Problème de budget

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En cette période de vie chère, certaines expressions toutes faites reviennent sans cesse dans la presse, à la radio, à la télévision :

Les prix s’envolent, les prix flambent : au supermarché, à la pompe (1), pour se chauffer, s’éclairer, etc.
Cela veut dire que pour une majorité de Français, il faut se serrer la ceinture (2). (Pas comme 19 de nos ministres qui, après publication de leur patrimoine, sont classés dans la catégorie des millionnaires…)

Alors, il n’y a pas de petites économies (3). C’est ce que les enseignes de la grande distribution (4) mettent en avant dans des publicités comme celle-ci, pour de l’emmental qui « ne risque pas de faire de trou dans votre budget » : avec ce produit, pas de danger, pas de risque de mettre en danger votre budget.

Et bien sûr, il y a un jeu de mots bien trouvé :

– on part de l’idée qu’une grosse dépense va faire un trou dans notre budget. Je pense qu’on utilise la même image dans d’autres langues que le français. On la retrouve aussi dans une expression que vous avez sans doute déjà entendue à propos de l’économie de la France : on parle du trou de la Sécu, c’est-à-dire du déficit de la Sécurité Sociale qui justifierait des hausses d’impôts et le déremboursement (5) de toutes sortes de médicaments et de soins de santé, parce qu’il faudrait combler le trou de la Sécu.

– Mais ensuite, l’image nous ramène au monde du fromage car l’emmental est un fromage… à trous ! L’emmental est très consommé en France, sous forme de râpé, il est vrai, sur les pâtes, dans les gratins. Mais même râpé, tout le monde sait que ses grandes tranches se caractérisent par leurs trous bien reconnaissables. Et voilà comment naît un slogan efficace qui parle à tout le monde !

Pour finir, la question essentielle, c’est de savoir pourquoi il y a des trous dans certains fromages comme l’emmental !
Voici ce que j’ai découvert, après des années d’ignorance ! Je ne m’étais jamais posé la question. C’est Jamy qui nous explique tout ça :

Quelques explications :

  1. à la pompe : dans les stations services, où on fait le plein d’essence. On parle donc des prix à la pompe pour parler du prix des carburants.
  2. se serrer la ceinture : restreindre ses dépenses
  3. Il n’y a pas de petites économies : cette expression signifie que toutes les économies qu’on peut faire ont leur importance, mêmes les petites.
  4. les enseignes de la grande distribution : les grandes chaînes de supermarchés
  5. le déremboursement : la fin du remboursement de certaines dépenses qui avant étaient prises en charge par la Sécurité Sociale. De plus en plus de médicaments ne nous sont plus remboursés. Donc nous en sommes de notre poche ! (= nous devons payer nous-mêmes)

Au bout du rouleau

Les publicités jouent souvent avec les mots.
Avec celle-ci, le lavage des voitures perdrait presque son côté très terre à terre !

L’été qui vient de se terminer a été placé sous le signe de la sécheresse et du manque d’eau. Il était donc interdit de laver sa voiture… sauf pour certaines professions, qui continuaient à avoir accès aux stations de lavage. Chez Wash – un nom anglais, ça rend les choses plus « glamour » ! – comme chez ses concurrents, nos voitures sont nettoyées par des rouleaux qui vont et viennent sous nos yeux distraits. Oui, tout se fait sans se fatiguer, une fois notre paiement effectué. Les rouleaux se mettent en route, vont jusqu’au bout du rail et reviennent au point de départ. Et au bout du rouleau, la promesse d’une voiture pimpante et étincelante !

L’humour de cette publicité repose sur une expression qui n’a rien à voir avec le lavage des voitures. En effet, être au bout du rouleau, c’est être épuisé, moralement et physiquement, et complètement découragé. C’est ne plus avoir les ressources nécessaires pour faire face :
– Il a trop de responsabilités. Il est au bout du rouleau. Il ferait mieux de se mettre en congé maladie et de se reposer.
– Beaucoup d’infirmiers et d’infirmières ont démissionné dans les hôpitaux car ils étaient au bout du rouleau après deux ans de crise covid.

Beaucoup de parents, eux aussi, se sont plaints, ces deux dernières années, d’être au bout du rouleau pendant les confinements successifs, obligés de jongler entre télétravail et école à la maison. Cette expression est donc d’actualité. Mais il me semble qu’elle est souvent remplacée aujourd’hui par un emprunt à l’anglais : on entend beaucoup de gens dire qu’ils sont en burn-out. Et si on est jeune, on dit carrément : Je suis au bout de ma vie. (ce qui est plutôt paradoxal pour des ados qui ont la vie devant eux !)

Allez, j’espère que vous avez bien profité du weekend, pour ne surtout pas vous retrouver au bout du rouleau !

A écouter si vous préférez :

Plus vite que la musique

A écouter :

Ou à lire :

Depuis un an, tous, nous nous sommes mis à compter encore plus qu’avant sur internet : pour télétravailler, communiquer avec nos proches ou nos amis, faire nos courses en ligne du fait de (1) la fermeture récurrente des commerces dits non-essentiels, regarder les films que nous ne pouvons plus aller voir au cinéma, visiter des musées virtuellement, assister de chez nous aux spectacles dont nous sommes privés (2). La liste est longue. Le problème s’est donc vite posé de l’efficacité de nos connexions. Et ce n’est pas parce qu’on habite une grande ville qu’on est mieux loti (3).

Alors la question, légèrement apitoyée : « Tu n’as pas la fibre ? » est devenue un grand classique (4). LA fibre, et même, comme dans la publicité ci-dessus, la Fibre avec une majuscule ! Pas besoin d’expliquer, LA Fibre, tout le monde sait de quelle fibre il s’agit, même si personne ne saurait vraiment expliquer comment ça fonctionne. L’assurance que ça ne va pas ramer (5), pas bugger, pas se déconnecter, que ça va aller vite. Plus vite que la musique, comme le dit cette pub, détournant, comme souvent, une expression de notre langue.

L’expression habituelle, c’est : On ne peut pas aller plus vite que la musique, qui signifie qu’on ne peut pas toujours accélérer et qu’il faut donc être patient et prendre le temps nécessaire, qu’il faut accepter certaines lenteurs. On dit souvent à celui qui agit dans la précipitation : Eh, pas plus vite que la musique ! / Pas la peine d’aller plus vite que la musique ! / Pourquoi tu veux aller plus vite que la musique ?

Donc voilà un slogan bien trouvé, qui nous promet que c’en est fini de la lenteur inévitable et exaspérante de nos connexions escargots. Nous ne nous impatienterons plus sur internet ! Mais si vous regardez bien les dates de l’offre tout en bas de ma photo, vous verrez qu’elle remonte à fin 2017. C’était dans mon quartier, à Marseille, pas au bout du monde du tout. Eh bien, il a fallu encore trois ans et demi pour qu’enfin, LA fibre arrive dans ce coin de notre ville ! (Et entre temps, l’abonnement est devenu plus cher!) Désormais, nous profitons donc du confort de la vitesse. Un an plus tôt, cela nous aurait rendu un immense service, lorsque dans l’urgence, tous nos cours sont passés en visioconférence et que certains de mes collègues, mieux connectés dans leur quartier, compatissaient (6) !

Pour finir, avez-vous remarqué comme certains mots sont employés avec LE ou LA, sans avoir besoin de préciser quoi que ce soit, alors qu’ils ne sont qu’un élément infime d’un ensemble et qu’on devrait dire plutôt UN ou UNE ? LA fibre. Mais aussi, en ce moment, LE masque : on porte LE masque, pas un masque. LE virus : LE virus a bouleversé nos habitudes. Comme un signe, probablement, de nos préoccupations actuelles – obsessionnelles – qui ont fait passer tant d’autres choses en arrière-plan.

Quelques explications:

  1. du fait de : à cause de
  2. être privé de quelque chose : ne plus avoir droit à quelque chose
  3. être mieux loti : être dans une meilleure situation que quelqu’un d’autre. On dit aussi : Il sont mal lotis / Ils sont bien lotis. / Il s’estime mal loti.
  4. c’est un grand classique : cette expression signifie que c’est quelque chose qui arrive très souvent, que ça n’a rien de surprenant.
  5. ramer : peiner, mal fonctionner (familier). On peut aussi employer ce verbe pour une personne: Je ne comprends rien à cet exo. Je rame vraiment!
  6. compatir : plaindre quelqu’un. On dit souvent : « Je compatis ! », mais ça peut être ironique.

Bon début de semaine !

Juste une petite question

Que fait un enfant plein de vivacité que tout intéresse autour de lui ? Il pose des questions toute la journée – dès 6h43 du matin! De très jolies questions, qui nous embarquent dans toutes sortes de directions.

Auprès de qui cherche-t-il des réponses? De ses parents, bien sûr. Et ses parents sont formidables car ils ont réponse à tout. Ils ne sont jamais vraiment pris de court. Sauf…
Sauf soumis à la dernière question, qui les laisse perplexes! Il faut dire que cette question est fondamentale, au moins une fois par jour, dans les familles françaises. Voici une publicité sympathique, pleine du charme d’une vie quotidienne toute simple.
(Et la musique est empruntée au film de François Truffaut, Les quatre cents coups. Alors…)

Cette publicité est à regarder ici. (Version longue)

Transcription
L : Maman. Maman !
M : Oui ?
L : Juste une petite question. Comment ils font, les hippopotames*, pour se gratter ?
P : Ils demandent à un autre hippopotame.
L : D’accord.

L : Au tout début, sur internet, il y avait rien du tout ?
L : Comment on sait qu’on n’est pas tout le temps en train de rêver ?
L : Est-ce que les chauves-souris, elles* trouvent qu’on dort à l’envers (1) ?
L : Les chiffres, ça va jusqu’où ?
M : Ça va jusqu’à l’infini. Ça s’arrête jamais. Un peu comme toi !
L : Pourquoi le premier monsieur (2) qui a applaudi, il* a tapé dans ses mains ?
P : En fait, il s’est dit : « Tiens, qu’est-ce que j’ai au bout de mes bras, hein. »
L : La mer, elle* va où quand elle descend (3) ?
L : Et pourquoi  on met pas des grands parachutes sur les avions ?
P : Même avec un très grand parachute, l’avion serait quand même trop lourd, chéri.

Malheureusement, toutes les questions ne sont pas aussi simples.
L : Qu’est-ce qu’on mange ce soir ?
P : Qu’est-ce qu’on mange ce soir…

Des explications
1. à l’envers : on pourrait dire aussi la tête en bas
2. le monsieur : on emploie souvent ce terme à la place de « homme ». Par exemple : On va demander au monsieur là-bas. / C’est qui le monsieur à côté de toi, là ? (sur une photo par exemple). Au féminin, il faut utiliser : la dame. Cela donne un côté moins impersonnel que les termes homme / femme.
3. la mer descend : elle se retire lors des marées basses. Elle monte à marée haute.

* Des questions orales :
– On utilise le nom et le pronom qui le remplace dans la même phrase, en commençant par l’un ou l’autre:
Comment ils font, les hippopotames?
Est-ce que les chauves souris, elles… ?
Pourquoi le premier monsieur, il…
La mer, elle va où?
On pourrait dire aussi : Elle va où, la mer ?
Les pronoms sont inutiles mais on fait ça très souvent oralement, dans un style familier.

– On n’est pas obligé d’utiliser « Est-ce que… » ou de faire une inversion sujet-verbe.
C’est le ton de la voix qui change une phrase à la structure affirmative (= sujet en premier puis verbe) en question.

Qu’est-ce qu’on mange ?
Eh oui, ça peut être une vraie question, puisque dans la majorité des familles françaises, on partage au moins un repas par jour – le dîner par exemple – assis autour de la même table, surtout quand on a des enfants. Alors, choix des menus, courses, et préparation (plus ou moins rapide), tout cela fait partie de ce rituel. Et ça revient souvent! Beaucoup s’en sont bien rendu compte pendant le confinement… 😉

A quoi bon ?

C’est dans l’air du temps : ne pas polluer, respecter la planète.
Alors, publicitaires et entreprises adaptent leur messages et adoptent ce discours, pour continuer à vendre.
Ils jouent la carte de la sécurité de leurs produits, qu’on espère effectivement plus « propres », moins nocifs pour notre environnement et nous-mêmes.

Parce que sinon, c’est sûr, A quoi bon?
Cette expression signifie toujours qu’on se demande à quoi ça sert.

A quoi cela sert-il de nettoyer sa maison de fond en comble si les produits qu’on nous vend pour ça sont dangereux pour l’air, l’eau, la terre ? Il paraît que l’intérieur de nos maisons est très pollué. Tant mieux si cela change !

Dans d’autres contextes, cette expression, qui pose toujours la question de l’utilité et du sens de nos actions, apparaît dans la bouche de ceux qui se disent et nous disent qu’on ne pourra rien changer : les défaitistes. Les à-quoi-bonistes ou aquoibonistes.
Elle exprime le découragement, un sentiment d’impuissance.
Elle est souvent un alibi pour ne rien tenter. Dire A quoi bon, c’est avoir renoncé, pour toutes sortes de raisons.
C’est baisser les bras.

Dans d’autres situations, elle peut aussi exprimer la position de ceux qui ne veulent pas créer davantage de problèmes:
A quoi bon remuer toutes ces vieilles histoires de famille ?
– A quoi bon revenir là-dessus ? Nous ne serons jamais d’accord.

Et ces derniers jours, ce terme, aquoibonisme, est revenu en force dans les médias français, à propos des femmes qui se sont longtemps dit :
A quoi bon porter plainte contre le harcèlement masculin, contre les viols, contre les violences conjugales ? A quoi bon ?
Adèle Haenel, l’actrice qu’on a vue dans Portrait de la jeune fille en feu, magnifique Héloïse, a cessé, il y a quelques jours, de se dire : A quoi bon ?

Allez, sur une note plus légère, j’espère en tout cas que vous ne vous direz jamais :
A quoi bon continuer à apprendre le français ! C’est trop difficile. C’est trop long. Je n’y arriverai jamais.
L’ampleur de la tâche peut parfois sembler trop grande, c’est certain, mais on avance tous les jours quand on apprend une autre langue, tranquillement, patiemment, et c’est passionnant !

A bientôt

Registres de langue

Les kilos de publicités que nous recevons dans nos boîtes aux lettres sont vraiment une plaie ! Encombrantes, très laides en général – photos d’escalopes de veau, de flacons de lessive, de rouleaux de PQ, etc. – et un immense gâchis de papier et de tout ce qui sert à les produire, puis à les distribuer, puisque souvent, elles vont directement à la poubelle. C’est ce qui explique les petits messages collés sur certaines boîtes aux lettres, à l’intention du facteur ou des gens payés au lance-pierre pour nous déposer ces catalogues ou prospectus.
Mais les styles varient !

Option 1 : un message direct, épuré et courtois juste ce qu’il faut.
Pas de réelle implication du « refuseur » de pub. Impersonnel, neutre et passe-partout.

Option 2 : un message plus détaillé, pédagogique. Poli aussi.
Rédigé après une étude personnelle plus fouillée de ce qui atterrit dans nos boîtes tous les jours.

Option 3 : Très direct. Parfaitement clair (même s’il suppose aussi une connaissance de l’anglais de base!). Légèrement moins poli, dirons-nous.
Le message de celui qui a dû essayer les options 1 et 2 sans résultat. Alors, ça finit par énerver !

Le tutoiement :
Autant il peut être le signe qu’on est proche de la personne à qui on s’adresse, autant il peut être aussi une marque d’irrespect. C’est le cas ici.
Quand on s’insulte, on se tutoie en général.