Tu as vu sa robe ?

Il y a quelques jours, j’ai lu le nouveau billet de Danah Boyd, qui publie des articles très intéressants à propos des nouvelles technologies et des réseaux sociaux. (en anglais)
Le titre m’avait interpellée. Elle explique dans cet article qu’elle est partenaire d’une campagne de Dove et Twitter en faveur de la tolérance des femmes envers les autres femmes et d’une façon plus générale, en faveur d’un usage civilisé des réseaux sociaux, non pour véhiculer des commentaires agressifs mais au contraire bienveillants et positifs.

Voici pourquoi : « Plus de 5 millions de tweets négatifs sur la beauté et l’image corporelle ont été postés en 2014 et 4 sur 5 de ces messages ont été envoyés par des femmes. Nous vivons dans un monde dans lequel l’auto-critique et la méchanceté non seulement sont acceptées mais sont la norme. Tout particulièrement vis-à-vis des femmes. Et pourtant, il y a énormément de femmes qui ne se rendent pas compte que ce qu’elles disent atteint non seulement leur propre valeur mais blesse aussi les autres. Chaque fois que nous avons des propos dégradants sur une personne pour les vêtements qu’elle porte ou pour ses actes – et chaque fois que nous nous dévalorisons nous-mêmes – nous contribuons à cette culture de la cruauté dans laquelle les femmes sont systématiquement perdantes. Il faut que cela change. » (Petite traduction personnelle)

Juste après, le lendemain de la cérémonie des Oscars, voici un des gros titres qu’on pouvait lire, parfaite illustration des propos de Danah Boyd :La risée de la toile

Etre la risée d’un groupe de personnes, c’est être la cible de leurs attaques pleines de mesquinerie. Le groupe déchaîné contre une personne qu’on ridiculise. (et bien souvent pour une raison futile, comme l’apparence ou le physique.)

Oui, il y a du travail pour changer les choses !
Je le constate régulièrement, à mon humble niveau, avec certaines de mes étudiantes, qui ont ces comportements intolérants et blessants vis-à-vis d’autres étudiantes ou étudiants. Pour certaines, préoccupées avant tout par le paraître, cela devient un mode de fonctionnement systématique, à un âge où on est encore en train de se construire, face au regard des autres.

Dove fait de la publicité pour ses produits.
Mais depuis longtemps, ils ont choisi le créneau de la beauté ordinaire, au lieu de celle retouchée des mannequins ou des actrices, plus inaccessible et pourtant convoitée par beaucoup, au prix de leur santé physique (et mentale parfois).

Connaissez-vous ces petites vidéos ?
L’occasion d’écouter des témoignages très naturels.

Dove le regard de nos amiesLe regard des amies: cliquez ici.

Transcription :
Dove a demandé aux femmes quelle partie de leur corps elles aimaient le plus.
– Ah d’accord !
– Je te dis ce que…
– Ouh là ! Bonne question !
– Ben… ça, c’est dur !
– Ouais, c’est super dur.
– Ah Mireille, trouvez quelque chose quand même !
– A notre âge, hein, franchement, ils exagèrent !
– Ouais, là, maintenant…

Ensuite, nous leur avons demandé quelle partie du corps elles aimaient chez leur amie.
– J’aime bien sa bouche, un peu pulpeuse, un peu gonflée.
– Sa poitrine.
– Ses fesses.
– La forme de ses yeux.
– Sa bouche. Moi, j’aime beaucoup son sourire.
– Euh oui…
– Ses seins. Bah je suis désolée, c’est vrai, hein !
– Elle est… elle est belle en fait. Elle est naturelle.
– Ah, je vais rougir.
– Je la trouve magnifique.
– Merci.
– Pas de problème.
– J’aime bien les yeux de Joséphine. Ils sont assez grands.
– J’aimerais bien avoir la même taille qu’elle.
– On devrait faire un mix de nous deux en fait.
– Voilà.
– Beh, tout ! Elle est grande, jolie, magnifique. Elle est parfaite, voilà.
– Oh merci !
– Tout.
– Ah ! C’est beau, ça !
– Petit calin.
– Je me perds en général.
Si nous sommes capables de voir la beauté chez les autres, pourquoi ne pas la voir en nous-mêmes ?
Ensemble, nous pouvons changer la façon dont les femmes perçoivent la beauté.

Dove2
Voici la seconde vidéo. Toutes ces femmes avaient à répondre à la question suivante: Quelle est la partie de votre corps que vous aimez le moins? Le plus? Ecoutez-les ici.

Transcription
– Mes jambes. Faut que je fasse du sport.
– Les hanches*. Peut-être un peu grosses. Je veux être plus maigre.
– Mes mains, parce qu’elles sont petites, et…
– Mes seins. Ils sont un peu trop généreux.
– Mes fesses, parce qu’elles sont pas musclées et parce que mes mollets, pour le coup, sont trop musclés.
– Mon ventre, parce que j’ai pas la chance d’avoir un ventre très plat. Je fais tout pour, hein, mais voilà.
– Mes cheveux. Ils sont raides.
– Mes fesses. Elles sont plates.

– Hum… Ce que j’aime bien ?
– Heu… Pff… Je sais pas.
– J’aime bien mes… Ouais, mais non.
– Non, c’est pas l’âge.
– C’est horrible ! Je sais pas ! Je réfléchis mais… Je sais pas si j’en ai une.

*Un petit détail de prononciation : la jeune femme qui parle de ses hanches n’est pas française. Elle parle très bien français mais se trompe dans la liaison avec le mot hanche : nous ne faisons pas la liaison avec ce mot-là.

Le grand jeu

L'Alhambra MarseilleLe Festival de Cannes bat son plein, comme tous les ans à cette époque. On peut s’y intéresser pour tout ce qu’il y a autour, les stars qui sortent le grand jeu, la traditionnelle montée des marches du Palais des Festivals, les paillettes et les robes importables ailleurs que sur le tapis rouge.

Mais c’est quand même avant tout un festival de cinéma ! Pour qui ne vit pas à Cannes et ne suit pas ce qui s’y passe au jour le jour, c’est d’abord la promesse de beaux films, qui sortent en salles dès maintenant ou qui seront sur les écrans en septembre. C’est l’occasion d’entendre beaucoup parler de cinéma.

Et la cérémonie d’ouverture, nous donne un avant-goût de tous ces films, comme une bande annonce qui condenserait toutes les bandes annonces de tous les films en compétition. Lambert Wilson était le maître de cette cérémonie, au tout début dans un anglais que beaucoup de Français peuvent lui envier, puis en français, car quand même, ce festival se passe en France ! Et comme il le dit avec un zeste d’humour, puisque les Français ont la réputation d’être arrogants, soyons-le jusqu’au bout et parlons français !
Mais rendons aussi hommage aux grands cinéastes de tous les pays. Et accueillons un jury très international, présidé par une Néo-Zélandaise.

Pour regarder cette cérémonie qui dure un peu plus d’une demi-heure,
c’est ici.

En voici donc un extrait, avec aussi Jane Campion et sa traductrice, parce que j’admire cette immense cinéaste. J’ai aimé ses propos simples et généreux. J’ai aimé la rétrospective de ses films, très beau montage des images si belles de ses univers. Et quels que soient les prix attribués à la fin de la semaine, j’ai déjà envie de voir Mr Turner, Timbuktu, The Homesman, Maps to the stars, Deux jours et une nuit, The Captive, Mommy et d’autres dont je n’ai pas encore retenu le titre.

Cannes Ouverture 2014

Transcription :

Dear English-speaking friends, a recent international survey has confirmed that the French are considered to be the most pretentious, arrogant and rude people in the world. Happily and rather surprisingly, the French agree. You see, we think we live in the most beautiful country in the world and therefore that everyone should speak our language. So French it’ll be tonight. Comme on dit dans le français (1), c’est à prendre ou à laisser (2).
Comme de coutume (3), Cannes sera pendant dix jours la vitrine (4) la plus photographiée de la planète. Le diable est dans les détails. Ainsi parlait Nietsche. Et dès ce soir, le monde passera au peigne fin (5) le moindre de vos orteils, admirera vos corps sculptés, enviera vos toilettes (6) cousues à même la peau (7), vos cheveux sublimés – à 14 heures, d’abord lissés à la brésilienne, puis à 15 heures, brushés, et à 16 heures, pourquoi pas crépés, pour enfin finir à 18 heures en chignon tiré à quatre épingles (8), le coiffeur en larmes qui ne veut plus sortir de la salle de bains. Vos cils recourbés, vos mains manucurées, vos pommettes rehaussées, au volume si… nouveau. Vos bouches, vos bouches repulpées, vos corps gainés par des fermetures éclair (9) héroïques. Et on m’a dit que pour les femmes, c’était encore plus de travail.
Mesdames et messieurs, la Présidente du Jury de ce 67è Festival, la réalisatrice Palme d’Or (10) pour La leçon de piano, madame Jane Campion.

Bonsoir, Merci, merci infiniment de cet accueil chaleureux et aussi de ces images qui m’ont bouleversée. Je me sens très émue. Je dois beaucoup, énormément à ce festival. Ma carrière n’aurait pas été possible sans Cannes, et je remercie Georges Cort, Thierry Frémeaux et tout le monde pour leur soutien et leur encouragement (11). J’aime ce festival. Je le connais bien. Ça fait vingt-huit ans que je viens, tout d’abord avec mes courts-métrages, et c’est la reine (12) des festivals. C’est passionnant. Cannes ose, Cannes choisit des films dans le monde entier quel que soit leur budget, quelles que soient les stars. Cannes fête tout le cinéma, les films avec une vision unique, avec une voix spéciale. Je pense aussi que Cannes apprécie ceux qui osent, même aussi parfois les réalisatrices.

Quelques détails :
1. dans le français : bien sûr, il faut dire « en français ». Mais c’est une faute typique que font les anglophones, pour traduire leur « in ».
2. C’est à prendre ou à laisser : cette expression signifie que de toute façon, c’est comme ça, que vous ne changerez pas la situation, que vous devez vous y adapter ou renoncer. Ici, il veut dire la soirée sera en français puisqu’on est en France.
3. Comme de coutume : comme d’habitude (style plus soutenu)
4. la vitrine : c’est comme la vitrine d’un magasin, qui doit être conçue pour attirer les regards et représenter ce qu’il y a à l’intérieur.
5. Passer au peigne fin : observer de très près.
6. Une toilette : une belle tenue, un beau vêtement. (style soutenu) Ce ne sont pas des vêtements ordinaires.
7. À même la peau : directement sur la peau. (= avec le vêtement enfilé et ajusté directement sur la personne qui le porte.) On peut employer « à même » dans quelques autres situations : dormir à même le sol. (directement sur le sol)
8. tiré à quatre épingles : cette expression s’emploie normalement à propos de quelqu’un qui est très bien habillé. On dit qu’il est tiré à quatre épingles. Ici, il y a un jeu de mots dans la mesure où pour faire tenir les cheveux en chignon, il faut utiliser des épingles à cheveux.
9. Une fermeture éclair : on utilise ce type de fermeture d’un vêtement à la place des boutons.
10. La Palme d’Or : c’est la récompense suprême au festival de Cannes.
11. Leur encouragement : en français, on utilise plutôt le pluriel. On reçoit les encouragements de quelqu’un.
12. La reine des festivals : on ne peut pas utiliser ce mot féminin en français parce qu’un festival est masculin ! On dit donc : c’est le roi des festivals.

Traduction du début :
Chers amis anglophones, une enquête internationale récente a confirmé que les Français sont considérés comme les plus prétentieux, les plus arrogants et les plus impolis du monde. Heureusement et de façon assez surprenante, les Français sont d’accord. Voyez-vous, nous pensons que nous vivons dans le plus beau pays du monde et que par conséquent, tout le monde devrait parler français. Alors ce sera donc français au programme ce soir.

Petit commentaire: j’ai toujours beaucoup de mal avec ces clichés, ces stéréotypes, quel que soit le pays concerné. On bascule vite dans quelque chose qui peut tourner au manque d’ouverture d’esprit et de générosité. Mais peut-être est-ce prétentieux et arrogant de dire ça.
En tout cas, Lambert Wilson concède ce stéréotype, avec humour, mais juste après, il se moque gentiment de nos amis anglophones qui ont souvent eux aussi un peu de mal avec la prononciation du français ! « C’est à prendre ou à laisser » !

Ma photo n’a rien à voir avec Cannes ! Mais elle a à voir avec le cinéma car il s’agit d’un cinéma de Marseille très sympa, très agréable, qui passe de très bons films et fait tout pour promouvoir le goût des images et des films auprès des jeunes. On s’y sent bien.

Trop de tout

Pour beaucoup d’étrangers, la France est le pays du luxe et des grands couturiers. Vous prononcez le nom de Chanel et tout le monde sait de qui ou de quoi vous parlez : tailleurs aux lignes épurées, le N°5, Coco, Mademoiselle…

Derrière toutes ces images, il y a l’histoire de Gabrielle Chanel et de sa réussite incomparable. Ce sont les débuts de cette construction que racontait le film Coco avant Chanel, sorti l’année dernière, avec Audrey Tautou, pleine de grâce et de détermination, aux côtés de Benoît Poelvoorde, à la diction précipitée, comme toujours.
J’avais trouvé que c’était un beau récit, à l’abri des clichés et des exagérations romantiques. Et aussi un joli portrait de femme, tout en sobriété.

Cliquez ici pour regarder la bande annonce.

Transcription:
– Comment vous vous appelez ?
– Tout le monde m’appelle Coco.
– Tu as un destin à part. Tu ne ressembles à personne.

– C’était superbe !
– Laquelle des deux est la plus jeune ?
– Quand je m’ennuie, je me sens très vieille.
– Et ce soir, vous avez quel âge ?
– Ce soir, j’ai mille ans.

– C’est pas en faisant des petits baisers mouillés à ton baron dans un trou à rats (1) que tu vas t’en sortir.(2)
– Maurice veut m’épouser.
– Tu crois vraiment qu’un baron veut épouser une fille comme toi ?

– Qui dois-je annoncer ?
– Gabrielle. Coco.
– Qu’est-ce que tu viens faire ici ?
– J’ai ma sœur qui habite pas loin.
– Tu habites chez Balsan ?
– Deux jours.
– On peut savoir ce que tu as fait de la robe que je t’avais offerte ?
– Je l’ai rependue à la fenêtre. J’avais l’impression de porter tes rideaux.
– C’est dommage. Tu ressemblais presque à une dame.

– Vous êtes élégante.
– Elle te plaît tant que ça ?
– Elle me plaît.

– J’avais jamais vu la mer.
– C’était bien, ton petit séjour ? Vous vous êtes amusés ?
– Tu es jaloux.
– Affreusement, ouais.

– Trop de plumes, trop de maquillage, trop de froufrous (3). Trop de tout !
– Tout ce qui me manque, c’est un travail. Je vais partir à Paris.
– Tu ne comptes (4) quand même pas sérieusement travailler !
– Je pense qu’elle a raison.
– Tu devrais pas lui mettre dans la tête des idées pareilles.
– J’en ai marre de (5) faire le clown pour ta bande de dégénérés !
– Ne me parle pas sur ce ton !
– Je te parle comme je veux !

– Un jour, ils se battront pour dîner à notre table.

Quelques détails :
1. un trou à rats : un endroit perdu, où il ne se passe rien. (familier)
2. s’en sortir : réussir.
3. des froufrous : des vêtements compliqués, avec des volants partout.
4. compter faire quelque chose : envisager de faire quelque chose
5. en avoir marre de quelque chose / de faire quelque chose : en avoir assez, ne plus supporter. ( familier)