Recyclage

Finie la grande époque où on sortait du supermarché avec des petits sacs plastique en veux-tu en voilà (1) ! On y rangeait ses courses et on en avait souvent bien plus que nécessaire car la caissière nous les donnait par poignées (2), sans compter. On s’en servait ensuite, c’est vrai, comme petits sacs poubelles ou pour emballer des affaires dans sa valise, dans un sac. Mais jamais il ne nous serait venu à l’idée (3) de les rapporter lors de nos courses suivantes. Ils n’étaient pas faits pour ça et donc cela représentait des milliards de sacs en plastique en France chaque année. (Les sacs en papier américains nous paraissaient très exotiques !)

A partir de 2016, ils ont été interdits ici pour éviter tout ce gaspillage et cette production, polluante, de plastique, lui-même polluant. On a vu alors revenir les cabas (4) passés de mode (5) de nos mamies (6), puisqu’ils étaient réutilisables. Mais aux caisses (7), on a vu aussi apparaître d’autres sacs plastiques, plus épais que tous ces petits sacs à usage unique qui nous avaient semblé irremplaçables jusque-là. Plus épais donc réutilisables – si on ne les oublie pas à la maison – vendus quelques centimes par les supermarchés qui en profitent pour y faire leur publicité : avec leur nom et souvent des slogans chargés de nous prouver que nous faisons tous un effort vers plus d’écologie et de préservation de notre planète.

Ma photo du jour est un exemple de ce type de sacs de supermarché. Pas d’image dessus, pas de couleurs mais une formule, écrite en gros, qui attire l’attention: Ce sac s’est fait jeter. Et en dessous, en plus petit, vient l’explication : Fabriqué avec des déchets industriels recyclés. On comprend alors cette histoire de sac jeté : il est la somme d’autres plastiques, jetés puis réutilisés dans la production de tels sacs plus écolos.

Et voilà, cette grande enseigne (8) de supermarchés a fait sa part. Elle le clame fièrement, dans la fin de son slogan, qui est un jeu de mots : ça en jette. Cette expression s’emploie d’habitude pour décrire de façon plutôt familière quelque chose qui a de l’allure, qui est élégant, ou en tout cas qui produit de l’effet. Par exemple : Il s’est acheté une Ferrari parce que ça en jette ! Evidemment, il y a un jeu de mots autour de l’idée de jeter.

Et c’était la même chose avec la phrase principale : ce sac s’est fait jeter, qui à première vue (9), peut paraître bizarre dans ce contexte.

Se faire jeter est une expression familière, quand quelqu’un refuse, assez sèchement, de vous répondre, de vous aider, de vous laisser entrer quelque part, de satisfaire votre demande, etc.
– Je voulais juste lui poser une question. Mais je me suis fait jeter. Soi-disant (10) il n’avait pas le temps !
– Elle s’est fait jeter quand elle a dit qu’elle ne voulait pas faire d’heures sup (11).

Tu crois qu’on va lui en parler ? On va se faire jeter, non ?

Donc comme souvent dans la pub, dans la consommation, il y a des jeux de mots, qui sont censés nous marquer davantage et retenir notre attention. Mais personnellement, je trouve que cette expression se faire jeter dans ce contexte est un peu bizarre. J’aurais fait l’inverse (12) ! J’aurais utilisé la forme négative en disant : Ce sac ne s’est pas fait jeter, parce que, en français, on peut dire ça de quelqu’un. Par exemple : On est arrivé en retard et on ne s’est pas fait jeter. En l’employant à propos du sac, il y avait les deux idées, un jeu sur les deux significations, c’est-à-dire, effectivement, ce sac n’est pas jetable, on le réutilise et également, ce sac est, dans le fond, le bienvenu, il est nécessaire, il est important, il est bien accueilli. Je ne sais pas ce que vous en pensez !

C’était donc l’histoire du jour, l’histoire de ce sac qui, vous le voyez sur la photo, a effectivement été utilisé et réutilisé. Il est un peu fatigué. Il faudra bientôt en racheter un autre !

  1. en veux-tu en voilà : en grande quantité, en abondance, sans restriction
  2. par poignées : en grande quantité. Elles ne donnaient pas les sacs un à un.
  3. il ne m’est pas venu à l’idée de… : je n’ai absolument pas pensé à faire telle ou telle chose
  4. un cabas : un sac à provisions, pour faire les courses
  5. passé de mode : démodé, dépassé
  6. une mamie : une grand-mère
  7. aux caisses : là où on paie ses achats
  8. une grande enseigne : une grande chaîne de magasins
  9. à première vue : tout d’abord
  10. soi-disant il n’avait pas le temps = Il a prétendu qu’il n’avait pas le temps.
  11. des heures sup : des heures supplémentaires (plutôt familier)
  12. l’inverse : le contraire

Et un dernier détail : Elle s’est fait jeter ou elle s’est faite jeter ?
Bonne nouvelle !
Le participe passé de faire est invariable dans les structures se faire + un verbe à l’infinitif :
Elle s’est fait jeter / Elle s’est fait insulter / Elle s’est fait remplacer / Ils se sont fait avoir / Elles se sont fait aider.

Disparitions inquiétantes

Je suis tombée sur cette campagne intrigante (1). (Faites défiler les images)

A première vue, cela ressemble à des avis de recherche lancés pour retrouver des personnes disparues. Mais très vite, des indices nous mettent la puce à l’oreille (2) : en effet, en français, on n’utilise pas les mots mâle / femelle pour parler des êtres humains alors que c’est le cas dans la carte d’identité de chacune de ces personnes. Puis la suite nous permet de comprendre qui parle en réalité, qui sont en quelque sorte les auteurs de ces avis de recherche : Médor est un nom de chien , Minou un nom de chat. Et ils nous parlent de leurs maîtres, de leurs humains, en décrivant leurs caractéristiques physiques et leur caractère, comme nous le ferions à propos de nos animaux de compagnie.

Tous ces animaux ont été abandonnés et leurs « témoignages » racontent ce qui s’est passé, d’une manière faussement naïve. Ces mini-récits ont tous un goût de trahison et de bonheur disparu à cause du comportement de leurs maîtres et maîtresses irresponsables. D’habitude, on rencontre des animaux qui parlent et expriment leurs sentiments dans des albums jeunesse (3). Mais là, on n’est pas dans le monde de l’enfance. On est bel et bien (4) dans notre monde d’adultes où certains abandonnent leur chien ou leur chat devenus encombrants (5) pour toutes sortes de raisons. J’ai trouvé que ces avis de recherche inversés étaient très parlants (6) pour dénoncer un phénomène qui, d’après la SPA (7), ne fait que s’amplifier.

  1. intrigant : qui intrigue, qui suscite la curiosité parce qu’on ne comprend pas bien de quoi il s’agit
  2. mettre la puce à l’oreille : faire suspecter quelque chose, nous alerter
  3. un album jeunesse : un livre illustré destiné aux enfants
  4. bel et bien : sans aucun doute
  5. encombrant : qui nous encombre, c’est-à-dire qui nous gêne dans notre vie et dont on aimerait bien se débarrasser
  6. parlant : significatif, qui évoque bien le problème
  7. la SPA : la Société Protectrice des Animaux
  8. barbu / moustachu : qui porte la barbe / la moustache
  9. la manette : ce qu’on tient dans sa main pour jouer aux jeux vidéo
  10. faire un footing : aller courir
  11. dernièrement : ces derniers temps (= récemment)
  12. un câlin : une démonstration physique d’affection
  13. dégarni : qui a perdu une partie de ses cheveux
  14. une balade : une promenade
  15. le Bois de Vincennes : c’est un des bois situé dans Paris.

Et bien sûr, on retrouve l’expression du manque dans ces témoignages du point des vue des animaux. Attention en français à l’ordre des mots : Mon maître me manque (= je suis malheureux sans mon maître)

Voici le lien vers cette campagne de sensibilisation sur le site de la SPA qui gère les refuges pour animaux en France, notamment grâce à de très nombreux bénévoles.

Je vous remets aussi le lien sur France Bienvenue pour que vous écoutiez Elisa, une de mes anciennes étudiantes qui justement faisait du bénévolat dans un refuge.


Et voici les chiffres publiés par la SPA que je vous ai lus :

* Vs : beaucoup de Français ont adopté le terme utilisé par les anglophones pour remplacer « comparé à ». Et ils prononcent « versus », avec un U bien français.