Allez, les filles !

Comme l’annonçait Edelweiss dans son commentaire il y a deux jours, c’était hier la journée internationale des droits des femmes. On avance, comme le prouvent les mouvements récents de dénonciation du harcèlement vis-à-vis des femmes. Mais il y a encore (et toujours) du travail à faire, à tous les niveaux, à en croire ne serait-ce que les termes de recherche tapés par certains pour arriver sur ce blog !
Pour l’anecdote, voici ce qu’on trouve ces derniers jours :


– Tout d’abord, apprendre à ( à, accent grave, pas a ) parler (parler -er et pas ) et écrire correctement le français, c’est ça qui serait nécessaire!
– Et comme toujours, je reste perplexe devant ce qui attire le plus de personnes sur ce blog, c’est-à-dire la recherche des mots vulgaires et des insultes – et souvent celles à utiliser avec des femmes – en français ! Mes quelques pages là-dessus ont toujours du succès. J’avais déjà évoqué ce fait il y a quelques années ici.
Cela dit-il quelque chose de nos rapports humains ?

On y arrivera bien un jour, et partout ! Aujourd’hui, dans certaines parties du monde, nous allons à l’école, nous lisons, nous choisissons d’avoir des enfants ou pas, nous ne restons pas à la maison, nous travaillons, nous explorons le monde, nous avons notre mot à dire et notre vie à décider.

Allez, pour inverser un peu les rôles, je vous laisse aujourd’hui en compagnie d’un homme qui fait ce qui est encore souvent traditionnellement réservé aux femmes !

Père épuisé

Transcription
– Qu’est-ce que je ressens ? Un mélange d’amour, bien sûr, évidemment, et c’est bien en premier lieu, mais aussi d’énervement profond quand ils ne… n’obéissent pas. Et… Il y a plusieurs choses en fait. C’est que quand * je les ai deux par deux, c’est beaucoup plus simple que de les* avoir tous les quatre ensemble, bon, en étant seul à les gérer, bien sûr. D’une part parce qu’il y a les deux aînés qui se* tirent la bourre (1), je* dirais, pour savoir qui fera* le plus de bazar (2) et qu’il y a beaucoup plus d’interactions, avec quatre enfants, entre eux. Et ça crée un brouhaha (3) incessant et finalement, dans… dans vingt-quatre heures, j’ai très peu de moments où je n’ai pas d’enfant qui soit hurle, crie, ou vienne me solliciter (4) pour donner à manger, donner un verre d’eau, faire ceci, l’aider à s’habiller, se déshabiller, l’aider à quelque chose. Donc je suis… je suis* pris en fait… je suis hyper sollicité, du matin 7-8 heures jusqu’au soir, 22-23 heures pour les… les plus grands le weekend.
– Et ça crée chez vous un sentiment d’épuisement ?
– Ah mais bien sûr ! Evidemment ! Oui, je suis épuisé, oui, de… d’être hyper sollicité comme ça en permanence, oui !

Quelques explications :
1. se tirer la bourre : être en compétition, rivaliser pour être le meilleur. (argot). Par exemple : Quand ils font du vélo ensemble, ils finissent toujours par se tirer la bourre !
2. le bazar : le désordre. Ici, faire du bazar signifie faire des bêtises, ne pas être sage. (familier)
3. le brouhaha : du bruit confus où se mêlent beaucoup de voix, un bruit qui constitue comme un fond sonore envahissant. (par exemple, on parle du brouhaha de la rue, d’une foule, etc.)
4. solliciter quelqu ‘un : demander quelque chose à quelqu’un. Donc être très sollicité veut dire que les autres vous demandent sans cesse de l’aide, de l’attention.

La prononciation qui mange les syllabes:
* On l’entend lorsque ce jeune père dit : que quand.
Je ne sais pas si vous entendez « que », mais pour une oreille française, ce petit mot, à peine prononcé, est cependant perceptible.
* que de les avoir: il dit « d’les », en raccourcissant « de ».
* qui se tirent : il dit « s’tirent »
* je dirais : il prononce « j’dirais »
* fera : est prononcé « f’ra »
* le plus : est prononcé « l’plus »
* je suis pris : devient « chuis »

N’oubliez pas que vous n’êtes pas obligés de manger les syllabes comme ça pour avoir un français qui sonne « vrai ». Ici, dans le sud de la France, la majorité des Français prononcent distinctement ces syllabes escamotées ailleurs. Tous ces accents sont complètement authentiques et naturels. A vous de choisir votre prononciation !
A bientôt.

Etude de genre

Cette fois-ci, c’était les pommes de terre qui avaient retenu mon attention: photos appétissantes de recettes simples pour un aliment de base. De quoi nous redonner des idées pour varier les menus et les plaisirs. (« Nous », parce qu’à la maison, la cuisine est une activité partagée.)

Je n’avais pas remarqué le dossier spécial, consacré à la Saint Valentin. Commerçants, magazines et pubs reviennent à la charge tous les ans avec cette fête qui ne fait pas vraiment partie des traditions françaises.

J’ai donc lu le dossier spécial :

1SaintValentin le dossier
Des cœurs, du rose, du rouge, des fleurs. Rien que de très normal sans doute pour la « fête des amoureux ». Une tonne de conseils pour réussir ce jour si particulier.

2Introasexuée
Mais qui est aux commandes ? Qui va « sortir le grand jeu* » et préparer « des repas qui titillent ses papilles et eveillent ses sens » ? Jusque-là, aucun signe qui permette de savoir si ces conseils s’adressent plutôt aux hommes ou aux femmes. Bien sûr, me direz-vous, qui achète plutôt des magazines de cuisine ? Mais la plupart du temps, les recettes sont assez neutres pour être lisibles aussi bien par des cuisiniers que des cuisinières, puisque la cuisine est à la mode et qu’elle fait vendre.

3Maintenantc'est clair
Mais ensuite, tout devient parfaitement clair. Déjà, il y avait ce titre : « Je séduis » qui pouvait nous mettre la puce à l’oreille*. Eh oui, qui a été programmée pour plaire ?
Et plus loin, qui va tout faire pour profiter « de sa bonne humeur lorsqu’il rentre à la maison » ? (Il rentre bien sûr plus tard et attention, il pourrait être de mauvaise humeur car il a travaillé.)
Et qui lui prépare son déjeuner tous les jours – sa lunchbox, soyons modernes – et qui va s’appliquer le 14 février, comme ça « il fera des envieux parmi ses collègues » ? (Et vous, mesdames, comment épatez-vous vos collègues de travail à l’heure du déjeuner ?)

4Séduirepar la cuisine
Puis viennent les trucs de grand-mère et la sagesse populaire, les talents culinaires des femmes « bonnes à marier », les aphrodisiaques au service de la séduction féminine, le tout renforcé par des philtres d’amour. Rappelez-vous, on nous a promis le grand jeu ! Eh bien, le voilà, c’est sûr !
Alors, de l’humour à 100% ? Une parodie des conseils qu’on donnait à la femme au foyer parfaite dans des années pas si lointaines que ça ? Du second degré* ?

5Quicuisine
Certes, sur les photos, on voit que porter un tablier n’est pas exclusivement féminin. Mais en y regardant de plus près, qui fait goûter sa cuisine à l’autre, plein d’admiration ? Qui découpe la viande ? Bref, qui est le chef dans le fond ? Petit paradoxe dans un dossier destiné aux cuisinières, pas aux cuisiniers ! Paradoxe ou stéréotypes en action ?

6Une fille trèscool
Conclusion: vous saurez comment être « une fille très cool« , bien dans le rôle que la nature lui a prévu, parce que tout ça, c’est naturel, non ?

En ce moment, en France, il est question de chasser les stéréotypes sur les rôles féminins et masculins dans les manuels scolaires, dans les livres pour enfants, dans l’éducation que nous donnons à nos petits. Pour les plus grands, il ne faudra pas oublier, entre autres, les magazines de cuisine !

Allez visiter le site du gouvernement sur ce sujet, pour ne pas laisser la place aux idées fausses véhiculées par certains. C’est clair, c’est simple et c’est incontestable.

Remarque: Avec tout ça, nous n’avons pas encore testé les recettes de pommes de terre ! J’en ai retenu deux:
– un gratin aux deux pommes et au chèvre
– un paillasson de pomme de terre à la coriandre et crevettes sautées au gingembre.
Il va falloir que je retourne à mes fourneaux !

Des expressions:
* sortir le grand jeu: déployer de grands moyens pour arriver à son but, pour impressionner quelqu’un.
* mettre la puce à l’oreille: c’est lorsqu’un détail nous alerte sur quelque chose, éveille notre attention ou nos soupçons.
* c’est au second degré / c’est du second degré: cela signifie qu’il faut interpréter des paroles ou une remarque à l’opposé de ce que les mots ont l’air de dire. Normalement, il s’agit d’humour. Il ne faut pas en rester au sens littéral de ce qui a été dit.

C’est un choix

Courses et cuisine

Passer le moins de temps possible à faire les courses ? Et donc aller au supermarché afin de tout trouver au même endroit ?
Passer le moins de temps possible à cuisiner ? Et donc acheter essentiellement des plats tout prêts, des conserves, des surgelés afin de ne pas avoir à réellement préparer ce qu’on met dans son assiette ?

Chacun a sa propre façon d’aborder la question.
Chacun a ses priorités, en fonction de son budget, de son temps, de ses goûts, de son âge, de son éducation, des traditions familiales.
C’est aussi une question de partage des tâches domestiques !

les courses de Patrick Viméo
Pour aller faire les courses avec Patrick et Christine dans leur quartier à Paris, chez le boucher, le pâtissier et au marché, voici cette petite vidéo:

Transcription :
– Je m’organise avec ma femme, là.
– Ouais, ouais.
– Il y a du collier d’agneau (1). Je prends du collier ou pas ?… Si, si (2), il y en a. Filet mignon (3), alors.
– Il y a une liste. Il y a une pré-liste si tu veux, et Patrick me téléphone pour me dire ce qu’il a acheté comme viande et en fonction de (4) ce qu’il a acheté comme viande, j’achète les légumes. Voilà.

– Alors, à qui le tour (5) ? Bonjour.
– C’est à moi. Bonjour. Alors, je voudrais trois kilos d’oranges pour faire du jus. Merci. C’est parfait.

– A la base, l’organisation, c’est parce qu’on a des commerçants (6)… certains commerçants à certains endroits, d’autres commerçants à d’autres endroits.
– Je peux pas acheter la viande sur le marché (7), par exemple. C’est pas terrible (8).
– Je dirais pas que c’est le meilleur boucher de Paris mais il travaille très bien et il a de la très bonne viande. Et il est pas loin de la maison, donc on en profite (9). Bouche à oreille (10), chez les commerçants. Justement tu leur dis : « Vous, vous allez où ? » Donc tu fais un essai. Et c’est comme ça que tu arrives à trouver des bons commerçants, quoi.

– J’ai quatre variétés. J’ai de la Lisbonne, Conférence, la Beurré Hardy et la Williams (11).
– Mettez (12) quatre Conférence … Ouais, quatre Conférence.

Par rapport à la grande surface (13), c’est que tu as un conseil (14) par rapport à ce que tu achètes, tu vois. Bon, même si tu as du fromage à la découpe (15) en grande surface, tu as pas forcément la connaissance du produit que… que la personne vend. C’est un employé, on lui dit : « Tu vends ça. » Il est pas forcément fromager de formation (16). Donc il te donne ce que tu lui demandes, en terme de (17) quantité, mais en terme de qualité de produit, il est pas forcément à même (18) de te conseiller comme tu peux être conseillé là.

A Paris, tu peux trouver dans tous les quartiers (19) des bons commerçants. Moi, je me souviens dans le 17è … bon, j’étais… c’est vrai que ça remonte un petit peu à loin (20), mais il y avait un excellent boucher qui faisait venir des veaux de Corrèze (21), donc les veaux sous la mère de Corrèze, déjà quand j’étais tout gamin (22) à Paris. A côté de Bastille… de République, je veux dire, il y avait un marché où il y avait aussi de très bons produits frais. Pareil, j’avais fait le tour (23) un petit peu et j’avais fini par trouver des… des bons commerçants, hein.

La pâtisserie, c’est le petit plaisir du weekend. Petit plaisir du weekend, avec un petit gâteau… un petit gâteau pour le repas du samedi soir.

Des explications :
1. le collier d’agneau : ce sont les morceaux au niveau du cou de l’agneau. Il faut faire mijoter cette viande. Pour apprendre à connaître tous ces termes bouchers, si vous êtes plutôt carnivore, cliquez ici. Vous saurez quoi choisir si vous faites vos courses en France !
2. Si, si : c’est la réponse qu’on fait à une question négative. Voici ce que sa femme a dû lui demander : Il n’y a pas de filet mignon ? / Et du filet mignon ? Il n’y en a pas ?
3. Un filet mignon : c’est un morceau de porc ou de veau, bien tendre.
4. En fonction de la viande qu’il a achetée : selon la viande… Ils marient donc bien sûr légumes et viande.
5. A qui le tour ? : c’est ainsi que les commerçants demandent qui ils doivent servir, dans quel ordre. Parfois, ce n’est pas très clair, notamment au marché où les gens font souvent la queue de façon pas très organisée. Et on répond donc : C’est à moi. Si ce n’est pas notre tour, on indique à qui c’est : C’est à ce monsieur / C’est à cette dame.
A Marseille, on entend souvent une question synonyme : Ça vient à qui ? Et on répond : ça vient à moi.
6. Les commerçants : quand on utilise ce mot, c’est qu’on veut parler des petits commerces.
7. Sur le marché : on peut dire aussi (plus souvent) : au marché. Par exemple: Je fais mes courses au marché. / Je trouve ma viande au marché.
8. C’est pas terrible : ce n’est pas vraiment bien. / La viande n’est pas très bonne. (C’est une remarque négative)
9. on en profite : cette expression montre qu’on a conscience qu’on a un avantage, qu’on est dans une situation favorable. Par exemple : Il fait beau. On en profite ! La semaine prochaine, ils annoncent du froid. / Il y a des prix intéressants dans ce magasin aujourd’hui. Il faut en profiter.
10. Le bouche à oreille : c’est lorsque des infos, des nouvelles se propagent parce que les gens en parlent aux autres, sans passer par des journaux officiels, par exemple. Les gens se transmettent ça directement, par les réseaux sociaux par exemple.
11. Conférence, Beurré Hardy, etc… : Ce sont quelques unes des variétés de poires.
12. Mettez quatre poires : on peut dire aussi : Mettez-moi 4 poires. / Je vais prendre 4 poires.
13. Une grande surface : c’est un supermarché ou un hypermarché, par opposition aux petits commerces. On dit par exemple: Il font leurs courses en grande surface. / Les grandes surfaces n’ont pas le droit d’ouvrir le dimanche.
14. Tu as un conseil : on peut dire aussi : Tu as des conseils. Au singulier, ici, c’est le moyen de généraliser, pour parler de la fonction de conseil en quelque sorte.
15. Du fromage à la découpe: on dit plus souvent du fromage à la coupe : cela signifie que le fromage est coupé devant vous, par opposition au fromage pré-emballé par les entreprises qui les vendent.
16. Être fromager de formation : avoir été formé à ce métier spécifique et donc avoir des compétences précises dans ce domaine.
17. En terme de = en ce qui concerne
18. être à même de faire quelque chose : être capable de faire quelque chose / avoir la possibilité de faire quelque chose. Par exemple : Il s’y connaît en informatique. Il sera à même de t’aider à acheter un nouvel ordinateur.
19. Les quartiers : ce sont les différents endroits dans une ville, avec leurs caractéristiques propres. Pour les désigner à Paris par exemple, on utilise le numéro de l’arrondissement (le 17è par exemple) ou leur nom. Par exemple, on dit : J’habite à Nation / à République, etc… / Je travaille dans le 17è.
20. Ça remonte à loin : c’était il y a longtemps. On peut dire aussi par exemple : ça remonte à l’année dernière / ça remonte à longtemps / ça remonte à il y a dix ans.
21. La Corrèze : c’est un département rural du centre de la Fance, où il y a des agriculteurs et des éleveurs.
22. Un veau sous la mère : c’est un veau qui est resté avec sa mère et a été nourri à son lait, et non pas avec des aliments industriels. La viande est donc meilleure.
23. Quand j’étais tout gamin : quand j’étais encore tout petit, quand j’étais enfant.
24. Faire le tour : c’est explorer un lieu. Ici, cela signifie qu’il avait fait le tour des commerçants, qu’il était allé dans différents commerces pour comparer leurs produits.

Pour entrer dans d’autres vies quotidiennes, toutes les vidéos sont ici :
portraits, façon de faire les courses et de cuisiner.
Tous les âges et des styles de vie variés.
Je vais en explorer d’autres et partagerai avec vous celles qui m’accrochent !

Vous pouvez aussi écouter Romain sur France Bienvenue.
Il a une autre méthode pour ses courses.

Dans nos frigos français

En ce moment, il y a une campagne de sensibilisation au problème du gaspillage alimentaire, ce mauvais luxe des pays qui souffrent d’abondance, quand le reste de la planète a faim. C’est l’occasion de faire connaissance avec des Français qui représentent des types de comportements variés dans ce domaine.
Vie quotidienne, habitudes, traditions familiales et façons de parler: cette exploration de nos frigos est parfaite pour tous ceux qui s’intéressent à nous et à notre langue !
(Le frigo, c’est le frigidaire, ou le réfrigérateur.)

Frigo à nu
Toutes les vidéos sont ici.

Et voici l’un des portraits, celui de Christine et Patrick:cliquez sur l’image.
(La suite, demain: ils nous emmèneront faire les courses avec eux.)
christine et patrick1

Transcription :
(Pas beau ! Il est pas beau !)
– Ma femme et moi, on a quand même eu de… des parents qui cuisinaient, qui nous ont appris à cuisiner, qui nous ont appris à aimer les bonnes choses (1). Et du coup, si tu veux, bah c’est quelque chose qu’on a … qu’on a transmis aussi à nos enfants pour la bonne cause (2), c’est que… pour la bonne raison (3), c’est que Mathieu est cuisinier et il a été élevé dans la recherche du bon produit, de bien le préparer, de bien manger.
– Ouais, je suis née à Saint Jean de Luz (4) en plus, et si tu veux, j’ai… ouais, c’était un port de pêche à l’époque (5) et…
– Et puis ta maman, poissonnière, ton frère, poissonnier.
– Oui.
– Alors moi, je suis formatrice (6) en soins infirmiers.
– Et moi, je suis informaticien.
– Donc on est à 20 minutes de notre travail. Donc en fait, on n’a pas de transports, nous. Donc… Enfin, pas de transports… (7), pratiquement pas (8) de transports. Donc si tu veux (9), c’est aussi pour ça que… que j’ai du temps parce que je serais* une heure et demie dans le train, c’est sûr que cette heure et demie-là, je l’aurais* pas pour faire à manger.
– C’est… C’est une qualité de vie.
– Ça, c’est vrai que c’est un point important, pour avoir le temps de faire à manger.
– C’est un choix, tout à fait (10). C’est-à-dire qu’on a fait le choix de dépenser de l’argent dans des bons produits et puis de… d’acheter moins de choses par ailleurs (11), de… style (12) des vêtements. Enfin les vêtements, c’est vraiment quand on en a besoin, mais c’est pas… On va pas s’acheter des fringues (13) tous les weekends. On préfère… ouais, on préfère bien manger, des bons produits et puis les cuisiner nous-mêmes. C’est un choix de vie, absolument , ouais, ouais. C’est sûr !

– Ça fait quel âge, ça ? Regarde, combien il y a de bougies ?
– Deux ans et demi.
– Deux ans et demi. Non. Il y a combien de bougies là ? Regarde.
– Une…
– Deux…
– Trois, et…

Des explications :
1. les bonnes choses : pour un Français, cela signifie forcément des bonnes choses à manger et à boire.
2. Pour la bonne cause : ce n’est pas l’expression qu’il voulait employer en fait, car cela signifie qu’on fait quelque chose avec un but qui est noble, louable.
3. Pour la bonne raison : en fait, il s’est corrigé. Il voulait en fait donner la preuve de ce qu’il a dit juste avant, c’est-à-dire qu’ils ont transmis à leur fils leurs valeurs en ce qui concerne l’alimentation.
4. Saint Jean de Luz : c’est une ville du Pays Basque français, sur la côté atlantique, tout près de la frontière espagnole. On y pêche beaucoup. Il y avait beaucoup de marins pêcheurs, notamment des thoniers.
5. À l’époque : on utilise cette expression pour désigner une période passée. Ici, elle veut parler de l’époque de son enfance.
6. Un formateur / une formatrice : c’est quelqu’un qui forme les autres à des techniques, à un métier, quelqu’un qui leur permet donc d’acquérir des compétences professionnelles.
7. Enfin… : elle se corrige. Ce « enfin », comme souvent à l’oral, sert à nuancer ce qu’on vient juste de dire. (Et très souvent, ce mot est dit très rapidement. On entend souvent juste quelque chose comme : ‘fin)
8. pratiquement pas = presque pas
9. si tu veux : dans cette expression orale, le verbe « vouloir » n’a plus son sens premier. C’est juste une façon de prendre à témoin la personne qui nous écoute.
10. Tout à fait : on utilise cette expression quand on veut montrer qu’on est tout à fait d’accord avec ce qui a été dit, pour approuver quelque chose.
11. Par ailleurs : dans d’autres domaines
12. style.. : à l’oral, cela sert à introduire un exemple. Donc c’est synonyme de « comme par exemple… »
13. des fringues : des vêtements (familier)

* Une remarque sur les temps et la conjugaison:
Je serais une heure et demie dans le train, j’aurais pas cette heure et demie pour faire à manger:
elle imagine ce que serait la situation si elle avait un long trajet pour aller travailler.
Normalement, on dit :
Si j’étais une heure et demie dans les transports, je n’aurais pas cette heure-là pour cuisiner, avec l’imparfait et le conditionnel présent. C’est ce que vous avez dû apprendre.

Mais oralement, on fait très souvent ça : on n’utilise pas « Si… »
A la place, on conjugue les deux verbes au conditionnel.

=> Si j’étais (imparfait) à ta place, je ne ferais (conditionnel présent) pas comme ça.
= Je serais (conditionnel présent) à ta place, je ne ferais pas comme ça.

=> Si j’avais plus de temps, je courrais moins toute la journée.
= J’aurais plus de temps, je courrais moins.

Mais qui va s’occuper de ton linge ?

Lessive
Les mères. Leurs fils.
Nos fils. Tout ce qu’on fait avec eux, pour qu’ils deviennent grands.
Et aussi ce qu’on jurait de ne jamais faire ! Parce qu’on ne savait pas encore.
Histoires de mères et de leurs fils devenus grands. Histoires d’amour pour toujours.
« Mais qui va s’occuper de ton linge ? » Question éternelle, posée avec humour ici !Transcription :
…Son fils partant, voulant partir, vers 18 ans, 19 ans, [elle] a dit – et c’est… c’est une phrase que j’ai mise dans le texte évidemment, dans… dans le scénario(1) : « Mais qui va s’occuper de ton linge ? » Et là, je me suis moquée. J’avais pas encore d’enfants.
J’ai dit : « Oh bah quand même ! (2) C’est pas… »
« Oui, ça va (3) ! Tu verras, tu verras ! »
J’ai vu ! Effectivement ! Il y a plein de mères qui sont trop contentes que leur fils arrive avec leur ballot (4) de linge à laver à la maison, alors qu’ils ont… Franchement, ils peuvent… il y a toutes les laveries de la terre à proximité, hein, si ils veulent. Parce que ça reste un lien, même s’il est nase (5)! Bon, on préfère avoir d’autres liens. Moi je préfère discuter… J’ai un fils qui est luthier (6), je préfère qu’il me parle de son métier plutôt que de me faire laver ses chemises, on va dire. Ce qu’il fait pas, d’ailleurs… Et que je fais de temps en temps… Quand il arrive, je dis: « Tu veux que… » «  Mais non. » « Si… » Voilà. Discrètos (7), mais je le fais discrètement.
Comment dire ? C’est vrai que une absence… Quand j’ai interviewé des fils, entre 20 ans et 50 ans, ce que j’ai réco[lté]… recueilli, à part un déni – parce que les gens sont dans le déni (8), voilà. Les mères disent :  » Mais c’est normal, mais c’est naturel qu’ils s’en aillent. Moi, j’ai aucun problème avec ça. » Bien sûr que c’est naturel et c’est normal. Il faut qu’ils s’en aillent ! Mais c’est barbare ! Je veux dire, quand on aime un homme, quand on aime quelqu’un, on fait tout pour le garder. On se fait le plus belle (9) possible, le plus intelligente, le plus drôle, le plus amoureuse, le plus tout…, le plus, le plus, le plus, pour le garder. Avec les enfants, on fait le plus, le plus, le plus, pour qu’ils s’en aillent. Ce qui est quand même donc biza[…] enfin, c’est pas bizarre, c’est naturel, c’est naturellement barbare. Mais bon, donc j’ai interviewé une vingtaine de garçons et ils m’ont tous dit : « J’adore ma mère. Mais elle est un peu lourde (10).» En gros (11), je résume. Il y a un Corse, un jeune acteur corse que j’avais rencontré au moment de Noël, et à qui je dis : « Qu’est-ce que tu vas faire à Noël ? Tu… tu vas en Corse ? » Il m’avait répondu : « Oh, bah si j’y vais pas, ma mère, elle m’envoie une équipe ! » Ce qui m’avait fait beaucoup rire et je m’étais dit : Ah ! Si moi j’avais le pouvoir d’envoyer une équipe ! C’est pas mon genre (12). Mais donc il y a des mères dont on sent que c’est incontournable. Moi je suis plus laxiste que ça. Je pleure dans les coins (13) mais jamais… Alors en plus, on pleure dans les coins ! On pleure pas… on pleure pas devant eux.

Quelques explications :
1. le scénario : Brigitte Rouan est cinéaste donc il s’agit du scénario de son dernier film: Tu honoreras ta mère et ta mère. (que je n’ai pas vu.)
2. Bah quand même ! : cette exclamation sert à protester et à affirmer le contraire de ce qui vient d’être dit. Par exemple :
Tu vas savoir faire ?
– Oh bah quand même !
(= bien sûr, ce n’est pas si compliqué que ça.)
Tu as pensé à son anniversaire ?
– Bah quand même !
(= je ne suis pas totalement idiot. Je suis capable de penser à ces choses-là. Ou bien : c’est tellement important que je ne risque pas d’oublier.)
Il faut que je lui fasse son repas.
– Oh bah quand même !
(= il est assez grand pour le faire lui-même.)
3. ça va : cette expression a beaucoup de sens différents. On peut l’utiliser comme ici pour « attaquer » la personne qui vient de nous dire quelque chose, quand on n’accepte pas une réflexion, une critique, pour montrer que ça nous irrite. Voici deux exemples :
– Je trouve que tu n’aurais pas dû lui dire ça.
– Oh, ça va ! Je dis ce que je veux !
– Tu te lèves trop tard le matin.
– Oh, ça va ! Je ne suis jamais en retard au travail.

Evidemment le ton n’est pas le même que quand on dit que tout va bien. C’est un ton agacé.
4. Un ballot : un sac, un paquet
5. nase : nul / mauvais (familier)
6. un luthier : il fabrique des violons, des altos.
7. Discrètos : discrètement. (Vous ne trouverez pas ce mot dans le dictionnaire, c’est juste oral et familier)
8. être dans le déni : refuser de voir la réalité en face
9. le plus belle possible : il faudrait dire : la plus belle possible. (Et même chose pour la suite : la plus intelligente, etc…) C’est bizarre de mélanger du féminin et du masculin comme ça, même à l’oral, qui est pourtant plus souple.
10. Elle est lourde = elle m’agace, elle est pénible.
11. En gros : sans entrer dans les détails
12. Ce n’est pas mon genre : ce n’est pas ma manière de faire.
Par exemple :
– Appelle-le ! Insiste !
– Oh, c’est pas mon genre (d’insister). J’attends qu’il prenne le temps de me répondre.

13. Dans les coins : en cachette, sans se montrer.

Et un peu de vocabulaire familier pour terminer, avec les mots qui se terminent par -os, en devenant de l’argot, comme discrètos:
calmos= calmement.
ça va calmos aujourd’hui. On n’a pas beaucoup de clients.
Oh ! Calmos ! C’est quoi, tout ce bruit ici ?
craignos: douteux / dangereux.
Il est craignos, ce type.
C’est craignos ici. Je reste pas !
nullos : nul
Tu es un gros nullos !
chicos: chic, élégant
Il était habillé chicos pour le mariage de sa sœur!
du matos: du matériel
Ce photographe, il a du super matos !
gratos: gratuitement
Dis-lui que tu viens de ma part. Il te réparera ça gratos.

On prononce le « s » à la fin de ces mots:

Les torchons et les serviettes


Soleil de mai.
Vent léger.
En attendant le résultat des élections tout à l’heure.
Tout sèche très vite derrière la maison.
Nappes, serviettes de table, torchons.

Pourtant il y a une expression qui dit qu’on ne mélange pas les serviettes et les torchons!
On l’emploie quand on estime qu’il ne faut pas mélanger des personnes de classes sociales ou de qualités différentes. Les serviettes, en beau tissu, symbolisent le luxe et l’aisance, par opposition aux torchons qui représentent la cuisine où on trouvait les domestiques.