Oufissime !

En anglais américain, les superlatifs sont monnaie courante* et ça commence tôt puisque même les enfants parlent du plus beau jour qu’ils aient jamais vécu, du plus beau cadeau qu’ils aient jamais reçu, de leur famille comme la meilleure de toutes. En français aussi nous avons bien sûr des superlatifs mais j’ai l’impression que nous les employons moins souvent, les réservant peut-être à ce que nous considérons vraiment au-dessus du reste. Cependant, nous avons nous aussi cette capacité à grandir et exagérer les choses – puisqu’un superlatif, c’est quand même ça aussi ! – et pas uniquement avec les formes grammaticales habituelles : le plus, le moins, etc.

Le français comporte en effet des mots terminés par le suffixe -issime, rappelant que notre langue vient entre autre du latin où les superlatifs des adjectifs se forment à l’aide du suffixe -issimus, -issima, -issimum, etc.

Vous en connaissez certains puisqu’ils sont installés depuis longtemps dans notre langue et donc bien intégrés ! Peut-être cela a-t-il démarré avec le titre honorifique Son Altesse Sérénissime réservé à certains princes ou l’expression La Sérénissime employée à propos de Venise au cours de son histoire. Plus tard sont apparus des termes comme richissime, rarissime pour aller plus loin qu’un simple très riche ou très rare. Toute une série de livres de cuisine tourne autour de l’adjectif simplissime puisque les recettes sont censées être les plus faciles du monde. Des situations, des maladies, des épidémies, des faits sont qualifiés de gravissimes.

D’autres adjectifs – pourtant déjà forts en eux-mêmes – ont donc pris ce suffixe qui les rend encore plus percutants : certaines personnes ou certains lieux ne sont plus seulement extrêmement célèbres mais célébrissimes. Tel film est excellentissime ou génialissime ou drôlissime… ou nullissime ! Certaines scènes de séries ou de films que tout le monde connaît ne sont plus seulement cultes mais cultissimes. (Cette fois, c’est même un nom qui prend ce suffixe.)

Et donc, après avoir commencé à entendre ou lire de plus en plus souvent sur les réseaux sociaux que tel ou tel produit est topissime, j’ai rencontré l’adjectif oufissime ! On est passé de l’adjectif fou à ouf en verlan – qui inverse les lettres ou les syllabes – et enfin à sa toute dernière version en -issime : c’est un truc de fou, c’est un truc de ouf, ou juste c’est de ouf et maintenant, c’est oufissime ! Evidemment, ces termes, tout nouveaux, sont pour le moment encore utilisés de façon très familière, dans la langue parlée. Donc ils sont à réserver à certaines situations et à certains interlocuteurs. Il y a aussi souvent une question d’âge : ça peut paraître encore un peu décalé d’utiliser oufissime si on n’est plus un ado ou un jeune adulte. Ce n’est pas forcément chicissime !

* Une expression : être monnaie courante
C’est justement le contraire de rare, de rarissime. Quelque chose qui est monnaie courante est quelque chose de fréquent.

Petite auto-promotion : si vous avez envie d’écouter un peu plus de français, j’ai interviewé et filmé Maryse dans sa pratique du yoga et c’était très intéressant. Je n’ose pas la qualifier de « souplissime » puisque le terme n’existe pas encore mais ça irait bien ! C’est ici.

Quelle idée !

Il y a eu Noël. Maintenant, c’est la Saint Valentin ! Demain, après-demain, ce sera autre chose… Tout est bon pour nous faire consommer. Alors, au cas où nous serions en manque d’inspiration, les idées cadeaux fleurissent partout : des idées en veux-tu, en voilà !

De mon côté, cela m’a donné l’idée de partager avec vous des expressions qui peuvent prêter à confusion tant elles se ressemblent. Juste une petite histoire de singulier et de pluriel et ça change tout :

Se faire des idées
Cette expression, très courante également, veut dire qu’on s’imagine à tort quelque chose, qu’on interprète mal une situation. On l’emploie essentiellement au présent, pas souvent au passé, en tout cas pas au futur puisqu’il s’agit de l’interprétation d’une situation réelle.

– Je t’assure, tu te fais des idées. Ce n’est pas ce qu’il a voulu dire, même si c’était maladroit.
– Je pense que je me fais des idées mais j’aimerais avoir ton avis sur ce mail que j’ai reçu de ma chef.

S’il pense que nous allons accepter son prix pour notre appartement, il se fait des idées !

Pour finir, je reviens au titre de ce billet pour vous dire que cette exclamation s’emploie en général quand on est surpris par ce que fait ou a fait quelqu’un, avec une nuance critique. Et ça s’entend ! Le ton est désaprobateur, pas inexpressif comme ce que font les voix de synthèse des dictionnaires.
– Je ne sais vraiment pas pourquoi il est allé là-bas. Mais quelle idée !
Quelle idée d’avoir envoyé de l’argent à ce type !

N’hésitez pas à me laisser un commentaire, si vous voulez apporter des précisions supplémentaires pour aider ceux qui passent par ici, ou si vous avez des questions. A bientôt pour toujours plus de français.