Impossible d’oublier qu’on est au printemps et que ce sera bientôt l’été : il y a d’abord eu le Festival de Cannes. On enchaîne à présent avec le tournoi de Roland Garros. Plus tard, ce sera le Tour de France. Oui, je sais, cinéma, tennis, cyclisme, ces événements n’ont rien à voir les uns avec les autres !
Mais ils rythment chaque année, de façon quasi immuable, nos mois de mai, juin et juillet. On sait où on en est dans l’année ! Qui aura la Palme d’Or ? Pleuvra-t-il à Roland Garros ? Exploits dans les cols des Alpes ou des Pyrénées ?
Pour le moment, c’est Roland Garros à Paris. (Les Français ne brillent pas…)
Il vaut mieux écouter Justine Hénin. Voici un petit extrait d’une de ses interviews il y a quelques semaines.
Auto-portrait d’une championne qui a décidé de revenir sur les courts.
Transcription:
– Une partie du… du public, une partie des journalistes aussi parfois, vous perçoit comme quelqu’un d’un peu froid, quelqu’un d’un petit peu mécanique sur le court. On entend le… le terme de… de rouleau compresseur sur un terrain. Vous nous parlez de doutes depuis tout à l’heure.
– Oui. Bien sûr. Mais c’est…
– Ça vous ennuie, ce décalage entre l’image peut-être qu’on peut avoir de vous ?
– Le décalage est énorme, ouais. Le décalage est énorme, parce que les gens qui me connaissent dans… dans l’intimité savent à quel point je… je suis un être… Je suis très sensible, j’ai envie de partager. Je suis quelqu’un qui rit énormément. Je suis… Je parle beaucoup, tout le temps.
– Pourquoi vous ne riez pas plus sur le court ?
– Hum… Bah, c’était déjà nettement mieux en Australie ! Parce que je suis quelqu’un surtout de très timide et de très réservé à la base. J’ai choisi un métier où je suis dans la lumière alors que finalement, entre guillemets (1), c’est tout ce que je… je déteste. Moi j’arrive dans un endroit public, enfin, je suis plutôt du style à longer les murs, à pas forcément me mettre en avant, et puis j’ai choisi un métier où je joue devant 20 000 personnes. Et donc, c’est tout ce paradoxe. Mais je crois que c’est juste une carapace, quoi. Et c’est vrai que c’est… Je suis arrivée à un point où j’ai simplement envie que les gens me perçoivent telle que je suis. J’essaye de moins me protéger mais c’est vrai que je suis quelqu’un qui… qui donne tout, quoi. Je suis très intense et… Et parfois, c’est pas toujours évident parce que les gens viennent prendre beaucoup de vous, quelque part (2), de… de… parce qu’il y a une part de rêve dans ce qu’on vit, parce que les gens vivent un petit peu notre vie aussi. Et donc, c’est pas toujours évident à accepter. Mais aujourd’hui, je prends du plaisir à donner du bonheur aux gens, quand on me demande des autographes, quand on vient vers moi, quand les gens ont envie d’échanger avec moi…
– Ce n’était pas forcément (3) le cas avant ?
– Non. Avant, je percevais ça…
– Vous le viviez plus comme une contrainte ?
– Comme une… comme une forme d’agression, en fait.
– D’agression.
– Comme une forme d’agression, alors qu’aujourd’hui, parfois je m’arrête et je me dis… Enfin je regarde simplement le sourire de la personne en face de moi et ce moment d’émotion qu’il est en train de vivre et je me dis, voilà, il faut… faut être réceptif, parce que j’ai cette chance de pouvoir donner un peu de… de bonheur, peut-être un peu de rêve, un peu d’espoir, et ça, c’est un… c’est un métier extraordinaire, ne fût-ce que pour ça (4).
Quelques détails :
1. entre guillemets : expression à la mode pour atténuer un peu ce qu’on dit et souvent pour éviter de froisser ceux qui nous écoutent.
2. quelque part : autre expression à la mode. C’est très vague et c’est à peu près l’équivalent de « d’une certaine façon».
3. forcément : toujours, nécessairement.
4. ne fût-ce que pour ça : une belle expression avec un joli subjonctif imparfait peu utilisé aujourd’hui, en tout cas en France. (Peut-être est-ce plus fréquent en Belgique, je ne sais pas !) Maintenant, on dit normalement : « Ne serait-ce que pour ça. ». A un temps ou l’autre, cette expression signifie : « Au moins pour ça / Au moins pour cette raison ».