L’emporter sans s’emporter

Certains verbes sont très proches en apparence. Mais il suffit de pas grand chose pour qu’ils expriment des idées complètement différentes. Alors, comme hier soir, c’était une soirée sportive pour les amateurs de rugby, voici un petit article sur: l’emporter, remporter et s’emporter.

Pour commencer, plongée dans l’ambiance de la toute fin du match France – Pays de Galles. Il n’y avait pas de spectateurs dans le stade mais les journalistes sportifs se sont laissé emporter en direct par leurs émotions, entraînant derrière eux les spectateurs installés devant leur écran de télévision. Prêts à essayer de comprendre ce qu’ils criaient ? Pas facile, quand on apprend le français !

Transcription :
– Les Gallois n’en reviennent pas (1) ! A la 82è minute ! Ouh là, là ! Il y a que le tournoi pour offrir ça. C’est hallucinant ! Alors c’est cruel pour cette équipe galloise, mais ce temps de jeu français et ces 80 mètres à remonter… On parlait d’un test de caractère. Eh bien les Bleus le relèvent dans les derniers instants. On a vécu une désillusion à Twickenham dans les dernières minutes. Là, c‘est une joie immense, intense.
– Ah cette équipe est folle quand même, hein. Cette équipe est complètement folle. Lorsqu’ils ont décidé, ils peuvent vraiment faire des choses magnifiques après avoir subi (2) quasiment sur la totalité du match.
– Imaginez un peu pour les Gallois : ils perdent un grand chelem, dans les toutes dernières secondes, à 13 contre 14. Ce match de légende ! Un match de légende encore, comme souvent entre ces deux nations. Et pourquoi cet essai change tout ? Parce que l’équipe de France va s’imposer avec cinq points, victoire bonifiée, et donc ils auront leur destin en main la semaine prochaine, face à l’Ecosse. Cette transformation qui ne passe pas : 32 à 30, pour l’équipe de France. Vous y croyez, vous, à ça ? C’est complètement dingue (3) !
– Ouais, c’est fou. C’est complètement fou. Ils sont vraiment allés se la chercher, cette victoire, au plus profond d’eux-mêmes, avec les tripes (4). Le banc de touche aussi a fait la différence.
Et on va nommer Brice Dulin Homme du match, pour son… pour l’essai qui alors vaut très, très cher ce soir. On a évidemment beaucoup de joie, forcément, parce que ce match nous a procuré toutes les émotions. Enorme match ! Enorme coup de chapeau (5) à cette équipe galloise qui le mérite parce qu’elle a été admirable encore ce soir.

Quelques explications :
1. ils n’en reviennent pas : ils n’y croient pas, ils sont complètement surpris et incrédules.
2. Subir : ici, cela signifie être dominé
3. dingue : fou (familier)
4. avec les tripes : cette expression signifie qu’ils ont tout donné, à l’instinct. (Les tripes, c’est ce qui est à l’intérieur du ventre) (familier)
5. Coup de chapeau à (quelqu’un) ! : Félicitations à… !

Et maintenant, revenons-en à ces verbes qui se ressemblent:
Remporter: ce verbe doit être suivi d’un nom. Voici les exemples les plus fréquents.
– Les Français, contrairement à toute attente, ont donc remporté ce match, par 32 à 30.
– Ils ont remporté la victoire à la dernière minute, puisqu’ils ont marqué le dernier essai décisif dans le temps additionnel règlementaire.
– Les Gallois ne remporteront donc pas le tournoi cette année. Ils espéraient vraiment remporter cette compétition.
On peut aussi remporter un marathon, une course.
Un film, un acteur ou une actrice peuvent remporter un oscar, la palme d’or à Cannes, un prix, etc.

L’emporter : gagner.
– L’équipe des Bleus l’a emporté hier soir face aux Gallois.
– Personne ne pensaient qu’ils l’emporteraient.

L’emporter sur : devenir plus important.
– L’optimisme l’a peu à peu emporté sur le pessimisme parmi les dirigeants de l’équipe.
– La joie l’a emporté sur la fatigue.

S’emporter : se mettre en colère, perdre son calme
– Les joueurs ne doivent pas s’emporter, même s’ils ne sont pas d’accord avec une décision de l’arbitre, sous peine d’être expulsés du terrain.
– Il s’emporte facilement quand son équipe perd !

L’idée de ce billet m’est venue grâce à mes étudiants qui avaient préparé un sujet sur le rugby pour France Bienvenue, la semaine dernière et cette semaine. Etes-vous allés les écouter? C’est ici et ici.

A très bientôt! (Si, si, promis.)

Sans voix

Ce poisson bleu se promenait dans Toulouse la rose il y a quelque temps. Poisson publicitaire pour un centre de remise en forme aquatique qui offrait des réductions sur ses tarifs. Et jeu de mots puisque pour montrer que cette offre valait vraiment la peine, ils avaient utilisé l’expression muet comme une carpe.

Une carpe est un poisson et comme chacun sait, les poissons ne parlent pas. Quand on est muet comme une carpe, on garde le silence, on ne veut pas parler, pour une raison ou une autre. Donc dans cette situation, c’est un peu bizarre quand même, même si le contexte aquatique explique la carpe !
Par exemple :
Quand ils l’ont interrogé sur son emploi du temps de la veille, il est resté muet comme une carpe.
A: C’est un secret. Tu sais garder les secrets?
B: Ne n’inquiète pas. Je serai muet comme une carpe
.

En fait, ce qu’ils veulent dire, c’est plutôt que vous resterez sans voix à l’idée d’obtenir de telles réductions. Vous ne trouverez plus les mots tant les conditions d’inscription sont décrites comme particulièrement alléchantes. Et donc affaire à saisir ! De la pub, donc !

Etre sans voix ou rester sans voix : c’est, au sens figuré, lorsque quelque chose vous surprend tellement que vous ne savez plus quoi dire. Cela peut être un événement positif ou au contraire négatif. L’effet est le même.
Lorsqu’il l’a demandée en mariage, elle est d’abord restée sans voix. Puis elle a dit oui ! (Oui, oui, vous avez remarqué, 😉 difficile d’échapper aux annonces de fiançailles princières pour l’inspiration du moment…)
Lorsqu’il l’a accusée de n’exprimer que de la colère ou de la déception à son égard, elle est restée sans voix face à tant d’absurdité.
Alors là, je suis sans voix !

Lorsqu’on n’a vraiment plus de voix, au sens propre, c’est-à-dire quand aucun son ne sort de votre bouche, on dit qu’on a une extinction de voix, ou qu’on est aphone, ou encore qu’on n’a plus de voix. Il ne reste plus qu’à mettre ses cordes vocales au repos. C’est ce qui m’arrive aujourd’hui. Je n’ai plus de voix du tout ! Donc je n’enregistrerai pas ces exemples. Dur métier de prof, parfois, en période de virus promeneurs ! On verra demain. Ou après-demain.

Mercenaire

mercenaire

Quel bon film !
Le titre ne m’avait pas accrochée, il n’évoquait pas grand chose pour moi. Et ensuite, à cause de la vague idée que cela se passait dans le milieu du rugby, j’allais laisser passer l’occasion de voir ce très beau film !

Il y a donc des mercenaires dans le milieu du rugby: ce sont les jeunes Wallisiens ou Calédoniens venus de ces morceaux de France perdus à l’autre bout du monde, ces garçons achetés par les petits clubs de métropole et qui rêvent de faire une belle carrière ici.
C’est une histoire de famille et de traditions où les fils se déchirent avec leur père, une histoire de sport avec ses grands moments d’exaltation et ses petitesses sordides, une histoire de déracinement, de solitude et parfois de racisme.

C’est le récit du voyage de Soane, qui le mène et le malmène de la Nouvelle Calédonie au sud-ouest de la France et qui le fait entrer dans l’âge adulte, au prix d’épreuves qu’il n’imaginait pas en quittant sa terre natale et les siens.

La Nouvelle Calédonie n’y est pas l’habituelle carte postale aux plages parfaites et exotiques. Elle est rude, pauvre et belle. Les petits clubs de rugby, avec leurs vestiaires vétustes et leurs problèmes d’argent, n’y font pas rêver tous les jours de grande épopée sportive. On est dans la mêlée, dans la réalité, ici et là-bas, en français et en wallisien. On sort plus riche de cette découverte. (Et j’ai pensé à nos quelques étudiants calédoniens qui atterrissent chaque année à l’aéroport de Marseille pour étudier ici deux ans ou plus.)

mercenaire-bande-annonce
Regardez la bande annonce ici.

Transcription:
– Elles sont où, tes valises ? (1)
– J’en ai pas.
– Abraham, ton pilier (2) de 140 kilos, là, qui en a perdu vingt (3) dans l’avion, en tongs (4), en short, qu’est-ce que tu veux que j’en fasse ?
– Tu crois quoi ? (5) Que je vais te trouver un contrat comme ça, en claquant des doigts (6) ? Pourquoi tu es pas rentré au pays  (7)?
– Tu es un All Black ?
– Je suis français. Wallis (8), c’est la France.
– Qu’il vienne me chercher ! Moi, je l’attends ! Il croit que j’ai peur de lui ?
– Tu connais pas l’histoire de ma famille. Si je pouvais, je l’effacerais.
– Soane, c’est qui, ces mecs  (9)?
– C’est tout ce que j’ai.

Quelques explications
1. Elles sont où, tes valises ? : cette question est uniquement orale, avec avec le pronom (elles) placé avant le nom (valises) qu’il remplace avec cette répétition du sujet et avec cet ordre des mots. (pas d’inversion du sujet et du verbe).
2. Un pilier : c’est l’un des postes dans une équipe de rugby, pour lequel on a besoin de joueurs très puissants et donc lourds.
3. Qui en a perdu 20 dans l’avion : c’est ironique. Soane vient de répondre au responsable du club de rugby qu’il pèse 120 kilos alors qu’Abraham leur avait promis un joueur de 140 kilos. Donc le responsable se sent trompé sur la marchandise !
4. Des tongs : ce sont des sandales en plastique très sommaires qu’on porte l’été.
5. Tu crois quoi ? : Autre question orale et très familière. La version plus standard = Qu’est-ce que tu crois ? Dans les deux cas, c’est ce qu’on dit quand on est en colère contre quelqu’un, quand on reproche à quelqu’un de ne pas voir la réalité. (Cette question ne sert jamais à demander à quelqu’un ce qu’il pense.)
6. En claquant des doigts : comme par magie, sans faire d’effort particulier.
7. Rentrer au pays : c’est retourner dans sa région d’origine.
8. Wallis : c’est un territoire d’outre-mer français, au nord de la Nouvelle Calédonie.
9. Ces mecs : ces hommes (très familier) Et en général, quand on pose cette question, on exprime un sentiment d’hostilité.

Dans les sous-titres du wallisien :
1. Tu te démerdes : tu te débrouilles, tu trouves une solution par toi-même. (très familier, plutôt vulgaire) C’est un ordre, comme Démerde-toi, mais encore plus abrupt.
2. Tu as beau te cacher : même si tu te caches…

Mettre l’ambiance, tout un art !

France Irlande

Les choses sérieuses commencent vraiment maintenant paraît-il pour les amateurs de football. Les Français et les Irlandais attendent donc le match de cet après-midi avec impatience. Certains en font une possibilité de revanche sur un match où les Irlandais avaient été éliminés injustement à cause d’une main d’un joueur français qui avait changé le cours du match.

Mais pour les supporters irlandais, tout cela n’est que du sport et donc l’occasion de faire la fête à Lyon, pas de tout casser comme on l’a vu début juillet à Marseille lors d’un match Russie-Angleterre.

Voici les mots d’un supporter irlandais au français impeccable et de deux supporters français qui regrettent de ne pas savoir aussi bien chanter !

Supporters irlandais et français

Transcription

– On aime chanter et faire la fête. On essaye d’être sympas, on essaye d’être bien vus (1) par les autres parce qu’on n’a pas envie de faire mauvaise réputation (2) en dehors de notre pays, quoi ! (Parole d’Irlandais)

– On fait pas le poids (3). Les matchs de foot, les pubs, l’ambiance (4), c’est leur truc. (5)
– Ça va être dur. C’est pour ça qu’on est venus là, nous, pour montrer un peu qu’il y a aussi des Français qui sont prêts et qui sont aussi motivés qu’eux. Et… Les Français, il y a pas d’ambiance (4), il y a deux, trois chants comme ça qui viennent : la Marseillaise (6), Allez les Bleus, et voilà, on n’a pas vraiment de chants comme eux ils ont des centaines et des centaines de chants ! C’est ça, nous, on est censés (7) être meilleurs sur le terrain mais moins bons en tribune (7). (Parole de Français)

Quelques détails :
1. être bien vu : laisser une bonne impression et être apprécié. Par exemple : Il est bien vu par ses chefs car il a toujours une attitude positive. Le contraire : être mal vu. Et de façon dynamique, on dit : se faire bien voir / se faire mal voir. Par exemple: Si tu continues, tu vas te faire mal voir de tes profs. / Il essaie toujours de se faire bien voir.
2. Faire mauvaise réputation : ce n’est pas tout à fait ce qu’on dit en français. On a juste l’expression assez statique : avoir mauvaise / bonne réputation. On n’a pas vraiment de verbe qui va bien pour exprimer l’idée qu’il ne veut pas que les supporters irlandais soient la cause de la mauvaise réputation de leur pays. On pourrait dire aussi : On n’a pas envie de donner une mauvaise image de notre pays.
3. Ne pas faire le poids : cette expression signifie qu’on ne peut pas rivaliser, qu’on n’est pas assez bon en face des autres, qui eux sont plus forts, bien meilleurs. Par exemple : Les consommateurs isolés ne font pas le poids face aux intérêts des grandes entreprises.
4. L’ambiance : c’est l’atmosphère générale d’un événement. On dit qu’il y a une bonne ambiance ou au contraire une mauvaise ambiance. On dit aussi : Il n’y a pas d’ambiance (dans une fête par exemple), ce qui signifie que c’est très ennuyeux.
5. C’est leur truc = ils savent faire, ils sont bons dans ce domaine. (familier)
6. la Marseillaise : c’est l’hymne national de la France.
7. Être censé faire quelque chose : c’est ce qui est prévu, ce qu’on attend de la part de quelqu’un. Beaucoup de Français font une faute d’orthographe sur ce mot qui se prononce comme l’adjectif sensé (= raisonnable, intelligent)
8. en tribune : c’est-à-dire dans les tribunes, (le lieu où sont installés les spectateurs dans un stade), où les supporters créent une ambiance de fête et font le spectacle.

Petite remarque:
Les supporters français chantent bien eux aussi. Mais c’est au rugby et dans le sud-ouest de la France !

Et sur France Bienvenue, vous pouvez écouter ou réécouter Gaël et Thomas qui parlaient en 2009 du match France-Irlande gagné injustement par les Français.

Vous pouvez aussi y écouter Laurent qui avait apprécié l’ambiance irlandaise lors d’un voyage à Dublin.

Ah bon ? Y a foot ce soir ?

A Marseille, le foot, on connaît. Difficile d’y échapper. Et on s’en est bien rendu compte avec les violences des hooligans déchaînés ce weekend au centre-ville. Une chose est sûre, il est partout et sert à tout, même là où il paraît le plus incongru.

Et comme le foot et la gastronomie ne vont pas tout à fait ensemble et qu’il faut se nourrir – à défaut de boire – pendant les matches, les marques de surgelés n’allaient pas laisser passer l’occasion.

Donc voici une pub reçue par mail, avec, comme souvent, jeux de mots, expressions, formules. Bref du français en action. C’est le bon côté des pubs !

Foot et surgelés

C’est foot, alors restons dans le registre du foot : à l’heure du coup d’envoi du match, il faut être prêt devant sa télé. Donc c’est aussi l’heure du coup d’envoi – un peu avant – pour les commandes par internet de bonnes pizzas surgelées.

Les enfants regardent aussi (davantage de garçons que de filles en France) . Ambiance familiale. Tout le monde vit à l’heure du foot. (Il paraît qu’on est parti pour une cinquantaine de matches, en un mois…)

Foot et glaces pour enfants

Alors, voici des glaces pour les enfants, qui ne resteront pas sur la touche, c’est-à-dire pour nos petits qu’on n’oublie pas, qu’on fait participer à l’événement. Rester sur la touche, c’est regarder ses coéquipiers courir sur le terrain lorsqu’on est le joueur puni pour faute ou le joueur remplaçant qui attend son heure sur le banc de touche. Des jolies glaces comme des ballons de foot bien sûr.

Mais le foot s’est glissé dans un tout autre univers, sur un compte instagram qu’on pouvait penser imperméable à cet événement sportif ! Humour, second degré, téléscopage de deux mondes.

Foot et musée Rodin

Mais aussi téléscopage des styles : je n’aurais pas pensé à employer le qualificatif de « beaux mecs » à propos des sculptures de Rodin ( et pas forcément non plus à propos des footballeurs!) , même s’il a effectivement travaillé certains de ses modèles comme des athlètes. Terme un peu trop familier ! Tout comme le ton, oral, du « Y’a » qui nous interpelle au début de la phrase. Humour décalé, pour « dépoussiérer » les musées ?

A ce propos, je ne sais pas pourquoi on trouve très souvent écrit : Y’a, avec cette apostrophe qui n’a pas de sens, et qui tend probablement à restituer le côté oral de « Il y a » prononcé ainsi quand on parle de façon familière. L’apostrophe sert en général à indiquer qu’on a supprimé une lettre, comme par exemple « que » qui devient qu’. Mais ici, il ne manque rien entre Y et a.

Bon, en attendant, y a 80 minutes que le match du jour est commencé et les beaux mecs de l’équipe de France ne brillent pas en face des beaux mecs de l’équipe albanaise au stade Vélodrome de Marseille ! A l’heure où j’écris, y a toujours 0-0. Mais qu’est-ce qu’ils font, tous ces beaux mecs avec leur ballon rond ?

Heureux sur le terrain

Ballon ovaleSi vous avez des enfants, vous savez que ce n’est pas toujours facile de leur trouver des activités dans lesquelles ils se régalent. Tendance à projeter sur eux nos envies, nos goûts personnels et à ne leur faire découvrir que ce qui nous attire vraiment. Et comme en plus, nos petits aujourd’hui sont souvent touche-à-tout, leur motivation peut être assez fluctuante ! Alors cela fait plaisir d’entendre des enfants qui ont trouvé où s’épanouir, avec l’énergie de la jeunesse !

Heureux sur le terrain

Transcription :
– Tout le monde assis ! Allez, tout le monde debout ! Debout, debout, debout ! Allez, sur le dos. On se lève (1), et on est reparti. Allez on y va !
– On sert la main de tous les entraîneurs comme ça ?
– Oui, c’est la règle.
– Ah bon ? (2) C’est vrai ?
– Au début d’année (3), ils nous donnent un papier où il y a marqué les règles (4). Et il y a marqué dans le papier (5) : Serrez la main de tous les entraîneurs, en les regardant droit dans les yeux.
– Vous avez perdu votre fils ?
– J’ai perdu le petit dernier (6) qui doit être quelque part sur le terrain, je pense. Mais…
– Il est là ! Non.
– Non, c’est pas lui. Avec leur casque, ils se ressemblent tous, hein !
– Si il y avait pas eu cette initiation (7) dans l’école de Charles, jamais vous vous seriez dit : Tiens, on va l’inscrire au rugby.
– Je pense qu’on aurait pu passer à côté (8), ouais.
– Effectivement, moi, j’étais pas très sports co (9). Me retrouver sur le bord d’un terrain, sous la pluie, sous le vent… Mais bon ! Mine de rien (10), quand on les voit comme ça, on craque (11) ! On peut que adhérer, que adhérer (12). On le sent épanoui, on le sent… Il est prêt une heure avant les entraînements à la maison. Il…
– Avec le sac déjà fait ?
– Avec le sac qui est fait. On n’a pas besoin de vérifier le sac. Il a envie ! Et il est souriant. Quand il parle rugby (13), c’est le sourire aux lèvres.
– Là, tu vas te faire mal. Mets-toi sur le côté et tu percutes avec ton épaule. Parce que là, tu as percuté, tu t’es pris ça dans la tête, et après tu vas te faire mal. D’accord ?
– Dans une équipe de rugby chez des jeunes comme ça, vous avez des prédisposés au sport, c’est-à-dire des gens qui sont costauds (14), de 25 à 50 kilos à dix ans, et tout le monde joue sur le terrain. Tout le monde, tout le monde, tout le monde, c’est-à-dire que l’entraîneur est pas là pour dire : Lui, il est pas bon, il va pas jouer. On fait jouer tout le monde. Et ça, j’ai découvert ça aussi, qui n’existe pas dans le foot. Par exemple, moi j’ai rien contre le foot, mais dès petit (15), ils font des sélections. Là, il y a une équipe, même si ils sont vingt et qu’il y ait douze sur le terrain, tout le monde va jouer. Et puis il y a une entraide entre le plus fort et le plus faible. Voilà. Et ça, ça, c’est propre au rugby. On ne trouve pas ailleurs.
– Vas-y ! Vas-y !
– C’est pas un ballon de rugby, ça !
– Non, mais comme on fait du rugby toute l’année, des fois, on peut faire un peu de foot.
– Pour nous détendre.
– Vous jouez au foot pour vous relaxer ?
– Pour pas avoir la pression sur nous.

Des explications :
1. On se lève : c’est une façon de donner des ordres. On emploie On au lieu d’utiliser l’impératif : Levez-vous. Cela donne davantage une impression d’équipe, c’est plus encourageant en quelque sorte.
2. Ah bon ? : c’est la façon très ordinaire de marquer sa surprise.
3. Au début d’année : normalement, il faut dire : Au début de l’année. Mais il mélange avec l’autre façon de dire : En début d’année.
4. Où il y a marqué les règles : style oral. Il faudrait dire : où sont marquées les règles, mais ce serait un style trop soutenu pour de l’oral. Il aurait pu dire aussi tout simplement : un papier avec les règles.
5. Dans le papier : normalement, on dit : sur le papier / sur ce papier. Mais dans sa tête, c’est comme s’il pensait : dans le règlement.
6. Le petit dernier : c’est la façon affectueuse de parler du dernier né dans une famille.
7. Une initiation : ce sont des cours de base, pour faire découvrir une activité. On ne l’emploie pas uniquement pour le sport. On peut parler par exemple d’une initiation au français, une initiation au dessin, etc…
8. passer à côté : ne pas découvrir quelque chose, avec toujours l’idée que c’est dommage.
9. Les sports co : c’est l’abréviation familière de sports collectifs, c’est-à-dire les sports d’équipe. (Elle n’était pas très tournée vers ce genre d’activité, pas très intéressée au départ)
10. Mine de rien : normalement, cela signifie « sans en avoir l’air ». Elle veut dire que finalement, sans s’en rendre compte, elle en est venue à penser que c’était vraiment une très bonne activité pour son fils.
11. On craque : le verbe craquer a plusieurs sens, quand on l’emploie dans un registre familier, et de façon surprenante, des sens plutôt opposés. Ici, cela signifie qu’on est conquis par quelque chose, on trouve ça parfait. On peut aussi craquer pour quelqu’un. (Dans d’autre cas, cela peut signifier qu’on ne supporte plus quelque chose : Il fait trop froid ici. Je craque, je rentre à la maison!)
12. adhérer : approuver
13. il parle rugby : la forme correcte, c’est parler de rugby. Mais on peut employer ce verbe sans sa préposition à propos d’activités : parler cuisine / parler voyages / parler voitures, etc. On peut aussi parler travail, et plus familièrement parler boulot.
14. Costauds : forts
15. dès petit : dès l’enfance, dès le plus jeune âge.