Histoire de famille

J’espère aujourd’hui vous donner envie de lire cette BD ! Je l’ai trouvée passionnante, pleine de détails, avec une façon de dessiner et une mise en page qui me parlent vraiment. L’autrice, Isabelle Maroger, nous fait entrer dans l’histoire de sa famille, à travers ce qu’a vécu sa mère, née en Norvège pendant la seconde guerre mondiale puis adoptée par des Français. Si le titre de ce roman graphique n’est pas tout à fait une énigme pour vous, vous pressentez sans doute de quoi il s’agit. Sinon, vous allez une fois encore découvrir comment les guerres bouleversent irrémédiablement la vie des gens, celle des adultes comme celle des enfants. Et dans un cas comme dans l’autre, vous allez vivre de l’intérieur ce qui s’est passé et qui,hélas, n’est pas une exception.

Isabelle Maroger nous emmène dans une quête des origines, où s’entremêlent sa propre vie de jeune maman, ses souvenirs d’enfance, ceux de sa mère et plus tard, ceux de cette famille retrouvée. Et tout cela remet de l’ordre dans le chaos que provoquent toujours les guerres. C’est aussi cette histoire des femmes, toujours recommencée, où la maternité les met en difficulté et où on décide pour elles du sort de leurs bébés.

Ce que j’ai beaucoup aimé, c’est que cette histoire est pleine de vie, racontée sans lourdeur. On ne s’ennuie pas une minute. On avance, on explore, on découvre. Et j’ai pensé à cette histoire il y a quelques semaines, quand j’ai entendu avec stupeur notre président de la République parler de « réarmement démographique » dans un de ses discours sur l’avenir de la France. Réarmement démographique, ce sont ses mots, choquants quand on sait ce qui s’est passé dans l’histoire récente. Qu’il laisse les femmes tranquilles au lieu de les considérer comme des ventres à fabriquer des bébés qu’on pourra exploiter et envoyer à la guerre !

Voici comment tout a commencé pour Isabelle Maroger. Je vous lis le début de cette histoire :

  1. un baigneur : une poupée qui représente un bébé
  2. un poupon : un bébé, ou une poupée qui représente un bébé. Il existe le verbe pouponner qui signifie qu’on a un bébé et qu’on s’en occupe avec tendresse.
    Par exemple : Elle a accouché il y a quelques semaines et maintenant elle pouponne.
  3. Il sera clair : il aura les cheveux clairs
  4. au pire : dans le plus mauvais des cas, il sera châtain, c’est-à-dire plus foncé que blond mais pas brun.
  5. balancer une histoire : raconter cette histoire (familier)
  6. clouer le bec : faire taire quelqu’un par une répartie qui le laisse incapable de répondre (familier)
  7. une conne : insulte pour une femme qu’on juge très bête ou avec des idées vraiment stupides
  8. genre normal, quoi : style très oral. Quoi ne signifie rien et est juste un tic de langage familier, fréquent en fin de phrase à l’oral. Genre joue le même rôle que kind of / kinda en anglais
  9. un nourrisson : un bébé encore tout jeune
  10. j’ai eu droit à… : ça m’est arrivé
  11. une flopée : un grand nombre (familier)
  12. Mais quel dommage ! : c’est ce qu’on dit quand on regrette qu’une situation soit ce qu’elle est.
  13. sortir quelque chose à quelqu’un : dire quelque chose à quelqu’un. On utilise ce verbe quand on désapprouve ce que nous dit cette personne. (familier)
  14. être typé : cette expression est utilisée à propos par exemple de gens qui ont la peau foncée, de type méditerranéen par exemple, ou de type asiatique, etc. En tout cas, cela signifie en quelque sorte qu’on voit (ou croit voir) les origines d’une personne d’après son physique. On ne l’emploie jamais pour quelqu’un de blond à la peau claire ! C’est un commentaire en général plutôt douteux.
  15. mais nan ! = mais non (Cela reproduit la façon de prononcer non de certaines personnes)

Bonne lecture et à bientôt

Faut-il en rire ou en pleurer ?

Nouveau premier ministre, nouveau gouvernement. Et donc nouvelle ministre de l’Education Nationale. C’est le quatrième changement à la tête de ce ministère depuis l’élection d’Emmanuel Macron en 2017, avec à chaque fois des réformes appliquées à la va-vite. Et cette fois, cette ministre est en charge aussi du Ministère de la Jeunesse et des Sports. Et bien sûr, elle s’occupe également des fameux Jeux Olympiques organisés en France cette année. On peut raisonnablement se demander si ça ne fait pas un peu trop ! Et quand on écoute ses premières interventions, il n’y a pas de quoi être rassuré. Le premier extrait que je partage ici m’a laissée perplexe par son ton familier et ses promesses creuses.

Le deuxième extrait m’a vraiment irritée ! Eh oui, notre ministre de l’Education Nationale a mis ses enfants dans une école privée catholique (et pas n’importe laquelle). Vous me direz, rien de bien surprenant en fait de la part de nos dirigeants. Mais ce qui fait bondir, c’est la justification qu’elle a apportée devant la presse : ses enfants ne vont pas dans une école publique parce que le système ne fonctionne pas ! Ah bon, il n’y a pas de remplaçants ? Ah bon, la vie dans certaines écoles n’est pas agréable, pas épanouissante ? Mais qui supprime des centaines de postes d’enseignants ? Qui surcharge les classes ? Qui épuise les enseignants et les dévalorise ? Qui amène certains chefs d’établissement à recruter des gens non formés pour combler les manques de notre administration ?

En tout cas, c’est plutôt mal parti avec les enseignants qui pour beaucoup se sentent déjà déconsidérés et offensés par leur ministre toute neuve !

Voici aussi juste l’enregistrement si vous ne pouvez pas accéder à instagram:

Trancription

Bonsoir à toutes et à tous, c’est Amélie Oudéa Castera, je suis votre nouvelle Ministre de l’Education Nationale, de la Jeunesse, des Sports et des Jeux Olympiques et Paralympiques et je voulais absolument vous faire un petit coucou (1) ce soir avant de boucler cette journée (2) qui a été super (3) riche, super dense avec la passation (4), avec Gabriel Attal, notre nouveau premier ministre ce matin. Je voulais aussi vous dire ma fierté d’être votre ministre, la ministre de l’école, la ministre de la jeunesse, la ministre de plus de sport dans vos vies, la ministre qui va aussi faire en sorte que les Jeux, ils puissent inspirer la jeunesse de tout notre pays, que vous puissiez y être associés. Moi, j’ai envie que, tous ensemble, on arrive à construire, à fortifier cette école qui va être à la fois une école de l’exigence sur la maîtrise des savoirs, mais aussi une école qui protège, où il y a pas de harcèlement (5), il y a pas de peur, il y a pas de boule au ventre (6), et puis aussi une école qui est celle de l’épanouissement, l’épanouissement républicain, avec plus de sport, avec la reconnaissance de vos différences, de vos talents, de là où vous êtes bons, là où vous avez envie de vous exprimer. C’est tout ça qu’on va essayer de construire ensemble. Et voilà, je suis encore super heureuse d’être à votre service, au service de toute la communauté éducative, au service du monde du sport, pour qu’on réussisse tout ça ensemble. Il y a beaucoup, beaucoup de choses, beaucoup de belles choses à vivre, à partager. Alors, à très bientôt.

Des explications

  1. faire un petit coucou : on emploie cette expression familière avec ses amis ou ses proches, pour dire qu’on va passer les voir, qu’on va leur faire une petite visite pour leur dire bonjour. Le ton est surprenant de la part d’une ministre, même sur les réseaux sociaux.
    On est dans le coin. Est-ce qu’on peut passer vous faire un petit coucou ?
    – Tu as des nouvelles des enfants ?
     Oui, ils nous ont fait un petit coucou en sortant du cinéma.
  2. boucler une journée : terminer une journée chargée.
  3. super : très (style familier, oral)
  4. la passation : il s’agit du moment où le ministre en place passe officiellement, lors d’une petite cérémonie, les pouvoirs au nouveau ministre qui vient d’être nommé. On parle de passation des pouvoirs.
  5. le harcèlement : la lutte contre le harcèlement scolaire est un des thèmes du gouvernement, pour mettre fin à toutes ces situations où des collégiens ou des lycéens s’en prennent à certains élèves de leur entourage, les humilient, les insultent, les maltraitent physiquement et moralement, jusqu’à entraîner des suicides chez ces jeunes harcelés.
  6. avoir la boule au ventre : ressentir une grande angoisse (qui peut se traduire par des symptômes physiques). On emploie cette expression familière à propos des élèves angoissés par l’école pour diverses raisons mais aussi à propos des adultes angoissés par exemple à l’idée d’aller au travail s’ils y sont mal traités.

Voici ce que la ministre de l’Education Nationale a répondu pour justifier la scolarisation deses enfants dans l’enseignement privé. A pleurer !

Transcription

Alors, très bien, on va aller sur le champ du personnel (1). Je vais vous dire pourquoi nous avons scolarisé (2) nos enfants à l’école Stanislas, je vais vous raconter, brièvement, cette histoire, celle de notre aîné Vincent. Vincent, qui a commencé, comme sa maman, à l’école publique, à l’école Littré (3). Et puis, la frustration de ses parents, mon mari et moi, qui avons vu des paquets (4) d’heures qui n’étaient pas sérieusement remplacées (5). A un moment, on en a eu marre (6), comme des centaines de milliers de familles qui, à un moment, ont fait un choix, voilà, d’aller chercher une solution différente (7).
On habitait rue Stanislas. Scolariser nos enfants à Stanislas était un choix de proximité (8). Et depuis, de manière continue, nous nous assurons que nos enfants sont non seulement bien formés, avec de l’exigence dans la maîtrise des savoirs fondamentaux, qu’ils sont heureux, qu’ils sont épanouis (9), qu’ils ont des amis, qu’ils (10) sont bien, qu’ils se sentent en sécurité, en confiance.
Et c’est le cas pour mes trois petits garçons, mes trois enfants qui sont là-bas. Alors, je pense que, avant de stigmatiser les choix des parents d’élèves, il est important de rappeler que l’école, celle de la République (11) et que la République travaille avec tout le monde, dès lors que (12)… on est au rendez-vous (13), voilà, de cette exigence et de ses valeurs.

Des explications

  1. le champ du personnel : le domaine de sa vie privée.
  2. scolariser un enfant : l’envoyer à l’école, l’inscrire dans une école.
    Par exemple : Les enfants en France sont scolarisés dès l’âge de 3 ans à l’école maternelle.
  3. l’école Littré : les écoles portent toutes un nom. Littré (Emile) est le nom d’un lexicographe du 19è siècle connu entre autres pour son Dictionnaire de la Langue Française.
  4. un paquet d’heures : de très nombreuses heures ( familier)
  5. des heures pas remplacées : la Ministre fait référence au fait que l’Education Nationale manque de remplaçants professionnels et qualifiés pour prendre le relais dans les classes quand des enseignants sont malades, en congé de maternité, quand leurs propres enfants sont malades, etc. Il s’agit d’un choix des différents gouvernements depuis des années de rogner sur le budget de l’enseignement et de ne pas payer des enseignants qualifiés dont la spécialité est de remplacer au pied levé leurs collègues empêchés pour une raison ou une autre. Il existait un corps de professeurs titulaires remplaçants, donc affectés à une zone de remplacement. Ce corps a été supprimé pour faire des économies budgétaires.
  6. on en a eu marre : on en a eu assez (familier)
  7. chercher une solution différente : c’est-à-dire inscrire ses enfants dans l’enseignement privé, où des fonds sont débloqués par les directeurs en cas d’absence de leurs professeurs (puisque les parents payent directement la scolarité de leurs enfants)
  8. un choix de proximité : elle fait comme si ce choix était juste un choix lié à l’endroit où la famille habite, c’est-à-dire qu’on inscrit ses enfants dans l’école la plus proche du domicile familial.
  9. être épanoui : être parfaitement à l’aise et vivre une vie sereine
  10. qu’ils sont bien : on entend « qui sont bien », ce qui signifierait que ce sont les camarades de classe de ses fils qui sont des enfants « bien », c’est-à-dire fréquentables. Je pense que, quand même, elle dit « qu’ils sont bien », faisant référence à ses enfants et à leur bien-être.
  11. l’école de la République : cela renvoie aux valeurs développées pendant la 3è République, basées sur l’idée de donner une éducation à tous les enfants. La suite de la phrase n’est pas claire : je ne comprends pas comment elle est construite !
  12. dès lors que = dès que
  13. être au rendez-vous de ces exigences : respecter ces exigences, les mettre en application

Côté communication, voici une entrée en matière complètement ratée auprès d’une majorité d’enseignants !
Ou alors, ce n’est pas un hasard et c’est donc tout simplement inquiétant pour l’école publique.