Plutôt BD ou jeux vidéo ?


Quand on va à la FNAC, au rayon BD, il y a toujours des tas de lecteurs, de tous âges, assis par terre ou debout, en train de lire. Je ne dis pas en train de feuilleter les albums, mais bien en train de lire. Et personne ne vous chassera si vous faites comme eux ! Même si vous lisez une BD du début jusqu’à la fin et même si, pour finir, vous ne l’achetez pas. Bref, le rayon BD, avec celui des livres de cuisine, doit être le plus fréquenté !
On y trouve des fans de BD comme Loïc. Parce que la BD, c’est tout un art.
(Et dans le fond, c’est pratique quand on apprend le français, parce que c’est plein de dialogues bien sûr.)

Transcription:
– Moi, j’ai un père qui est professeur, il a dit: « Tous les moyens en fait sont bons pour se mettre à lire, autant les magazines, que les BD, que les romans. » Et moi, je suis d’a[…] tout à fait d’accord parce que on commence avec une BD et après, si on voit qu’une BD nous plaît, on va se mettre à aimer lire et puis, on va [se] (1) lire de plus en plus en fait. Je lis beaucoup, beaucoup de romans fantastiques, de science fiction et puis, il y a des classiques comme Zola, etc…
Qu’est-ce que vous êtes en train de lire ?
– On lit, ouais, Thorgal: La Bataille d’Asgard et il a été lu par, en France, plusieurs milliers de personnes.
Pourquoi ça marche, d’après vous, Thorgal ?
– Thorgal marche parce que en fait, déjà (2), les… les dessins, ils (3) sont plutôt bien faits. Ils sont même somptueux. Et ensuite, parce que l’histoire, ben, c’est de la mythologie nordique. C’est l’histoire de Loki qui se bat contre les humains, en fait. Il appelle tous les trolls et il les appelle à se battre contre le monde des humains et des Vikings. Thorgal, c’est un personnage qui est mythologique.
Alors pourquoi vous aimez, vous (4) ? Qu’est-ce qui vous plaît ?
– Je trouve que les combats sont plus épiques dans Thorgal et dans d’autres BD qui parlent en fait des dieux nordiques que dans les autres mythologies. Par exemple, Thorgal, lui (5), on sait qu’il est noble et qu’il va… se battra jusqu’au bout pour sa quête. Je trouve que ça a quelque chose de beau en fait. Thorgal, c’est les grands guerriers qui se battent et ils foncent dans le tas (6), comme on dit. Faut voir qu’il y a des bulles (7), quand même, elles sont très, très bien développées, le langage, il a été recherché pendant plusieurs BD. Si le travail est soigné, on se rend compte, oui, tout de suite que ça se passe autre part.
Et la BD, c’est un genre qu’on étudie en classe ?
– Ça dépend, oui, parce que je me rappelle qu’en collège, on a eu tout un cycle (8) là-dessus. Mais en lycée, plus du tout. En lycée, c’est plus que des classiques.
Est-ce que vous préférez lire de la BD ou jouer aux jeux vidéo, par exemple ?
– En fait, j’aime les deux, en même temps à part égale. Mais je préfère quand même un petit peu la BD. On se plonge plus dans un livre que dans un jeu vidéo. Un jeu vidéo, ça bouge mais on n’entre pas dans l’univers onirique (9), on rentre pas dans l’imaginaire, tandis que avec Thorgal, on peut après… on peut s’imaginer quelque chose, on peut s’imaginer des suites, etc… ce qui est pas le cas du jeu vidéo parce que ça se coupe net.
C’est un art pour vous ? C’est un art aussi bien que le… que le roman ou que la poésie ?
– Ben oui, pour moi, c’est un art parce que en fait, ça mêle dessin et littérature et donc texte. C’est un des vieux arts qui devrait même compter comme le premier.
Vous êtes fan (10), hein !
– Ah, oui ! Complètement.
Merci Loïc.
– Merci.

– Eh !  La BD, c’est définitivement un art, mais un art qui s’impose, hein ! C’est net, parce que il y a un gros, gros boulot (11) derrière. Ça se lit comme des livres de plaisir, plaisir esthétique, plaisir intelligent… Bon…
– Sans rire, on a longtemps été traités comme des enfants un peu stupides, les gens de la bande dessinée.
– C’est vrai.
– Et depuis quelques années, grâce à des auteurs, grâce à certains éditeurs, on obtient enfin une petite – je le dis parce que c’est un peu… ça m’a quand même un peu cassé les pieds (12) pendant quelques années – une toute petite légitimité artistique qui commence à se faire jour (13). Et ça, franchement, ça commence à faire du bien (14) parce que, comme je le disais tout à l’heure (15), il y a aussi des artistes chez nous. Il y a pas que ça, mais il y en a aussi quelques-uns.

Quelques détails:
1. se: ce mot est impossible ici avec ce qui suit. C’est pour ça que je l’ai mis entre parenthèses. En fait, Loïc voulait peut-être continuer en disant: On va se mettre à lire. Mais il a raccourci sa phrase en: On va lire de plus en plus.
2. déjà: ce mot est synonyme de premièrement ici =  C’est la première raison. Au passage, vous entendez comment il mange la première syllabe ? On entend juste quelque chose comme « d’jà », ce qui est fréquent partout ailleurs que dans le sud de la France.
3. les dessins, ils… : à l’oral, on met souvent deux sujets côte à côte: le nom et son pronom. C’est un style plutôt familier. Ne le faites pas à l’écrit, ni si vous devez faire attention à votre français oral (dans un examen par exemple.)
4. Pourquoi vous aimez, vous ? : la répétition de ce vous permet d’insister sur Loïc. Cela se fait à souvent à l’oral. (Mais ce n’est pas familier). Si vous vous en servez, attention, ce sont les pronoms suivants: moi, toi, lui / elle, nous, vous, eux / elles qu’il faut employer. 
Petit enregistrement pour illustrer ça:5. Thorgal, lui… : encore un pronom pour insister et singulariser Thorgal.
6. foncer dans le tas: foncer dans les autres, se jeter dans la bataille, sans regarder les détails.
7. une bulle: c’est là où sont écrits les paroles prononcées par les personnages de BD dans chaque dessin.
8. un cycle: un ensemble de textes, de documents sur un même thème. Plus généralement, on utlise ce terme quand dans les études, on se consacre à une activité précise pendant une certain temps. Par exemple, en sport, les élèves ont un cycle foot, ou un cycle athlétisme, etc…
9. onirique: lié au rêve
10. être fan (de quelque chose): aimer vraiment beaucoup quelque chose. (Style plutôt familier).
11. un gros boulot: beaucoup de travail (familier)
12. ça m’a cassé les pieds: ça m’a embêté, ça m’a contrarié (familier)
13. se faire jour: apparaître peu à peu.
14. ça fait du bien: ça fait plaisir.
15. tout à l’heure: vous entendez comment il avale les syllabes ? Un peu comme s’il disait juste: T’à l’heure. C’est très fréquent.

C’est vrai que les dessins sont plutôt beaux. Cliquez ici si vous ne connaissez pas, puis, par exemple, sur l’onglet « Planches », à gauche.

Le dessinateur et le vigneron, ou l’inverse

On peut aimer la BD et pas le vin. On peut aimer le vin et pas la BD. On peut aimer les deux, ou rien du tout. Mais il faut lire cet album original, où le sens du détail et de l’observation nous emmène dans ces deux mondes apparemment à des années lumière l’un de l’autre.

Le vigneron: Si je comprends bien, pour faire un bouquin, tu veux venir bosser bénévolement dans mes vignes…
Le dessinateur: En échange, tu découvriras la bande dessinée. Je t’amènerai des livres. On ira voir des auteurs…

C’est comme ça que tout a commencé.

Presque 300 pages et on ne s’ennuie pas une minute. Et tout à la fin, il y a même la liste de tous les vins qu’ils ont goûtés et celle de toutes les BD découvertes par le vigneron qui n’y connaissait rien.De quoi nous donner envie aussi de partir à la découverte.

Pour vous faire une idée, juste une petite idée car c’est un gros album, vous pourriez cliquer ici.

Et écouter son auteur:Transcription:
– Les Ignorants, on… on va le détailler un petit peu. C’est cet album qui vient de sortir. Est-ce que vous diriez pour commencer – est-ce que vous accepteriez ce qualificatif – que c’est une BD documentaire ? Ça vous convient, ça, ou pas du tout ?
En fait, ce genre de récits, qui sont des récits où je mets en scène des personnes existant – je les mets en scène sous leur vrai nom…
– Dont vous-même.
Dont moi-même – donc il y a une dimension autobiographique un peu… un peu indéniable – je sais juste, moi, que c’est de la bande dessinée. Est-ce que c’est du documentaire, du reportage, de l’autobiographie ? C’est sans doute un peu tout ça. Si j’ose dire, c’est pas mon job (1) de qualifier la chose. Mon job à moi, c’est de faire les livres en question. Je les fais comme… comme je peux, comme j’ai envie… enfin, voilà. Je… je sais juste que j’ai envie de faire de la bande dessinée et de l’emmener vers la réalité, vers le concret, vers le… Alors, c’est vrai que, oui, il y a une dimension reportage et une dimension documentaire.Mais je laisse aux historiens de la bande dessinée le choix de mettre une étiquette sur le livre.
– Moi, je suis pas historien, j’ai pas envie de mettre d’étiquette, mais c’était plutôt flatteur, hein ! Je trouve ça…
Bah, oui, bien sûr.
– … très, très bien fichu (2) du point de vue documentaire.
– Attention, Davodeau est ceinture noire de ju jitsu. Ça va partir assez vite !
– Etienne, Davodeau, alors, dans ces Ignorants, Récit d’une initiation croisée, tiens, il y a le mot croisée. Alors qui est qui ? Bah en fait, c’est vous…
Ouais.
– … auteur de bandes dessinées et un vigneron. Et vous partagez vos expériences. Alors, c’est sûr, vous auriez pu choisir fleuriste, décorateur d’intérieur.
– C’était pas mal (3), ça, d’aller voir un décorateur d’intérieur, non !
J’aurais pu mais j’ai oublié de prendre ce beau métier !
– Vous avez pris vigneron. Bon, c’est pas mal. Vous avez partagé sa vie, il a partagé la vôtre. Vous au[…]… Vous auriez pensé avant que c’était un boulot aussi dense, vigneron ? Vous avez bossé (4), hein !
Oui, oui. Je me suis… Je me suis bien pété le dos (5), à piocher dans les ronces. Bon, il se trouve que je… je vis pas très loin de ce vigneron en question. Je vis dans une région un peu viticole, quand même, qui est le Côteau du Layon, au sud de la Loire, près… près d’Angers. Donc je vis entouré de vignerons, donc je les connais un peu. Je les connais un peu. Mais entre connaître les gens, les croiser et parler avec eux et puis expérimenter leur travail, il y a … il y a une sacrée différence (6) effectivement ! Et… et mon idée dans ce livre-là, c’était de… de me dire que si je voulais dessiner correctement le travail de ces mecs-là (7), il fallait quand même que j’essaie moi-même. Parce que j’aurais pu m’installer avec mon carnet confortablement dans l’herbe et les regarder et les dessiner, c’était très faisable. Mais avoir fait l’expérience physique, musculaire presque de la chose me rend, à mon avis, un peu plus légitime pour le raconter, en bande dessinée. Voilà, c’était ça, l’idée.
– Mais c’est impressionnant, hein, ce qu’il en ressort, du… du livre ! Moi, je connais également très peu le vin, pour être honnête et je suis très impressionné à la fois par l’amour de… de la terre qui est cultivée et la technicité que ça demande. C’est impressionnant, Etienne Davodeau !
C’est un métier extrêmement complexe, bien plus complexe qu’on… qu’on pourrait le penser d’un prime abord (8).
– On va le nommer, ce vigneron.
Bien sûr ! Il s’appelle Richard Leroy.
– Richard Leroy, voilà. Le deal (9), au départ, c’était: Je viens bosser dans tes vignes, et moi, en échange, je te fais découvrir l’univers de la bande dessinée.
Oui, dans le cadre de livre… dans le cadre de la rédaction des Ignorants donc, ce qui m’intéressait, c’est que le vigneron avec qui je travaillais était quelqu’un qui n’avait jamais lu de bandes dessinées, et à qui j’ai pu directement lui (10) donner les livres que j’aimais, moi. Et… Et donc il est… il s’est converti en quelques mois, comme ça, et c’était aussi intéressant pour moi de faire découvrir la bande dessinée à quelqu’un. C’est les deux… les deux aspects du livre.

Quelques détails:
1. mon job: mon travail (familier)
2. bien fichu: réussi (familier)
3. c’était pas mal, ça: c’était plutôt une bonne idée. (familier)
4. bosser: travailler (familier)
5. se péter le dos: se casser le dos, s’abîmer le dos. Le résultat, c’est donc qu’ensuite, il a eu mal au dos.
6. une sacrée différence: une énorme différence (familier)
7. ces mecs-là: ces hommes-là (familier)
8. d’un prime abord: au départ, quand on n’a qu’une connaissance superficielle. Normalement, on dit: de prime abord.
9. le deal: le contrat. Cet anglicisme donne un côté plutôt familier en français.
10. lui donner… : normalement, il faudrait dire juste: à qui j’ai pu donner les livres, sans utiliser lui, puisqu’il y a à qui. Mais on entend qu’il fait une pause et cherche un peu ses mots. Et donc il reprend, un peu comme si c’était une nouvelle phrase, ce qui l’amène à utiliser ce pronom, comme on le ferait dans une phrase indépendante.

Et pour finir, si ça vous dit, j’ai enregistré les premières pages que vous avez regardées: