C’est reparti… et bientôt fini !

Il y a un an, je vous avais parlé d’un podcast qui allait nous faire traverser la France en diagonale, du nord-est au sud-ouest, à pied. Souvenez-vous, pendant environ deux mois, les publications quotidiennnes d’Hervé Pauchon nous avaient permis de découvrir des lieux à l’écart des grands sites touristiques et d’écouter les gens qu’il croisait et faisait parler, au rythme de ses étapes et au hasard de ses rencontres.

Comme ce monsieur a la bougeotte (1), il a rechaussé ses chaussures de marche et est reparti, cette fois-ci d’est en ouest, sur une transversale – non officielle – qui va le mener de Strasbourg en Alsace à Brest en Bretagne. Comme l’an dernier (et comme lors de son périple un an plus tôt sur le chemin de Saint Jacques de Compostelle), nous avons droit tous les matins à un nouvel épisode. C’est donc à nouveau une occasion inestimable de découvrir différentes régions de France – des régions qui sont toutes très différentes – et d’entendre tous les accents français qui constituent notre façon de parler : l’accent alsacien n’a pas grand chose à voir (2) avec l’accent breton !

C’est aussi l’occasion de partir de nouveau à la rencontre de tous ceux et celles que Hervé Pauchon trouve sur sa route. Il prend le temps d’écouter leurs témoignages mais aussi de faire des mini-reportages quand la situation s’y prête (3). Et donc tous les matins, dès la première heure (4), vous pouvez le retrouver sur les chemins, dans les villages, chez l’habitant (5), sur son chemin vers Brest. Il décrit aussi très bien les paysages qui s’offrent à lui, nomme les oiseaux qu’il entend et nous lit des messages, toujours bien écrits, qu’il a reçus d’auditeurs.

J’avais prévu de vous parler de ce nouveau voyage lorsqu’il a débuté il y a un peu plus d’un mois mais j’ai encore une fois laissé filer le temps ! Il y a quelques jours, une visiteuse de mon blog a laissé un commentaire pour nous en parler. (Merci à elle!) Alors, je me suis dit qu’il était temps de partager ça avec vous. Quand j’avais commencé à écrire cet article, je venais d’écouter un des tout premiers épisodes et j’avais été touchée par sa rencontre avec Martine, dans l’est de la France, dans ces régions marquées pour longtemps par les différentes guerres mondiales du 20è siècle. Et comme je venais de lire Lebensborn, j’avais trouvé que c’était une bonne suite au billet que j’avais publié à propos de cette BD.

Depuis, de l’eau a coulé sous les ponts (6) ! Et Hervé Pauchon approche de sa destination. J’ai écouté presque tous les épisodes, en prenant parfois du retard sur ses publications, mais toujours avec le même petit plaisir quotidien d’avoir rendez-vous avec tous ces gens qui se racontent. Donc si vous n’avez pas suivi ce périple (7), il est toujours temps de retrouver tous ces récits quand et où vous voulez et au rythme qui vous convient !

Le seul petit bémol (8), c’est bien sûr toujours qu’il n’y a pas les transcriptions de ces échanges, transcriptions qui seraient sûrement utiles à ceux d’entre vous qui apprenez le français ou travaillez à le perfectionner et l’entretenir. Vous pouvez m’envoyer vos questions en commentaire et je vous répondrai. Sinon, pourquoi ne pas tester ce convertisseur de son en texte ? J’ai l’impression que cela permet de bien dégrossir les choses (9), même si des accents différents peuvent le perdre ! C’est ici : Scribe – Ceméa

Pour écouter, vous trouverez tous les épisodes sur n’importe quelle application de podcasts pour votre téléphone ou ici par exemple. Ou encore ici.


Voici la transcription de l’extrait que j’ai choisi (dans l’épisode 4) :

Là, on est sur le chemin d’accès des prisonniers. Les prisonniers arrivaient donc du camp du Struthof à 150 mètres en contrebas (10). Ils arrivaient par ce chemin pour accéder à la carrière du Struthof, à la grande carrière du Struthof qui avait été… Donc le site de… du camp du struthof avait été choisi parce que, à cet endroit-là, il y avait… il y avait du granit rose, du granit rose qui était très recherché par Speer, l’architecte d’Hitler pour ses grands projets pharaoniques (11) en Allemagne, Germania, ou… enfin bon, tous ces projets-là, quoi. Et donc ils ont installé ce camp à proximité de la carrière pour la main-d’oeuvre (12).
Il est devenu sur le… le seul camp sur le territoire français. Mais il faut quand même bien penser qu’à l’époque où il a été construit par les Allemands, nous étions allemands. Nous avions été annexés, hein. En juin 40, nous sommes devenus allemands. Hitler a repris… a repris ce qu’il estimait (13) être à l’Allemagne. Avec tout ce que ça a comporté après de…. de frustration pour les gens du coin, en particulier l’ incorporation (14) de force, (15) qui a laissé d’énormes traces dans les souvenirs des gens et beaucoup d’incompréhension chez les Français.
– Les « Malgré nous ».
– Les « Malgré nous », voilà. Le terme  » Malgré nous » a été très, très souvent contesté par… enfin, contesté ou en tout cas nié par le… par une bonne partie des Français, qui ont pas compris, quoi. C’est vrai que c’est dur à comprendre, que… qu’on puisse, même en étant forcé, qu’on aille, se battre pour ces gens-là. Mais il n’y avait aucune solution de faire autrement, quoi. C’était… c’était comme ça, c’était… Si on partait pas, c’était la famille qui partait avec ces déportés, quoi. On pouvait… On pouvait partir. La ligne de démarcation (16) était tout près de nous. Donc, il y avait des passeurs (17), il y avait… il y avait ce qu’il fallait pour se… pour pouvoir échapper à l’incorporation, mais la famille trinquait (18), quoi.
Et l’histoire du camp du Struthof, c’est l’histoire de mon père, c’est l’histoire de ma mère, c’est l’histoire du village, c’est… c’est le vécu de mes grands-parents, c’est, c’est toute cette… Ça me ramène aussi à à la première annexion, en 14-18 et tout ça, les souvenirs de ma grand-mère enfin, et c’est des moments qui sont extrêmement douloureux. On a une histoire qui est quand même très, très bousculée (19) en Alsace. Et du coup cette histoire-là, c’est la mienne et les faits historiques, je m’en fous (18), c’est pas important, mais c’est tout ce qui reste de ça, quoi et ça construit ou ça déconstruit des vies, quoi.

Des explications :

  1. avoir la bougeotte : aimer changer de lieu, de travail, d’activité
  2. ça n’a pas grand chose à voir avec... : c’est très différent de… / Il y a peu de points communs
  3. quand la situation s’y prête : quand la situation est favorable / le permet
  4. dès la première heure : tôt le matin
  5. chez l’habitant : pas à l’hôtel mais chez quelqu’un. On dit par exemple : être hébergé chez l’habitant / loger chez l’habitant
  6. de l’eau a coulé sous les ponts : le temps a passé et les choses ont évolué
  7. un périple : un voyage avec de nombreuses étapes
  8. le bémol, c’est que… : le point un peu négatif
  9. dégrossir les choses : commencer à débrouiller les choses, les simplifier, sans entrer dans les détails.
  10. en contrebas : en-dessous (d’une route par exemple), plus bas
  11. un projet pharaonique : un projet grandiose, démesuré
  12. la main d’oeuvre : les ouvriers, les travailleurs
  13. estimer : penser, juger
  14. l’incorporation : dans le domaine militaire, c’est le fait de faire entrer des gens dans un régiment, dans l’armée
  15. de force : par la force, sans laisser le choix
  16. la ligne de démarcation : la frontière en temps de guerre entre les zones tenues par les pays ennemis
  17. un passeur : quelqu’un qui conduit des gens clandestinement d’un pays à l’autre
  18. trinquer : subir les conséquences négatives de quelque chose (plutôt familier). Par exemple : Quand un divorce se passe mal, les enfants trinquent.
  19. une histoire bousculée : une histoire qui n’est pas linéaire mais faite de nombreux changements compliqués pour les habitants

A bientôt

Faut-il en rire ou en pleurer ?

Nouveau premier ministre, nouveau gouvernement. Et donc nouvelle ministre de l’Education Nationale. C’est le quatrième changement à la tête de ce ministère depuis l’élection d’Emmanuel Macron en 2017, avec à chaque fois des réformes appliquées à la va-vite. Et cette fois, cette ministre est en charge aussi du Ministère de la Jeunesse et des Sports. Et bien sûr, elle s’occupe également des fameux Jeux Olympiques organisés en France cette année. On peut raisonnablement se demander si ça ne fait pas un peu trop ! Et quand on écoute ses premières interventions, il n’y a pas de quoi être rassuré. Le premier extrait que je partage ici m’a laissée perplexe par son ton familier et ses promesses creuses.

Le deuxième extrait m’a vraiment irritée ! Eh oui, notre ministre de l’Education Nationale a mis ses enfants dans une école privée catholique (et pas n’importe laquelle). Vous me direz, rien de bien surprenant en fait de la part de nos dirigeants. Mais ce qui fait bondir, c’est la justification qu’elle a apportée devant la presse : ses enfants ne vont pas dans une école publique parce que le système ne fonctionne pas ! Ah bon, il n’y a pas de remplaçants ? Ah bon, la vie dans certaines écoles n’est pas agréable, pas épanouissante ? Mais qui supprime des centaines de postes d’enseignants ? Qui surcharge les classes ? Qui épuise les enseignants et les dévalorise ? Qui amène certains chefs d’établissement à recruter des gens non formés pour combler les manques de notre administration ?

En tout cas, c’est plutôt mal parti avec les enseignants qui pour beaucoup se sentent déjà déconsidérés et offensés par leur ministre toute neuve !

Voici aussi juste l’enregistrement si vous ne pouvez pas accéder à instagram:

Trancription

Bonsoir à toutes et à tous, c’est Amélie Oudéa Castera, je suis votre nouvelle Ministre de l’Education Nationale, de la Jeunesse, des Sports et des Jeux Olympiques et Paralympiques et je voulais absolument vous faire un petit coucou (1) ce soir avant de boucler cette journée (2) qui a été super (3) riche, super dense avec la passation (4), avec Gabriel Attal, notre nouveau premier ministre ce matin. Je voulais aussi vous dire ma fierté d’être votre ministre, la ministre de l’école, la ministre de la jeunesse, la ministre de plus de sport dans vos vies, la ministre qui va aussi faire en sorte que les Jeux, ils puissent inspirer la jeunesse de tout notre pays, que vous puissiez y être associés. Moi, j’ai envie que, tous ensemble, on arrive à construire, à fortifier cette école qui va être à la fois une école de l’exigence sur la maîtrise des savoirs, mais aussi une école qui protège, où il y a pas de harcèlement (5), il y a pas de peur, il y a pas de boule au ventre (6), et puis aussi une école qui est celle de l’épanouissement, l’épanouissement républicain, avec plus de sport, avec la reconnaissance de vos différences, de vos talents, de là où vous êtes bons, là où vous avez envie de vous exprimer. C’est tout ça qu’on va essayer de construire ensemble. Et voilà, je suis encore super heureuse d’être à votre service, au service de toute la communauté éducative, au service du monde du sport, pour qu’on réussisse tout ça ensemble. Il y a beaucoup, beaucoup de choses, beaucoup de belles choses à vivre, à partager. Alors, à très bientôt.

Des explications

  1. faire un petit coucou : on emploie cette expression familière avec ses amis ou ses proches, pour dire qu’on va passer les voir, qu’on va leur faire une petite visite pour leur dire bonjour. Le ton est surprenant de la part d’une ministre, même sur les réseaux sociaux.
    On est dans le coin. Est-ce qu’on peut passer vous faire un petit coucou ?
    – Tu as des nouvelles des enfants ?
     Oui, ils nous ont fait un petit coucou en sortant du cinéma.
  2. boucler une journée : terminer une journée chargée.
  3. super : très (style familier, oral)
  4. la passation : il s’agit du moment où le ministre en place passe officiellement, lors d’une petite cérémonie, les pouvoirs au nouveau ministre qui vient d’être nommé. On parle de passation des pouvoirs.
  5. le harcèlement : la lutte contre le harcèlement scolaire est un des thèmes du gouvernement, pour mettre fin à toutes ces situations où des collégiens ou des lycéens s’en prennent à certains élèves de leur entourage, les humilient, les insultent, les maltraitent physiquement et moralement, jusqu’à entraîner des suicides chez ces jeunes harcelés.
  6. avoir la boule au ventre : ressentir une grande angoisse (qui peut se traduire par des symptômes physiques). On emploie cette expression familière à propos des élèves angoissés par l’école pour diverses raisons mais aussi à propos des adultes angoissés par exemple à l’idée d’aller au travail s’ils y sont mal traités.

Voici ce que la ministre de l’Education Nationale a répondu pour justifier la scolarisation deses enfants dans l’enseignement privé. A pleurer !

Transcription

Alors, très bien, on va aller sur le champ du personnel (1). Je vais vous dire pourquoi nous avons scolarisé (2) nos enfants à l’école Stanislas, je vais vous raconter, brièvement, cette histoire, celle de notre aîné Vincent. Vincent, qui a commencé, comme sa maman, à l’école publique, à l’école Littré (3). Et puis, la frustration de ses parents, mon mari et moi, qui avons vu des paquets (4) d’heures qui n’étaient pas sérieusement remplacées (5). A un moment, on en a eu marre (6), comme des centaines de milliers de familles qui, à un moment, ont fait un choix, voilà, d’aller chercher une solution différente (7).
On habitait rue Stanislas. Scolariser nos enfants à Stanislas était un choix de proximité (8). Et depuis, de manière continue, nous nous assurons que nos enfants sont non seulement bien formés, avec de l’exigence dans la maîtrise des savoirs fondamentaux, qu’ils sont heureux, qu’ils sont épanouis (9), qu’ils ont des amis, qu’ils (10) sont bien, qu’ils se sentent en sécurité, en confiance.
Et c’est le cas pour mes trois petits garçons, mes trois enfants qui sont là-bas. Alors, je pense que, avant de stigmatiser les choix des parents d’élèves, il est important de rappeler que l’école, celle de la République (11) et que la République travaille avec tout le monde, dès lors que (12)… on est au rendez-vous (13), voilà, de cette exigence et de ses valeurs.

Des explications

  1. le champ du personnel : le domaine de sa vie privée.
  2. scolariser un enfant : l’envoyer à l’école, l’inscrire dans une école.
    Par exemple : Les enfants en France sont scolarisés dès l’âge de 3 ans à l’école maternelle.
  3. l’école Littré : les écoles portent toutes un nom. Littré (Emile) est le nom d’un lexicographe du 19è siècle connu entre autres pour son Dictionnaire de la Langue Française.
  4. un paquet d’heures : de très nombreuses heures ( familier)
  5. des heures pas remplacées : la Ministre fait référence au fait que l’Education Nationale manque de remplaçants professionnels et qualifiés pour prendre le relais dans les classes quand des enseignants sont malades, en congé de maternité, quand leurs propres enfants sont malades, etc. Il s’agit d’un choix des différents gouvernements depuis des années de rogner sur le budget de l’enseignement et de ne pas payer des enseignants qualifiés dont la spécialité est de remplacer au pied levé leurs collègues empêchés pour une raison ou une autre. Il existait un corps de professeurs titulaires remplaçants, donc affectés à une zone de remplacement. Ce corps a été supprimé pour faire des économies budgétaires.
  6. on en a eu marre : on en a eu assez (familier)
  7. chercher une solution différente : c’est-à-dire inscrire ses enfants dans l’enseignement privé, où des fonds sont débloqués par les directeurs en cas d’absence de leurs professeurs (puisque les parents payent directement la scolarité de leurs enfants)
  8. un choix de proximité : elle fait comme si ce choix était juste un choix lié à l’endroit où la famille habite, c’est-à-dire qu’on inscrit ses enfants dans l’école la plus proche du domicile familial.
  9. être épanoui : être parfaitement à l’aise et vivre une vie sereine
  10. qu’ils sont bien : on entend « qui sont bien », ce qui signifierait que ce sont les camarades de classe de ses fils qui sont des enfants « bien », c’est-à-dire fréquentables. Je pense que, quand même, elle dit « qu’ils sont bien », faisant référence à ses enfants et à leur bien-être.
  11. l’école de la République : cela renvoie aux valeurs développées pendant la 3è République, basées sur l’idée de donner une éducation à tous les enfants. La suite de la phrase n’est pas claire : je ne comprends pas comment elle est construite !
  12. dès lors que = dès que
  13. être au rendez-vous de ces exigences : respecter ces exigences, les mettre en application

Côté communication, voici une entrée en matière complètement ratée auprès d’une majorité d’enseignants !
Ou alors, ce n’est pas un hasard et c’est donc tout simplement inquiétant pour l’école publique.