Après le bac qui marque la fin des études secondaires, la très grande majorité des élèves français continuent et deviennent étudiants. On peut aller à l’université, dans un IUT* ou en classe prépa.
Une prépa, c’est une classe préparatoire à une Grande Ecole: deux ans de travail énorme avant de passer un concours d’entrée dans une de ces écoles. Le principe d’un concours, ce n’est pas seulement d’atteindre un certain niveau mais c’est d’être parmi les meilleurs car il n’y a qu’un nombre limité de places.
Alors, c’est « Marche ou crève ! » *: deux ou trois années entre parenthèses*, sans sorties avec les copains, sans vraies vacances. C’est « travail, travail, travail », sinon aucune chance de réussir…
Je ne garde pas un excellent souvenir de ma prépa au Lycée Henri IV à Paris ! On y acquiert une puissance de travail, on y apprend des tonnes de choses, c’est sûr. Mais il ne faut pas que ça dure trop longtemps ! Quand on en sort, on respire enfin.
Transcription:
Nous sommes dans un des lycées les plus prestigieux de Paris. Dans cette classe, ils viennent de toute la France pour réussir. [ Alors on passe à l’exercice…]
Ces étudiants deviendront ingénieurs ou peut-être grands patrons, la future élite du pays. Mais avant d’en arriver là, ces jeunes de 18 ans doivent faire des sacrifices.
– Nos journées, elles se résument à quatre heures de maths le matin, quatre heures de physique l’après-midi. Même entre les deux, à la pause (1), on se dit: « Tiens, j’ai oublié de faire ça. »
– On s’arrête jamais. Et si on… si on a une période d’inattention, à la fin, on est largué (2) très rapidement en cours.
Cours magistraux (3), devoirs personnels (4), ils travaillent souvent plus de 60 heures (5) par semaine, le double d’un étudiant à l’université. Mais le plus dur, c’est de garder confiance en soi.
– Toute notre scolarité, on nous a dit: « Tu es le meilleur dans ta classe. Tu vas être super fort. Tu dois faire une prépa (6). Et quand on arrive en prépa, on est en fait… on est au milieu de tous ces gens-là à qui on a dit: « Tu es le meilleur ».
– Alors là, on se rend compte qu’au final, bon, on n’est… Ouais, on n’est pas si bon que ça.
– Ça blesse un peu l’amour-propre (7) quand même quand on voit… quand on voit les notes (8) qui descendent.
– Il y a cette espèce de (9) petit sentiment de culpabilité qui s’installe, parce que en fait, tu as, pour ainsi dire… On n’est jamais au bout du travail. On n’est jamais au bout du travail qu’on nous donne. Il y a toujours quelque chose d’autre à faire. Donc résultat (10), le temps que tu prends pour t’amuser, c’est autant de temps que tu investis pas dans le travail.
Dans cette classe, trois élèves sur 45 ont abandonné depuis le début de l’année. Et le phénomème n’est pas marginal. Sur les 80 000 étudiants en prépa, un sur cinq ne va au bout des deux ans en Science. En Lettres (11), presque un sur deux décroche (12). Pour l’équipe enseignante, c’est avant tout la motivation qui est en cause (13).
– Les bons élèves de terminale qui sont un peu indécis sur leur orientation (14), les parents leur disent: « Oh bah, va en prépa, puisque tu peux aller en prépa. De toute manière, la prépa, ça mène à tout. » Si ces élèves qui ne sont pas motivés, qui sont… parce que c’est pas leur projet, pourquoi changeraient-ils de vie ? Pourquoi modifieraient-ils leur fonctionnement ? Pourquoi diminueraient-ils leur temps de loisirs ?
– Le réflexe naturel de ces jeunes, c’est de commencer à sacrifier les heures de sommeil. D’abord les heures de loisirs. Ensuite, les heures de sommeil qui se rétrécissent (15). Alors, si les… si le temps de sommeil se rétrécit, ils sont de plus en plus fatigués, de plus en plus vulnérables au stress.
Certains arrivent à changer leurs habitudes, s’accrochent (16). Michel M., lui, a préféré continuer ses études à l’université. C’est l’option choisie par la plupart des étudiants qui abandonnent leur prépa.
Quelque explications:
1. à la pause: à l’heure du déjeuner, il y a une pause d’au moins une heure. (comme pour la plupart des Français)
2. être largué: être perdu, ne plus réussir à suivre et comprendre. (familier)
3. un cours magistral: c’est un cours pendant lequel les étudiants prennent en notes le cours que le professeur délivre sans interaction entre lui et ses élèves.
4. les devoirs personnels: c’est tout le travail que les étudiants doivent fournir après les cours.
5. plus de 60 heures: c’est le total si on ajoute les heures de cours qu’il faut suivre et les heures nécessaires pour faire le travail personnel. C’est bien plus que quelqu’un qui a un emploi. (Les Français font entre 35 et 40 heures par semaine à peu près.)
6. une prépa: une classe préparatoire aux grandes écoles. On dit qu‘on va / qu’on est en prépa, ou qu’on fait une prépa. (familier)
7. l’amour-propre: l’estime qu’on a de soi-même
8. les notes descendent: Ces études sont d’un niveau très élevé. Donc c’est difficile d’avoir d’aussi bonnes notes qu’avant le bac. Pour certains élèves, c’est la première fois de leur vie qu’ils ont de « mauvaises » notes.
9. une espèce de = une sorte de (On emploie l’un ou l’autre indistinctement.)
10. Résultat, … = la conséquence, c’est que… (familier)
11. être en Lettres: faire des études littéraires (du français, de la philosophie, des langues, de l’histoire, etc…), par opposition à ceux qui sont en Science. Il y a des prépas littéraires et des prépas scientifiques.
12. décrocher: renoncer, abandonner parce qu’on ne réussit plus à suivre.
13. être en cause: être la raison d’une situation
14. l’orientation: ce sont les choix qu’on fait quand on est élève ou étudiant. On s’oriente vers tel ou tel type d’études.
15. se rétrécir: diminuer. La première fois, elle prononce ce verbe comme s’il n’y avait pas d’accent aigu sur le premier « e », ce qui n’est pas correct. On entend parfois cette prononciation.
16. s’accrocher: persévérer, faire beaucoup d’efforts pour ne pas abandonner et décrocher.
* un IUT: un Institut Universitaire de Technologie. On obtient un DUT (diplôme universitaire technologique) en 2 ans.
* Marche ou crève: cette expression insiste sur le côté pénible et difficile d’une situation. « Crever », c’est mourir. (familier)
* une année entre parenthèses: une année un peu à part, pendant laquelle on ne vit pas pleinement les choses.
Vous pouvez aussi aller écouter Mathilde qui a répondu à mes questions à propos de son année de prépa sur France Bienvenue.
Moi au contraire, j’en garde un très bon souvenir. Il y avait une très bonne ambiance de camaraderie à l’internat. On trouvait du temps pour se détendre (rapidement il est vrai) ne serais ce que pendant les repas.
Je n’ai jamais pris sur mon sommeil, et je pense que ça m’a bien aidé, et qu’il faudrait apprendre à tous les étudiants de tout âge à faire la même chose :
– si un élève se couche à 11h, sans avoir fini ses devoirs, au mieux, personne ne s’en rend compte, et au pire, le prof le voit, et il écope d’une mauvaise note. Ca n’est pas si grave, puisque ça n’est pas le concours, quoi qu’il arrive, il est reposé et peut suivre et comprendre le cours.
– si il se couche à 1h en ayant fini ses devoirs : il ne devrait pas avoir de mauvaise note, mais il est trop fatigué pour suivre le cours, il doit donc prendre plus de temps pour le comprendre seul plus tard … il a en fait mis un premier pas dans un cercle vicieux !
En revanche, je pense que la charge de travail est trop déséquilibrée entre la prépa et les écoles d’ingénieurs ou de commerce. Les élèves arrivent en école avec un tel raz-le-bol, qu’ils n’y font que le minimum pendant 3 ans, alors qu’ils pourraient en profiter pour travailler sur des projets innovants de recherche ou de création d’entreprises.
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Merci pour votre point de vue. ça permet d’équilibrer ! Je garde aussi un bon souvenir des quelques amis avec qui on se soutenait. Mais par rapport au travail, il y avait toujours ce sentiment qu’on n’était jamais au point, jamais prêts, avec des colles sur des sujets totalement différents – et énormes – chaque semaine. Et ça c’est un peu frustrant quand même. Et puis, l’ambiance dépend aussi un peu du nombre de places au concours. J’ai apprécié ensuite de faire du « bon » travail, dont j’arrivais à voir le bout.
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