En rose et bleu


Le bleu est la couleur de l’UMP, le parti du Président sortant Nicolas Sarkozy.
Le rose est la couleur du Parti Socialiste qui a donc gagné les élections dimanche.
Les sondages, depuis plusieurs semaines, donnaient ce résultat. Donc le suspense n’a pas été totalement insoutenable jusqu’au bout !
De plus, dès avant 20 heures, heure à laquelle les premières estimations sont officiellement rendues publiques à la télévision et à la radio, les informations avaient circulé sur internet et les réseaux sociaux, au vu notamment des premiers résultats du dépouillement pour les bureaux de vote qui ferment à 18 heures. (Seuls les bureaux des grandes villes sont ouverts jusqu’à 20 heures.)

Echos de cette soirée électorale, en province puis à Paris.
Paroles de Président.
Paroles de Français, les heureux et les mécontents.
Espoir pour beaucoup, teinté de réalisme souvent.

Infos locales: Le département des Bouches-du-Rhône vote toujours à droite.
Mais cette fois, la gauche l’emporte à Marseille, alors que nous avons un maire UMP.
(Toutes les grandes villes françaises ont voté à gauche, sauf Nice.)

Transcription:
(à la télévision, 20 heures, sur France 2)
Voici notre estimation du résultat de la Présidentielle en ce 6 mai 2012: c’est François Hollande qui est élu Président de la République.

(En Corrèze)
– François, regardez. Regarde un peu, hein.
– C’est un couple maintenant, hein.
– François, hein ?
– Elle connaît monsieur Hollande depuis des décennies et des décennies. Et c’est quelqu’un qui a toujours été là et qui la touche profondément. C’est un petit peu son fils d’adoption.
– Dis-moi, François, quand tu seras à l’Elysée (1), est-ce qu’on pourra continuer à te tutoyer (2) ?
– Bah toi, oui, tu as tous les droits !
– Moi, j’ai tous les droits ?
– Tu pourras rentrer sans badge, toi.
– Vous pensez qu’il va changer s’il devenait Président ?
– Non, il est trop profond pour ça. Bien sûr, il sera obligé de devenir autre. Il est construit sur des valeurs sûres, je pense vraiment. C’est quelqu’un de droit. Peut-être trop.
– Comment ça ?
– Parce qu’il faudra qu’il s’arme. La vie n’est pas facile, surtout dans ce milieu-là.

(A l’aéroport de Brive)
– C’est tout à fait émouvant d’avoir cet accueil partout. Toute la route que j’ai faite entre Tulle et l’aéroport de Brive (3), ça n’a été que des saluts, des signes d’encouragement, des amitiés rappelées. Donc, voilà, je voulais m’arrêter un moment pour saluer les jeunes qui sont là. Je vais prendre l’avion parce que je vais…
– Où est-ce que vous allez Monsieur Hollande ?
– Je vais atterrir d’abord, après avoir pris l’avion, et puis ensuite je vais à la Bastille (4). Voilà. Merci.

(Place de la Bastille à Paris)
Mes amis, je ne sais pas si vous m’entendez, mais moi, je vous ai entendus. J’ai entendu votre volonté de changement, j’ai entendu votre force, votre espérance, et je veux vous exprimer toute ma gratitude. Je veux vous dire mon émotion d’être celui qui peut vous représenter. Je veux aussi vous dire ma fierté, la fierté de cette France que vous offrez, la France de la diversité (5), de l’unité, rassemblée, réunie, ma fierté aussi, 31 ans jour pour jour, ici à la Bastille, d’avoir permis que la gauche ait un successeur à François Miterrand. Merci ! Merci à tous !

François Hollande, 51,7% des voix, un score quasi identique à celui de François Mitterand un certain 10 mai 81 (6), comme un air de déjà vu.
– Ouais, c’est la même ambiance. Ouais, c’était pareil, ouais. François Miterrand, c’était un grand moment aussi, ouais, ouais. Parce que c’était le premier aussi.

Le premier Président socialiste, Fredie et Nadine s’en souviennent eux aussi:
– Il y a plus de jeunes qu’en 81.
– Il y a plus de jeunes et plus de diversité. Il y a des gens… il y a des gens du monde entier, de tous les continents. Le monde entier est là.
– Je crois que c’est un peu différent parce que on a déjà connu le socialisme. J’ai peut-être un peu moins d’illusions.
– Ma mère, elle m’en parle tout le temps et j’ai l’impression d’avoir un peu vécu la même chose que… qu’elle aujourd’hui, quoi.
– Le plaisir d’élire un Président de gauche, pour nous la première fois qu’on vote aussi.
– La première fois qu’on vote aussi.
– C’est important.
– Moi, j’ai voté par élimination (7). J’avais pas le choix, j’ai voté Hollande, pour pas que Sarkozy soit réélu. On l’a bien vu pendant les cinq dernières années ce qui s’est passé. Mais bon, pour Hollande, on va pas rêver, quoi.
– Bah en même temps, moi, j’ai pas voté parce que je me sentais pas représentée et puis, je suis pas de la gauche, mais je suis pas trop de la droite non plus. Enfin, je suis plus de la droite mais j’aurais pas voté pour Sarko. Mais avec Sarko, on a vu ce qui s’est passé, avec Hollande, on sait pas du tout.
– Plutôt déçu, parce que je pense pas qu’il sera en mesure de garder le cap financier à la France.
– Ma fille vient de m’appeler, elle est hyper contente ! Je suis vraiment content. Du changement. Je veux pas être méchant envers Sarkozy mais je suis hyper, hyper content.
– Beaucoup d’espoir pour la suite.
– Tout va bien, les gens ont compris. C’est super !
– Enfin, on va pouvoir espérer un peu de changement. Et c’est tout ce qu’on attend, Hollande ou pas Hollande, on veut juste du changement et essayer de voir ce que ça peut donner un peu de l’autre côté de la politique et on est vraiment contents que on puisse enfin, nous les jeunes, voir un gouvernement de gauche.

Quelques détails:
1. L’Elysée: c’est là où réside et travaille le Président de la République.
2. tutoyer: cette question montre bien que tutoyer est un signe de familiarité et que vouvoyer exprime le respect. Cette amie de longue date pose cette question parce qu’elle n’aurait jamais imaginé tutoyer un jour le Président de la République !
3. Tulle, Brive: ce sont les deux villes principales de la Corrèze, département où François Hollande est élu depuis de longues années. (C’est un département rural). C’est à Tulle qu’il a voté et attendu les résultats.
4. La place de la Bastille: c’est un lieu symbolique à Paris (à cause de la Bastille, qui était une prison, symbole du pouvoir royal absolu et qui a été prise et détruite pendant la Révolution en 1789.) Ce lieu de est toujours sur le parcours des manifestations à Paris quand les Français se mettent en grève.
5. la diversité: c’est l’idée que la France est faite par et pour tous ses citoyens, qu’ils soient français depuis très longtemps ou plus récemment. C’est une référence au fait que la France est constituée par son immigration. Evidemment, François Hollande s’oppose là aux idées développées par l’extrême droite de Marine le Pen et par une une partie de la droite représentée par Nicolas Sarkozy, des idées faites pour diviser les Français.
6. le 10 mai 81: date symbolique dans l’histoire de la gauche en France puisque c’était l’élection du premier Président socialiste de la 5è République, après des décennies de gouvernement de droite.
7. voter par élimination: au deuxième tour de l’élection présidentielle, il ne reste toujours que les deux candidats qui ont eu le plus de voix au premier tour. Donc bien sûr, les électeurs peuvent avoir à choisir un des candidats,  même s’il ne représente pas parfaitement leurs idées, parce qu’ils ne veulent pas que son adversaire soit élu.

Et si vous voulez vous entraîner à dire ou à comprendre chiffres et grands nombres, j’ai enregistré ces résultats pour vous:

Tutoyer ou pas ?

Vivre ensemble, c’est respecter des codes sociaux, comprendre ce qui se fait et ce qui ne se fait pas. En France, ça veut dire par exemple savoir si on tutoie quelqu’un ou pas. Question d’âge, de hiérarchie, de milieu… Parfois subtil, surtout pour les étrangers qui n’ont pas ce contraste entre le « vous » et le « tu » dans leur langue.
Mais même quand on est français, on peut ne pas bien savoir comment se comporter et tutoyer les gens un peu trop facilement. Le risque, c’est d’être perçu comme quelqu’un de trop familier. C’est ce que raconte ici la comédienne Dominique Blanc. Petite leçon de bienséance.

Transcription:
– Je me rappelle être allée voir un spectacle et tout d’un coup, je me trouve assise à côté d’Anne Alvaro, que j’adore, que j’ai vue jouer, Shakespeare, que je trouve magnifique et tout ça, et je sais pas du tout en fait que bah, ça ne se fait pas (1), donc je me tourne vers elle et je la tutoie, qui est un truc qui se fait pas non plus. Et je lui dis: « Bah tu sais, j’ai appris que toi aussi, tu avais raté le Conservatoire (2), et ça me fait vraiment plaisir ! Parce que moi aussi, je l’ai raté. Et je trouve que tu es une sublime comédienne, quoi, tu es vraiment géniale ! », et tout ça. Et alors je sens sur le visage de la personne que c’est pas ça du tout, quoi, il faut pas s’y prendre comme ça (3)!
Donc j’ai fait ça beaucoup. Bon. C’est…
Mais pourquoi vous l’avez tutoyée ? Parce que c’est genre « On est… On est comédiennes toutes les deux, ou… ?
– Oui. Puis (4) je sais pas, je… je pensais que dans ce milieu (5), ça se faisait comme ça ,quoi, que tout le monde se tutoyait sans… sans protocole, si vous voulez. Donc bon, j’ai fait ça… j’ai fait ça pas mal de fois (6) !
Vous aviez pas les codes, quoi !
– Non, j’avais pas les codes. J’étais timide mais quand je rencontrais des gens qui m’avaient bouleversée, etc…, je… je… vous savez, comme les grands timides des fois qui font des trucs complètement fous, hop (7), je me jetais au cou (8) de… de la personne.

Quelques détails:
1. ça ne se fait pas: ce n’est pas correct, ce n’est pas acceptable socialement.
2. Le Conservatoire = le Conservatoire Supérieur d’Art Dramatique, à Paris, école de théâtre prestigieuse.
3. s’y prendre comme ça: agir de cette façon.
4. puis: elle prononce ce mot comme dans certaines régions de France comme s’il n’y avait pas de « u ». Elle dit « Pis ».
5. dans ce milieu: dans cette communauté = dans le milieu du théâtre.
6. pas mal de fois: souvent (familier)
7. hop: onomatopée qu’on utilise pour accompagner un mouvement soudain et rapide, ou un saut par exemple.
8. se jeter au cou de quelqu’un: ici, c’est au sens figuré. Cela signifie se comporter avec cette personne comme si on la connaissait bien alors qu’on vient juste de la rencontrer, se montrer familier très rapidement.