C’était la rentrée

Il y a quelques jours, c’était la rentrée. La rentrée des classes. Et pour tout dire, c’est la première rentrée que je ne fais pas. Je les ai toutes faites depuis l’âge de trois ans, en tant qu’élève, puis en tant que prof depuis mes vingt-deux ans ! Donc je ne suis plus concernée directement par les réformes ou les changements annoncés par le gouvernement. Je savoure !

Mais j’ai quand même suivi ce qui se passait dans la communauté éducative. C’était difficile d’y échapper de toute façon, puisqu’une des mesures phares était l’annonce, en fanfare, de l’interdiction du port de l’abaya dans les écoles, les collèges et les lycées. Interventions très médiatisées des Ministres de l’Intérieur et de l’Education Nationale.

Cela permettait entre autre au gouvernement de ne pas aborder d’autres problèmes plus essentiels ou plus urgents, comme par exemple le manque de professeurs dans les classes (classes surchargées par endroits, classes sans profs) et le manque d’adultes pour s’occuper vraiment des jeunes dans un grand nombre d’établissements scolaires (personnel éducatif, médecins et infirmier.es scolaires, psychologues, assistantes sociales, etc.)

Ce manque, c’est ce qui ressort avec humour de ce qui a circulé sur internet sous la forme d’un tout petit texte, qu’il faut lire – ça m’ennuie juste un peu de ne pas savoir qui a fait cette trouvaille plutôt drôle. Pour mon petit article d’aujourd’hui, je vais en retenir surtout comment ça fonctionne au niveau de l’humour.

Ce petit texte drôle qu’on découvre d’abord écrit repose en fait sur nos habitudes de prononciation, donc nos façons de dire orales. Comme dans toutes les langues, nous avons nos contractions de mots, de syllabes, de phrases lorsque nous parlons. Ici, tout vient de Eh bien qui devient Bah et de Il y a / Il n’y a pas, raccourcis en Y a / Y a pas dans nos conversations ordinaires et plutôt familières. C’est ce qui permet ce jeu de mots :

Abaya = Ah, bah y a (pas…) = Eh bien, il y a / il n’y a pas…
Donc voici ce que ça donne en « bon » français :
Il n’y a pas de profs.
Il n’y a pas de locaux. (Les locaux, ce sont les installations, les bâtiments où se déroulent des activités; dans les établissements scolaires, il s’agit des salles de classe, des gymnases, des installations sportives, des infirmeries, etc.)
Il n’y a pas d’argent non plus.
Et conclusion : Il n’y a qu’à rester à la maison, ce qui est donc une suggestion très radicale et d’un humour grinçant, face au manque de moyens dénoncé ici !

Au-delà de l’humour, si ça vous intéresse de mieux comprendre les enjeux et le contexte français par rapport à ces questions de laïcité, voici une mise au point que j’ai trouvée bien faite. (Cliquez sur l’image)
Il y a les sous-titres si vous allez directement sur DailyMotion, mais avec quelques petites erreurs de transcription par ci, par là, comme l’abaya qui apparaît systématiquement comme la baïa ! Ou comme Créteil qui devient crétin ! Et quelques fautes d’accord.

Et voici la lettre adressée aux parents des jeunes scolarisés en France :

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Voilà, c’était ma rentrée sur ce site et je vous dis à très bientôt, pour parler films, livres, podcasts, émissions, bref pour continuer à parler aussi du français tel qu’on le parle ici.

La dictée du jour

Alors, aujourd’hui, on va jouer à l’école:
Prenez une feuille et un stylo. On va commencer par une petite dictée.

Dictée du jour
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C’est bon? Vous vous êtes bien relu ?

Bon, maintenant, posez vos stylos. On ne joue plus.
On est sur internet et on tombe sur de vrais commentaires laissés sur des sites ou des réseaux sociaux. Et voici ce qu’on lit :
– Il va sans sortir.
– Sa femme qu’il attend soutenu.
– Quand pensez-vous ?

* Il va sans sortir.
Alors, ça veut dire qu’il reste à la maison ?

* Sa femme qu’il attend soutenu.
C’est bien connu, les femmes se font toujours attendre !

* Quand pensez-vous ?
Euh, jamais en fait. (Surtout quand j’écris.)

C’est plutôt drôle. C’est presque poétique !
Le problème, c’est que

– ça n’est pas volontaire.
– ça n’est pas un usage poétique des mots par leurs auteurs.
– c’est écrit par des Français, dans leur langue maternelle.
– ça devient presque incompréhensible.
Il faut quasiment se dire ces phrases à voix haute, et elles redeviennent alors pleines de sens :
= Il va s’en sortir.
(Il a beaucoup de travail, ou bien la situation est compliquée mais il va y arriver.)

= Sa femme, qu’il a tant soutenue…
(comme il s’y est engagé, en termes équivalents, par les voeux prononcés lors de leur mariage religieux.)

= Qu’en penses-tu ?
(Allez, donne-moi ton avis, ta position sur cette question ou sur ce que je te propose.)

La prononciation est exactement la même, c’est vrai. D’où ces erreurs.
Mais quand même !
Le remède se trouve peut-être – en partie – là :

Cette publicité joue sur les mots, des mots qui sont normalement écrits sur les paquets de cigarettes et associés à des photos peu poétiques des maladies causées par le tabagisme : Fumer nuit gravement à la santé. Avertissement solennel. Tentative de disuasion. (assez hypocrite, il faut bien le dire !)

En lisant, je crois moi aussi qu’on a davantage de chance de devenir moins ignorant en orthographe et en grammaire, de ne pas être un âne ! (Petite parenthèse : pauvres ânes ! En français, être un âne n’est pas flatteur.)
Lire, donc. Pas simplement pour le plaisir d’être bon en orthographe ou en grammaire, mais pour comprendre et se faire comprendre ! Et pour accéder au monde.
Parce que voilà, comme c’est écrit sur ce trottoir de Montmartre :

Connaissez-vous ce compte instagram ?
Allez jouer avec les mots de son auteure, tracés à la craie dans la rue !
Syntaxe et orthographe bousculées.
Poésie, humour et vérité.