Les oeufs à la coque

De la théorie à la pratique: voici une famille – pas campagnarde du tout – qui s’est lancée dans l’élevage des poules. Juste deux ou trois, pour le plaisir.

Un papa convaincu et un brin nostalgique, des enfants tout contents, une maman que ça amuse de voir tout son petit monde si heureux, un petit bout de nature dans ce jardin de banlieue.
Conversation pleine de fraîcheur, en attendant les oeufs, ceux qu’on tient, tout chauds encore, au creux de sa main et qu’on pourra manger à la coque, avec des mouillettes de pain trempées délicatement dans le jaune.
Petits bonheurs tout simples.

Transcription:
– Voilà le poulailler. On va les faire sortir.
– Oh! Il y a les poules !
– Elle veut pas sortir. Si… si on s’éloigne un peu, elle va sortir.
– Et voilà ! Elle est sortie !
– Elle court trop vite.
– Oui, oui.
– Vous êtes allés voir les oeufs ?
– Va voir si il y en a.
– Beh il y en a pas.
– Bah regarde ! On va regarder ?
– Non, il y en a pas.
– Ah bon, comment ça se fait, ça (1) ?
– Bah, j’attends. Elles sont arrivées il y a une semaine. Il paraît (2) qu’elles sont un peu jeunes.
– Au départ, qui c’est qui (3) a eu l’idée d’acheter des poules ? Ce sont les enfants ou les parents ?
– C’est moi.
– Ah, c’est vous, le papa !
– Ouais, c’est le papa, oui, qui… qui a eu cette idée-là (4) ! Et les enfants ont suivi quand même, hein, parce que je les ai appelés, je leur ai demandé: « Est-que je le prends, ce poulailler (5)?
– Qu’est-ce que tu t’es dit ?
– Bah je me suis dit que c’était bien. Puis on aura des oeufs. Donc j’adore les oeufs en fait.
– Qu’est-ce qui vous a motivé par exemple (6) pour acheter des poules ?
– Les oeufs qu’on va avoir là, on est sûrs que… De toute façon, on est sûrs qu’ils seront bio (7), par rapport à ce qu’on a donné aux poules. Et puis, c’est vrai que c’est, à mon avis… Moi j’ai hâte de (8) voir le jaune qui… qui ira dans ces oeufs-là, parce que j’ai le souvenir de… de… de jaunes très denses et très bons quand j’étais… je… j’habitais à côté d’une ferme et donc on prenait tout le temps les oeufs de la ferme. Et j’espère retrouver ça en tout cas. On a un peu… On n’a pas l’impression de se retrouver à Paris, on a l’impression d’être un petit peu loin, à la campagne. Voilà. Un bon Parisien bobo (9) qui prend ses poules dans son jardin, voilà.
– Il manque plus que la vache pour être en autarcie (10)…
– Voilà, c’est ça !
– … et avoir le lait frais le matin.
– Elles sont heureuses, hein, les poules chez vous, là, hein ! Elles se baladent (11), là. Elle est où ta poule? C’est laquelle ?
– La marron.
– Et tu l’as appelée comment ?
– Cacahouète !
– Et toi, Gaspard, elle est où ta poule ?
– Elle est là, c’est la noire.
– Est-ce qu’il y a une raison économique à cette aventure dans laquelle vous vous êtes lancés avec ces poules urbaines ?
– Vous dire oui, ça serait vous mentir parce que entre l’achat, l’entretien (12)… Non, non, je pense pas, non.
– Là, vous avez des voisins. Il y a… Il y a un immeuble là. Vous avez eu des remarques ou pas ?
– Ça les fait marrer (13) ! Il y a une dame qui regardait. Il y a un gosse (14)… un petit… un petit garçon qui était là et qui imitait la poule en les regardant. Et puis ça… Ils trouvent ça plutôt sympa. D’autant que ça fait pas de bruit, donc…
– Et dans votre entourage, il y a des gens qui ont été surpris ?
– Oui. Oui, oui. Oui.
– […] traités un peu de… de malades mentaux ! Mais… après, je pense qu’il en faut un pour initier les autres. On verra… on verra à l’usage. (15)
– C’est… c’est l’avenir. L’avenir est à la poule, hein !

Quelques détails:
1. Comment ça se fait, ça ? : on demande ça quand on veut savoir la raison. C’est familier et oral, surtout avec le petit mot « ça » à la fin, qui dans le fond est inutile. Mais c’est très fréquent à l’oral de faire cette répétition. Dans une phrase complète, on continue avec que et le subjonctif: Comment ça se fait que vous n »ayez pas d’oeufs ?
2. il paraît que… : Les gens disent que… / on m’a dit que…
3. Qui c’est qui… : tournure très orale. Plus correctement, ce serait: Qui est-ce qui… ?
4. cette idée-là: vous entendez comme il avale le mot « cette« ? ça devient: C’t’ idée. (Je ne sais pas comment transcrire car évidemment, on n’abrège jamais ce genre de mots en les écrivant !)
5. Je le prends, ce poulailler ? : voici encore quelque chose de très naturel à l’oral: commencer par le pronom (le) et ensuite donner le nom que le pronom remplace (ce poulailler). Mais il y a une différence entre cette question et celle qui semble son équivalent correct: Je prends ce poulailler ? Les deux questions ne portent pas exactement sur la même chose.
Je prends ce poulailler ? = On veut savoir si on prend celui-ci ou un autre. (On a les différents poulaillers sous les yeux.)
Je le prends, ce poulailler ? = la question porte sur le fait de prendre ou pas un poulailler, c’est-à-dire qu’en fin de compte, on demande si on se lance dans l’élevage des poules ou pas. (On n’est même pas obligé d’avoir un poulailler sous les yeux pour poser cette question.)
6. par exemple: On entend mal. Il me semble que c’est ce qu’il dit mais ce n’est pas sûr à 100% !
7. bio: abréviation de biologique. Mais quand on parle de ce mode de production, on utilise toujours l’abréviation. On parle donc de légumes, d’oeufs, de produits bio. (sans « s » au pluriel.)
8. J’ai hâte de… : il est impatient de voir ces oeufs. (C’est exactement le « I’m looking forward to…  » de l’anglais.) On peut aussi utiliser cette expression avec un verbe conjugué au subjonctif après: J’ai hâte que nos poules pondent / que nous ayons des oeufs de nos poules.
9. bobo : c’est l’abréviation de « bourgeois bohême« . Le mieux pour se faire une idée, c’est d’aller écouter la chanson de Renaud, Les bobos. Je vous donnerai mes petites explications des paroles un de ces jours sans doute.
10. en autarcie: vivre en autarcie, c’est pouvoir répondre à tous ses besoins sans faire appel à l’extérieur, c’est-à-dire se suffire à soi-même.
11. se balader: se promener.
12. entre l’achat, l’entretien: entre ici signifie: si on additionne l’achat, l’entretien.
13. ça les fait marrer: ça les fait rire. (familier). On emploie aussi le verbe pronominal se marrer: les voisins se marrent.
14. un gosse: un enfant (familier)
15. on verra à l’usage: on verra avec le temps qui passe et avec l’expérience.

Et qui sait, peut-être ces poules encore jeunes se demanderont-elles quoi faire de leur premier oeuf, comme dans ce livre, lu et relu avec mes garçons, petits citadins qui aimaient bien les poules de leurs grands-parents paternels !

Le premier oeuf de maman poule

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