Marguerite

Il faut que je vous parle d’un film que j’ai beaucoup aimé, Le théorème de Marguerite. Si vous ne connaissez pas Marguerite, courez au cinéma avant que son histoire ne passe plus en salle. Sinon, mettez ce titre dans un coin de votre tête pour plus tard, quand vous aurez l’occasion de voir ce film sur d’autres écrans.
Marguerite et les mathématiques, sa passion, dévorante, depuis toujours. Marguerite l’étudiante au parcours tout tracé à l’ENS où elle est très avancée dans sa thèse sur la conjecture de Goldbach. Mais aussi, un jour, Marguerite et son erreur mathématique qui bouscule toute sa recherche et sa vie. C’est ce basculement brutal et violent que raconte ce film que j’ai trouvé très original. On suit alors Marguerite dans un parcours et des lieux complètement imprévus pour elle, complètement inattendus pour son entourage habituel et aussi pour nous spectateurs. La réalisatrice, Anna Novion, nous offre là le beau portrait d’une toute jeune femme passionnante et très attachante dans sa façon toujours un peu en décalage d’aborder la vie et les autres. J’aime beaucoup cette Marguerite, avec son prénom un peu désuet, qu’on pourrait juger au premier abord inadaptée à la vie et aux relations ordinaires mais qui apprend à trouver sa place partout. J’admire ! On plonge aussi avec elle au coeur de ses recherches mathématiques où les démonstrations deviennent de véritables oeuvres d’art et de vrais moments de suspense cinématographique ! Les acteurs sont parfaits. Et la musique aussi pour raconter cette histoire. Bref, tout cela a fait de cette soirée un moment très agréable. Il fallait bien ça pour effacer un peu la grisaille de cet automne où on bat ici des records de pluie depuis deux mois ! Merci Marguerite !

Voici la bande annonce. (Cliquez sur l’affiche)

Des explications sur la bande annonce :

  1. l’ENS : l’Ecole Normale Supérieure. C’est une des Grandes Ecoles françaises, ces écoles où on entre sur concours, c’est-à-dire après une très grande sélection. On y trouve des filières littéraires et des filières scientifiques.
  2. Marguerite au séminaire ! : Il y a un jeu autour du mot séminaire qui a plusieurs sens. Dans le monde universitaire et de la recherche, il s’agit d’une séance de travail en groupe (qui peut s’étaler sur plusieurs jours) où se retrouvent des spécialistes ou des étudiants d’un domaine. Mais c’est aussi un établissement où se forment ceux qui se destinent à des fonctions écclésiastiques, par exemple pour devenir prêtres. Dans le film, Marguerite participe donc en tant qu’étudiante à des séminaires avec son directeur de recherche. Mais aux yeux des autres étudiants, elle est tellement concentrée sur ses travaux de recherche qu’elle a une vie quasi- monacale, très austère, comme si elle allait entrer dans les ordres, au séminaire.
  3. je suis en pleine relecture : elle est plongée dans un travail de vérification de tout ce qu’elle a rédigé à propos de ses travaux de recherche. On emploie cette expression, être en plein dans quelque chose, pour indiquer qu’on est vraiment absorbé par une tâche.
    Je suis en plein déménagement.
    Il est en pleines révisions pour ses examens.
    Ils sont en pleins travaux.
  4. le remboursement de vos 4 années de salaire : quand on réussit le concours d’entrée à l’ENS, on devient en général fonctionnaire stagiaire, avec un salaire dès la première année. En contrepartie, on devra travailler pour l’Etat (donc dans la Fonction Publique) pendant dix ans. Si Marguerite démissionne de l’Ecole, elle devra rembourser les salaires qu’elle a déjà perçus.
  5. Comment tu comptes réunir 1000 € ? : Comment envisages-tu de trouver cet argent ? / Comment vas-tu faire pour trouver cette somme ?
    On emploie souvent le verbe compter dans ce sens pour montrer qu’on a des doutes sur la capacité qu’a quelqu’un de faire quelque chose.
    Comment tu comptes faire pour terminer à temps ?
  6. Je rêve, ça devient n’importe quoi, là ! :
    Je rêve ! = Je n’y crois pas ! / Ce n’est pas possible ! On dit ça quand on trouve totalement absurde ce que fait quelqu’un.
    ça devient n’importe quoi ! = la situation devient complètement absurde, les choses vont trop loin.
    La colocataire de Marguerite trouve que la situation devient hors de contrôle, que Marguerite fait n’importe quoi et donc dépasse les bornes de ce qui est acceptable.

Voici un lien vers un site très riche qui aborde ce film de façon très complète, sous un angle cinématographique, mathématique et pédagogique. Cela vaut la peine d’aller explorer ces ressources ! Et vous y retrouverez aussi la bande annonce.

Vous pouvez aussi aller écouter la musique du film, composée par Pascal Bideau.

Pour terminer, je vous souhaite une très bonne année, même si ce n’est pas toujours simple de rester optimiste. Espérons vraiment que ce monde se mette à tourner un peu plus rond !
A très bientôt.

C’est carrément le bagne !

En allant au cinéma la semaine dernière (voir le très bon BlackkKlansman de Spike Lee), nous avons vu la bande annonce de ce film qui dresse le tableau de la première année de médecine à l’université.

Année très sélective, qui demande un travail de fou, sans répit, sans vie sociale, comme la plupart des classes préparatoires. Donc ce n’est même pas une caricature ! Mais comme c’est un film, c’est quand même drôle apparemment. En tout cas, la bande annonce est parfaite pour donner le ton et le rythme. Et un modèle parfait de français oral !

Transcription

– C’est une année difficile. Pour ceux qui n’ont pas eu de mention au bac S (1), vos chances (2) sont de 2 %.
– Tu connais la différence entre un étudiant en médecine et un étudiant en prépa (3) ? Demande-leur d’apprendre le Bottin (4) par cœur : l’étudiant en prépa, il te demandera pourquoi. Et l’étudiant en médecine : pour quand.
– On commence le matin par une matière difficile, puis pause déj’ (5) : 40 minutes. Une matière facile l’après-midi jusqu’à 17 heures. Pause goûter (6): 20 minutes. On enchaîne (7) avec deux heures d’une matière difficile et le soir, on fait des annales (8) jusqu’à ce qu’on soit cuits (9). A ce rythme-là, c’est jouable (10). Tu en dis quoi ? (11)
– Vous avez quinze jours pour tout donner (12), quinze jours (13) pour tout revoir.
– 7CaO + H2O.
– Chut !
– Le mieux, c’est de faire des annales, franchement ! Faut qu’on devienne des machines à répondre aux questions, hein !
– Et la fac (14), ça va ?
– Phosphoglucomutase !
– Chut ! Non mais sérieux ! (15)
– Trois heures pour répondre à soixante-douze questions avec cinq réponses au choix, ça fait environ deux minutes par question. Donc à ce rythme-là, c’est impossible de réfléchir : soit on répond par réflexe reptilien, soit au hasard. Donc je pense que les meilleurs, enfin ceux qui deviendront médecins, se rapprochent plus du reptile que de l’être humain.
– Je veux être médecin.
– C’est ça qui le porte.
– Il a complètement pété un plomb. (16)
– Bah carrément !
– Ça fait une place en plus (17). Moi je pense c’est vrai.
– Tout seul, j’y arriverai pas. Mais avec toi,c’est jouable.
Tu as pris trop de retard. C’est mort ! (18)
– Vous pouvez prendre […]
– Attends, attends, attends, j’en peux plus (19), là, j’en ai marre (20). On fait une pause ?
– Ouais, carrément (21). Pause maths ?
– Allez ! Dérivées, stats (22), intégrales ?

Des explications
1. le bac S : c’est le baccalauréat scientifique, avec beaucoup de maths, de physique et de chimie, réputé le plus difficile. On peut avoir le bac avec une mention, qui dépend de la moyenne générale obtenue : Assez bien = à partir de 12 de moyenne générale. Mention Bien : à partir de 14. Mention Très bien : à partir de 16.
2. vos chances = vos chances de réussir
3. en prépa : en classe préparatoire à une grande école. Les grandes écoles sont des écoles où on entre sur concours, c’est-à-dire qu’il y a un nombre de places limité. Donc avoir de bonnes notes ne suffit pas, il faut être meilleur que les autres ! Il y a des prépas littéraires, des prépas scientifiques, des prépas aux écoles de commerce, qui préparent aux différents concours, en deux ans en général.
4. Le Bottin : c’est l’annuaire de tous les numéros de téléphone. Donc apprendre le bottin par cœur est mission impossible !
5. La pause déj’ : la pause déjeuner (à midi). On utilise souvent cette abréviation pour le petit déjeuner : le p’tit déj’ (familier)
6. le goûter : c’est normalement plutôt réservé aux enfants : ils prennent un goûter vers 16h30, quand ils sortent de l’école. (un gâteau, un petit pain au chocolat, un fruit, par exemple)
7. enchaîner avec quelque chose : dans l’organisation du temps, cela signifie qu’on passe directement d’une activité à une autre.
8. Les annales : ce sont des recueils de tous les sujets d’examen qui ont été donnés les années précédentes. Il y a des annales pour le bac, des annales pour les consours, etc. Cela permet de s’entraîner.
9. Être cuit : être épuisé, ne plus pouvoir continuer. On peut être cuit après une activité physique mais aussi après un travail épuisant par exemple, ou encore lorsqu’il fait très chaud. (familier)
10. C’est jouable : on a des chances de réussir, donc on peut essayer.
11. Tu en dis quoi ? : Qu’est-ce que tu en penses ? Cela te convient ? (familier)
12. tout donner : faire tous les efforts possibles, se donner à fond.
13. Quinze jours : nous utilisons très souvent cette expression (un peu bizarre si on compte!), qui correspond à 2 semaines.
14. La fac = l’université (familier, mais plus courant que « université » dans les conversations familières)
15. Non mais sérieux ! : cette expression exprime la désapprobation. C’est comme dire : Non mais ça va pas!, pour critiquer ce que fait ou dit quelqu’un. (Dans les bibliothèques universitaires, il est interdit de parler, pour ne pas gêner la concentration des autres.)
16. péter un plomb : devenir fou, ne plus se comporter normalement. On dit aussi : péter les plombs. (argot) Ou encore : disjoncter, pour rester dans le domaine de l’électricité !
17. une place en plus : parce que quand quelqu’un abandonne, cela fait un concurrent de moins.
18. C’est mort : c’est raté, c’est complètement impossible. (familier) Par exemple : Il est trop tard, on n’arrivera jamais à la gare à temps. C’est mort ! Avant, on disait plus souvent : c’est foutu.
19. J’en peux plus : je ne peux pas continuer, je suis trop fatigué. (familier)
20. j’en ai marre : j’en ai assez (familier). On en a marre de faire quelque chose ou on en a marre de quelqu’un.
21. Carrément : cet adverbe est de plus en plus employé seul (par les jeunes en général, pour approuver quelque chose ou exprimer son accord. (familier).
Son premier sens est différent : par exemple : Vas-y carrément = Fais ce que tu veux faire sans hésiter. / Dis-lui carrément ce que tu penses = Donne-lui ton opinion franchement.
22. Les stats : les statistiques. (familier)

Si vous voulez en savoir plus sur cette année terrible de PACES (Première année commune aux études de santé), que tentent beaucoup de jeunes Français pour devenir médecins, kinés, dentistes, pharmaciens, etc., vous pouvez en rire ici ou en pleurer là.

Bon weekend !