sur le libertinage et sur cette oeuvre. En voici un exemple.
Personnellement, ce film m’a donné envie de relire ce texte, avec des yeux d’adulte cette fois !

Et pour finir, si vous avez envie de m’écouter :

Mais quand même, vivement qu’on puisse retourner au cinéma !