Déterminés

En route pour l'ecole
J’ai déjà eu l’occasion de parler de la Guyane, ce département français à des milliers de kilomètres de la métropole. Un très grand territoire dans la forêt amazonienne. Une des choses qui m’a marquée, c’est la difficulté à offrir à tous les enfants les mêmes chances qu’aux autres petits Français: pas assez d’écoles, pas assez de moyens, pas assez d’enseignants. Si vous êtes professeur et que vous demandez à partir en Guyane, vous êtes sûr d’obtenir un poste immédiatement. Un autre signe, c’est le peu de jeunes Guyanais qui viennent poursuivre leurs études supérieures ici, alors que nous avons des étudiants martiniquais, réunionnais, guadeloupéens, néo-calédoniens. Conséquence de l’éloignement peut-être, mais surtout résultat d’une scolarité qui ne permet pas toujours de réussir à un niveau plus avancé.
Alors, à Cayenne, mardi dernier, cet appel à faire grève et à manifester avait été lancé:

grève en guyane

Ils sont déterminés, et on les comprend :

Transcription :
Trois cent trente millions sur dix ans, ça signifie trente-trois millions par an, c’est-à-dire la construction de cinq lycées, dix collèges, cinq cents classes du primaire. L’Etat doit s’engager. Il est évident qu’on s’arrêtera pas là. Mais il y aura obligatoirement, même si ça doit durer six mois, un an, il y aura obligatoirement un chantier qu’on a ouvert là, parce que c’est un chantier vital pour la Guyane ! Là, on n’est pas en train de discuter de trois biscuits et deux yaourts, là, hein ! On est en train de discuter de quarante mille jeunes qui arrivent. Donc on lâchera pas le morceau  (3)!

Quelques détails :
1. 330 millions : en toutes lettres, cela donne trois cent trente millions, avec le problème de savoir comment on écrit les nombres: des traits d’union ou pas, un « s » ou pas ! Le français est très bizarre. Donc on écrit : Trois cents avec un « S » Mais s’il y a quelque chose après, le « s » disparaît ! Allez savoir pourquoi ! Heureusement, on n’écrit pas souvent les grands nombres en toutes lettres dans le fond. Cependant, il n’est théoriquement pas accepté de commencer une phrase par un nombre écrit en chiffres, donc parfois, il faut savoir comment ça s’écrit.
2. Un chantier : on emploie ce terme au sens figuré pour parler d’un grand projet. On utilise souvent ce terme à propos d’une réforme profonde, qui va prendre du temps: par exemple, on parle du chantier des retraites, du chantier de la sécurité sociale, c’est-à-dire des domaines dans lesquels il y a du travail pour apporter les changements qu’on nous dit être nécessaires.
3. On ne lâchera pas le morceau : on résistera, on se battra jusqu’au bout, on ne renoncera pas. (familier). On dit aussi par exemple: Face à la fermeture de leur usine, ils ne veulent pas lâcher le morceau.

sur le chemin de l'ecole

Petites Guyanaises

Les mots des manifs

Il y a beaucoup à écouter dans une manifestation parce qu’une manif, c’est très bruyant.
Mais il y a aussi beaucoup à lire: banderoles, affiches de toutes tailles, tracts, auto-collants qui s’installent sur les vitrines des magasins, sur les kiosques à journaux, sur les abris-bus, les poubelles, les réverbères, les vêtements, et jusque sur les poussettes des bébés. Partout. Alors, après les sons de l’autre jour, petite balade en images.


A gauche, slogan qui rime et se scande pour dire les difficultés des uns et des autres, jeunes ou vieux.
A droite, slogan nostalgique d’un temps où on pouvait partir à la retraite après avoir travaillé et cotisé pendant 37 ans et demi.


Au centre, slogan en hommage au très fameux et très élégant « Casse-toi* pauvre con! », lancé par Nicolas Sarkozy, Président de la République, à un Français qui, je vous l’accorde, ne lui était pas très favorable.
A droite, slogan qui dénonce les mensonges du gouverneMENT.


Collé partout, slogan révolutionnaire qui réinvente la syntaxe française en transformant le nom en verbe et remet au goût du jour un concept que certains voudraient nous faire croire dépassé.


En lettres bien tracées, slogan qui joue avec les mots pour annoncer la résistance.


Slogan météorologique, sous un ciel marseillais très bleu.

Comme quoi dans les manifestations aussi, on peut apprendre du français :
* une manif : abréviation de manifestation. (familier)
* la galère : les difficultés. (familier)
* Casse-toi : va-t-en ! Très vulgaire et agressif, surtout associé au très méprisant « Pauvre con! », prononcé « pov’ con » ailleurs que dans le sud de la France. Dans le sud, on articule bien toutes les syllabes !
* battre en retraite : reculer sur un champ de bataille
* sale temps : mauvais temps. Au sens figuré, ça veut dire que ça va mal.