Champion avec papiers

Sharif a 18 ans. Il est afghan. Mais depuis peu, il est aussi français. Pourtant, ce n’est pas facile par les temps qui courent d’obtenir la nationalité française, surtout quand on vient de certains pays… enfin, surtout quand on est pauvre…

Il d’abord été un sans-papiers. Comme tous les enfants dans cette situation, il a été scolarisé car les écoles publiques françaises leur sont ouvertes. C’est ce qui lui a permis d’apprendre le français et d’avoir une vie la plus « normale » possible dans sa situation. Et ensuite, tout s’est accéléré pour lui, dans le bon sens. (Mais ce n’est pas le cas de tous…)


Transcription:
Je suis champion de France Espoir 2009 et… vice-champion en 2010, de boxe française. Je m’en souviens, en 2007, quand je suis arrivé ici que je ne savais pas du tout parler français. On ne savait pas dans quelle classe je pourrais y être (1), parce que j’avais presque 15 ans. Donc on m’a mis dans… dans une classe de… d’intégration.
Vous étiez scolarisé en Afghanistan ?
Non, pas vraiment.
Vous saviez déjà boxer avant d’arriver quand même ?
Non.
Non plus ?
Non, voilà…
Vous avez tout appris ici !
Je comprenais pas. D’un coup, tout le monde et tous les journalistes ont débarqué, TF1, France 2, tout le monde. Et j’avais pas de papiers (2) et que j’ai gagné un titre de champion de France. Champion de France sans papiers, quoi. L’année dernière, voilà, j’ai… j’ai été en finale. Donc il y avait le Championnat d’Europe derrière. Pour entrer en équipe de France, il prend (3) le finaliste et le vice-champion. Donc quand on n’est pas français, on peut pas rentrer en équipe de France. Et mon dossier, ça a duré… quoi… une semaine et après c’est bon. Tout est arrivé.
Vous vous sentez français depuis quand ?
Depuis que je suis français.
Depuis qu’il y a les papiers simplement ?
Voilà. Bah avant, j’avais peur de dire, voilà, « je me sens français », parce que j’étais pas français. Je pouvais… On peut pas dire ça.
Qu’est-ce que ça représente pour vous la nation française ?
Ah c’est… voilà, c’est la liberté. Et de deux, quand on a envie de réussir, il y a moyen ici. Quand on en veut, quand on a envie de faire quelque chose, il y a toujours moyen (4). Il faut y aller, faut être motivé.
Alors, on va voir votre ancienne classe ?
Oui, ça me ferait plaisir. C’est vrai que ça fait longtemps.

Bonjour. On est venu avec un ancien.
– Voilà.
Vous avez l’air ému de les voir ici, là.
– Bah, ça me fait plaisir de revoir Madame Delafonte. C’est vrai que j’ai pas eu le temps de passer après la […] les médias, ce qui s’est passé, tout ça. C’est… c’est des beaux souvenirs.
– Oui, oui, non. Et de le voir parler comme ça, c’est… Pour nous, c’est ce qu’il y a de mieux.
– Alors justement, ça paraît impressionnant. Il me dit qu’il y a encore trois ans, il parlait pas un mot de français. Vous confirmez d’ailleurs.
– Oh oui, tout à fait, pas un mot de français. Et quand il écrivait, ben, je me suis rendu compte qu’il avait appris à lire en copiant des livres. Donc il écrivait en Times New Roman. Donc voilà, il écrivait en police de caractères. C’est… C’était très curieux. Et il a été très, très vite.
– Bonjour, comment tu t’appelles ?
– Sarah.
– D’où est-ce que tu viens, Sarah ?
– Portugal.
– Portugal ?
– Et tu as quel âge ?
– J’ai 14 ans.
– Je m’appelle Michaela, j’ai 13 ans. Je suis roumaine.
– Roumaine ?
– Oui.
– Tu aimes le français ?
– Oui. Parce que je travaille bien, je lire (5) un petit peu. Mais j’écris pas bien.
– Bonjour, je m’appelle Sergo. Je suis géorgien. J’ai 12 ans.
– Alors, ici, on apprend à parler français surtout. Est-ce qu’on apprend aussi ce que c’est que la France, les valeurs de la France ?
– Tout à fait. Alors bon, pour les élèves qui sont ici, effectivement, c’est le niveau, bon ben, le…. le plus… le plus faible, on va dire. Ils apprennent vraiment à parler, à lire et à écrire. Et par la suite, quand ils vont passer dans le niveau supérieur, ce qui va être le cas de Sergo et de Sarah dès la semaine prochaine, ils vont prendre des cours d’histoire-géographie (6) et de civilisation française. Je crois que la langue représente l’esprit d’une nation, donc apprendre le français, c’est déjà apprendre à vivre en France.
– Donc vous constatez pas de problème d’intégration de ces élèves parmi le… le reste de la classe ?
Bah, il peut y avoir des personnalités problématiques parfois bien sûr, mais non, en règle générale, non. Je crois que nos élèves sont habitués au multiculturalisme. Enfin, ce genre de choses, ça leur pose pas du tout de problème, non, non. Par exemple, Sergo a un bon ami qui est Genzel. Genzel est russe, Sergo est géorgien, donc forcément, c’est reposant de pouvoir de temps en temps poser le sac et parler dans sa langue et voilà. Mais moi, je crois que c’est tout, Sergo a d’autres amis qui ne sont pas russophones. Donc voilà, non, non, enfin je lui fais tout à fait confiance pour avoir des amis français très, très vite.

Quelques détails :
1. dans quelle classe je pourrais y être : « y » est en trop car il y a le mot «classe».
2. les papiers : ce sont les documents officiels qui prouvent votre identité et votre statut pour vous autoriser à vivre sur le sol français. (carte de séjour, carte d’identité)
3. il prend : il faudrait dire soit « On prend », soit « ils prennent ».
4. il y a moyen de faire quelque chose : c’est possible de faire quelque chose. On peut dire le contraire : il n’y a pas moyen de…, pour dire que c’est impossible de faire quelque chose.
5. Je lire : il faut conjuguer le verbe : « Je lis »
6. l’histoire-géographie : dans les collèges et lycées français, ce sont deux matières qui sont enseignées ensemble, par le même professeur. On dit souvent juste « histoire-géo ».

Profession interprète

27 Etats
492 millions d’Européens
23 langues officielles, et d’autres
3 alphabets : latin, grec, cyrillique
1 500 personnes pour traduire des milliers de documents et des centaines de conférences
400 interprètes permanents
C’est aussi ça, l’Union Européenne.

Paule, Estelle et d’autres travaillent comme interprètes de conférence auprès des institutions de Bruxelles, Strasbourg et Luxembourg.
Franchement, ça m’a toujours impressionnée de voir les interprètes exercer leur métier parce que c’est une chose de comprendre et parler parfaitement une langue étrangère, mais c’en est une autre de passer d’une langue à l’autre dans l’instant avec autant d’aisance !


Transcription :
Quand après l’apprentissage de l’interprétation consécutive, on est passé à l’apprentissage de la simultanée, après la première séance, je me suis dit : « C’est impossible ! J’abandonne ! C’est pas possible d’écouter, de parler en même temps, de comprendre». Mais… mais c’est faisable, c’est-à-dire que on… on pratique cette technique et finalement on l’intègre.

C’est très enrichissant parce que forcément, on prépare les différentes réunions. Donc on apprend des tas de choses (1) en préparant. On découvre des tas de sujets intéressants. Ça peut aller de… de l’agriculture à la culture comme aujourd’hui. (On parlait du patrimoine culturel européen.)

Je pense que quelqu’un qui est attaché à la routine aurait beaucoup de mal à… à s’adapter à un métier d’interprète. Je trouve que ça demande beaucoup de facultés d’adaptation, un amour du changement et une curiosité pour des choses différentes et puis aussi de savoir maîtriser l’inattendu. Autre avantage, eh ben justement (2), les voyages, le fait de pouvoir se déplacer.

On voyage beaucoup, oui. Et les voyages ne se font pas uniquement dans l’Union Européenne. Ils se font dans le monde entier.

On est là pour rendre un service, pour permettre aux gens de communiquer entre eux dans la langue de leur choix et de faire en sorte justement qu’on ne nous remarque pas.

En travaillant ici, on travaille en plus dans de très, très bonnes conditions. C’est vraiment un… un métier très agréable à exercer, même s’il est stressant, même s’il est fatigant, même si parfois, on se déplace beaucoup. Mais malgré tout, je trouve que les retombées positives sont beaucoup plus importantes. Donc je garde mon enthousiasme !

Quand j’ai commencé à travailler, on m’a conseillé d’ajouter l’allemand (3) parce que c’était une langue déficitaire (4) en cabine française. Donc j’ai suivi ces conseils et ça a beaucoup changé le nombre de jours de recrutement quand j’étais free-lance. J’ai beaucoup plus travaillé à partir du jour où j’ai ajouté l’allemand.

Ce que l’on (5) a tendance à penser, c’est que l’interprète est un polyglotte qui maîtrise de nombreuses langues étrangères. Ce n’est pas ce que nous recherchons. Nous recherchons quelqu’un qui comprend de nombreuses langues étrangères mais qui maîtrise particulièrement bien la langue maternelle.

Quelques détails :
1. des tas de choses : beaucoup de choses (très fréquent à l’oral)
2. eh ben justement : eh bien précisement
3. l’allemand : le nombre d’élèves français qui choisissent allemand au collège a énormément diminué, sauf dans les départements frontaliers avec l’Allemagne. L’anglais domine évidemment et ensuite, c’est surtout espagnol.
4. une langue déficitaire : une langue pour laquelle on manque d’interprètes.
5. l’on : rajouter « l’ » devant « on » donne un style plus recherché.