Quand on n’a plus vingt ans

Dans les pays riches, nous vivons de plus en plus vieux. Et pourtant, tout est fait pour qu’accepter son âge ne soit pas chose facile.
D’ailleurs, pendant longtemps, c’est comme si on ne vieillissait pas, ou tout au moins, cela reste de l’ordre de l’abstrait, tant on est occupé à autre chose. Puis on devient mortel. Le temps passe vraiment. Et on continue à vivre, avec cette conscience et une autre acuité.
J’aime bien écouter les gens qui ont déjà vécu longtemps et qui savourent leur présent, avec sagesse.
Transcription :
– On a au téléphone Régine, qui nous appelle de Meudon (1). Régine, bonjour. Je peux donner votre âge, Régine ?
– Oui, bien sûr.
– Bon, je le fais, allez, de toute façon.
– Au contraire.
– Vous avez 74 ans.
– Oui.
– Et vous nous dites depuis tout à l’heure : « Dépêchez-vous ! Dépêchez-vous ! Je dois partir puisqu’il est bientôt 10 heures et demie. » Vous êtes donc une retraitée de 74 ans active.
– Absolument, absolument ! Tant que je le peux, absolument !
– Vous nous expliquez, Régine… enfin, c’est ce que vous disiez aux standardistes que la vieillesse a pour vous plein d’avantages. Pourquoi ?
– Eh bien, je trouve qu’elle a un avantage, c’est que tout le monde est plus gentil avec moi que quand j’avais 50 ans. Je sais pas… Je suis en bonne santé mais je me balade (2) avec une canne parapluie, et je trouve que dans les transports en commun, dans les musées, partout, tout le monde est aux petits soins (3), voilà, d’une part. D’autre part, je rencontre beaucoup de gens de ma génération qui sont un peu tristounets (4)… enfin, bon. Et alors je leur dis : « Ecoutez, on a, nous, un avantage, même deux, nous ne serons plus au chômage et nous ne mourrons pas jeunes. » Et ça a du mal à détendre l’atmosphère (5) parce que je crois que beaucoup courent après des éléments de jeunesse. Et moi, je pense qu’il y a des éléments de vieillesse qui sont pas inintéressants.
– Qu’il faut savoir accepter aussi, peut-être.
– Oui. Le temps, la disponibilité, je trouve. Par contre, je suis… j’étais intéressée par ce qu’a dit votre journaliste tout à l’heure… enfin, la journaliste tout à l’heure. Je me suis sentie vieille le jour où j’ai perdu ma mère et j’ai perdu ma mère, j’avais 69 ans. Donc je n’étais plus la fille de quelqu’un.
– D’accord.
– Voilà. Mais je ne suis pas encore arrière-grand-mère. Donc peut-être que ça m’aide à tenir le coup (6) aussi.
– Est-ce que pour vous, l’important, c’est plus du côté du médical ou plus du côté des relations sociales ?
– Ah, des relations, des relations ! Je… je fuis le médical ! Je ne sais pas si on doit le dire.
– Vous avez le droit de dire tout ce que vous voulez !
– Voilà, je fuis un peu le côté… Comment appelle-t-on ça… non pas prévention mais détection. Je suis plus pour la prévention que pour la détection. Et le fait d’avoir vu mes… vivre mes grand-mères d’une manière simple et en même temps active, ça m’aide beaucoup. Voilà.
– Bah je vous… je vous remercie, Régine. Je peux vous demander où vous devez filer (7), donc, à 10 heures et demie ?
– Dans une école maternelle où je vais lire à la récréation (8) auprès des petits enfants, voilà.
– Et quelque chose qui vous fait du bien aussi, j’imagine.
– Absolument ! Je suis mamie (9) de plusieurs petits enfants, voilà.

Quelques détails :
1. Meudon : c’est une ville de la banlieue parisienne.
2. Se balader : se promener (familier). Ici, elle veut dire qu’elle a une canne dès qu’elle sort. Par exemple, on peut dire : Il se balade toujours avec un couteau dans sa poche. Cela ne signifie pas nécessairement qu’il se promène, mais juste qu’il a toujours un couteau dans sa poche.
3. être aux petits soins : être très attentionné vis-à-vis de quelqu’un et traiter cette personne avec beaucoup d’égards.
4. Tristounet : triste. On emploie cet adjectif un plus familier pour adoucir un peu cette idée de tristesse. Etre tristounet / tristounette, ce n’est pas le grand désespoir, c’est ne pas être très gai.
5. Détendre l’atmosphère : rendre la situation plus légère, faire en sorte que les gens soient plus détendus, en racontant quelque chose de léger, de drôle, etc…
6. Tenir le coup : résister, rester solide, ne pas se laisser atteindre par les difficultés. On peut l’employer aussi pour des objets, du matériel.
7. Filer (quelque part) : courir, se dépêcher d’aller quelque part. (familier) Si on dit à quelqu’un: Je file !, c’est qu’on est pressé parce qu’on a autre chose à faire et qu’on ne peut pas rester.
8. La récréation: c’est la pause de la matinée et de l’après-midi pour les enfants à l’école primaire et à l’école maternelle. En général, ils vont jouer dans la cour de récréation.
9. Mamie : c’est comme ça que beaucoup d’enfants appellent leur grand-mère.

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