Madame ou Mademoiselle ?

Faire des démarches administratives en France tient souvent du parcours du combattant, même si des efforts de simplification ont été faits récemment. (Mais c’est vraiment très récent.)
Et souvent, vous vous demandez bien pourquoi on exige tel ou tel papier, tel ou tel renseignement qui n’a rien à voir avec ce que vous essayez d’obtenir. Rites hérités d’un autre âge, petits pouvoirs de l’administration et de ses représentants…

Parmi ces drôles de renseignements exigés, il y a la sempiternelle case à cocher dans la rubrique qu’on appelle « civilité »: Monsieur, Madame, Mademoiselle.
Une seule catégorie pour les hommes, deux pour les femmes, selon qu’elles sont mariées ou pas. Et les hommes? Mariés ? Pas mariés ? Si ça n’a aucune importance pour eux, pourquoi cela en aurait-il une pour elles ? Qui a besoin de savoir si vous êtes mariée ou pas ? Et quelle case cocher quand vous vivez maritalement depuis toujours, comme c’est le cas pour beaucoup de Françaises ? La France était donc en retard sur le plan des mots. Mais les mots reflètent quelque chose de notre société, non ? Et en retour, ils ont un impact sur la façon dont nous nous construisons.

Transcription:
– Allez, ne m’appelez plus jamais « Mademoiselle ». Je dis ça de façon générale. C’est une nouvelle victoire pour les féministes qui se battaient pour la suppression du terme « Mademoiselle » et autre « Nom de jeune fille » ou « Nom d’épouse », toujours demandés sur les formulaires (1). Une circulaire (2) de Matignon (3) stipule qu’une fois les stocks (4) épuisés bien sûr, les documents administratifs n’aient plus que deux cases: « Monsieur » ou « Madame » et ne demandent plus que le nom de famille ou le nom d’usage (5).

– On s’en félicite (6), on est contentes. Maintenant évidemment, il faut qu’elle soit appliquée, puisqu’il y avait déjà eu des circulaires qui n’avaient pas été appliquées. Et donc on demande aujourd’hui au gouvernement et aux services administratifs concernés de veiller à l’application de cette circulaire. Evidemment, on n’est pas là pour se satisfaire de simples déclarations. Il faut maintenant que sur le sujet, il y ait des résultats concrets.
Ce que ça change, c’est qu’on arrête de catégoriser (7) les femmes en fonction de leur statut marital et on arrête de faire du mariage un… un élément de définition de la place des femmes dans la société. La suppression du « mademoiselle », du « nom de jeune fille », du « nom d’épouse » dans les formulaires administratifs, c’est un élément important pour faire plier (8) le sexisme ordinaire et qu’on arrête de faire des catégories pour les femmes qu’on ne fait pas pour les hommes. Ce qu’on souhaite, c’est que ça fasse tache d’huile (9). Aujourd’hui, quand on veut commander un billet de train ou acheter un CD en ligne par exemple, on nous demande Madame ou Mademoiselle. Je vois pas vraiment l’intérêt (10). Et donc maintenant, il faut que les entreprises privées, elles suivent également le mouvement (11).

Quelques détails:
1. un formulaire: un document administratif qu’il faut remplir.
2. une circulaire: une note, une lettre administrative envoyée dans différents services pour faire appliquer une décision.
3. Matignon: c’est une image pour parler des services du Premier Ministre français qui a ses bureaux dans cet hôtel particulier, rue de Varennes à Paris.
4. les stocks: ce sont les stocks d’anciens formulaires, avec les trois cases: monsieur, madame, mademoiselle.
5. le nom de famille ou le nom d’usage: une femme mariée peut prendre le nom de son mari ou pas. (Beaucoup de femmes continuent à adopter le nom du mari.) Le seul nom valable pour une femme reste de toute façon le nom de famille qu’elle a eu à sa naissance. Quand elle prend le nom de son mari, on appelle ça son nom d’usage.
6. se féliciter de quelque chose: se réjouir de quelque chose, être content.
7. catégoriser: ce verbe n’est pas français. Elle veut dire « classer« , « placer dans des catégories« . On observe l’utilisation de verbes inventés, en général sous l’influence de l’anglais, notamment par les journalistes: par exemple, le verbe « impacter« , très à la mode, au lieu de « avoir un impact sur… ». Ce qui se passe, c’est que le français a souvent besoin d’expressions avec des noms au lieu d’avoir juste un verbe. C’est évidemment plus long, donc créér ces verbes est « efficace ». Et en plus, ceux qui les emploient au début ont l’impression d’être à l’avant-garde des choses en utilisant ce jargon qui fait moderne parce que venu des Etats-Unis !
8. faire plier: vaincre
9. faire tache d’huile: gagner du terrain, se développer, se propager.
10. Je ne vois pas l’intérêt: je ne comprends pas à quoi ça sert / ça me paraît inutile.
11. suivre le mouvement: agir de la même façon, se rallier à un changement.

Un heureux événement

Petite scène de la vie quotidienne.
Enfin, pas trop quotidienne, j’espère.
Mais s’il est nécessaire de faire ce genre de publicité, c’est que ça arrive plus souvent qu’on ne pense.
Mais d’où les hommes croient-ils qu’ils viennent ?

Transcription:
– (Ne quittez pas.)(1)
– Marie ! Marie, qu’est-ce qu’il y a ? Qu’est-ce que tu fais comme tête(2)? Qu’est-ce qui se passe (3) ?
– Mais rien ! Laisse tomber (4). Rien.
– Faut que j’emmène ça à la Direction. Viens avec moi. C’est… c’est pressé.
– Ouais, bah justement, j’en sors du bureau de la Direction.
– Et… ?
– Je me suis fait licencier.
– C’est n’importe quoi (5) ! On licencie pas les gens comme ça ! Raconte-moi. Qu’est-ce que tu as fait ? Il y a eu un problème ?
– Mais rien. Mais… Je pense que j’aurais dû être beaucoup plus discrète hier quand j’ai appris la nouvelle.
– Mais quelle nouvelle ?
– Je suis enceinte.

Cette femme est licenciée à la fin de sa période d’essai parce qu’elle est enceinte. C’est une discrimination, un délit puni par la loi. Si vous êtes vous aussi victime de discrimination, la HALDE (6) est là pour défendre vos droits.

Quelques détails:
1. ne quittez pas: c’est ce qu’on dit à quelqu’un au téléphone pour le faire patienter. On dit ça aussi à quelqu’un qu’on tutoie: Ne quitte pas.
2. Qu’est-ce que tu fais comme tête ? : on demande ça quand on voit que la personne a l’air contrariée ou que ça n’a pas l’air d’aller bien. (familier) Souvent, on dit aussi: « Tu fais une drôle de tête. Qu’est-ce qu’il y a ? / Qu’est-ce que tu as ? »
3. Qu’est-ce qui se passe ? : on pose cette question quand on voit ou sent qu’il se passe quelque chose de plutôt inhabituel.
4. Laisse tomber: On dit ça quand on ne veut pas donner d’explication. (familier et direct)
5. c’est n’importe quoi ! : C’est ce qu’on dit quand on pense que ce qui se passe est nul et injustifié.
6.La HALDE : c’était la Haute Autorité de Lutte contre les Discriminations et pour l’Egalité. Elle est remplacée depuis le mois de mai par Le Défenseur des Droits.

Un heureux événement: c’est une façon de parler d’une future naissance. On dit d’une femme qu’elle attend un heureux événement, pour dire qu’elle est enceinte, qu’elle attend un bébé.