De la mauve, de la chicorée, du genièvre, de l’ortie, de la bardane, de la guimauve et du sureau pour une tisane très agréable. Pourtant, je ne raffole pas des tisanes !
Mais cela m’a fait repenser à cette conversation à la radio, retrouvée dans les archives ! Voici donc quelqu’un qui aime et connaît les plantes médicinales. Je me suis dit aussi que c’était l’occasion d’entendre un accent bien différent de celui de Marseille car Anny Schneider vient de l’est de la France. Et elle a gardé cet accent, plus traînant, même si elle vit au Québec depuis longtemps. Un accent peut-être plus facile à comprendre !
Transcription :
– Je viens d’un petit village d’Alsace, des Vosges du nord, près du Grand Parc Régional, typiquement alsacien, avec les vergers, les jardins, la grande forêt vosgienne en arrière.
– Vous y avez passé du temps, dans cette forêt, lorsque vous étiez enfant.
– Ah oui, je suivais mon papa. Son domaine, c’était la forêt, donc il m’emmenait dans le bois en suivant…
– C’était un homme des bois, vous dites.
– Oui. Toutes les saisons. C’était son métier et il nous nourrissait grâce au fruit (1) de ses cueillettes.
– J’ai fait tous les pays d’Europe, seule et en stop (2) entre seize et vingt-cinq ans. Puis je trouvais que ça se ressemblait un peu, qu’il y avait des carcans (3), que c’était limité. Je rêvais d’espaces plus vastes, d’une pensée plus libre encore, du Nouveau Monde, comme beaucoup de gens. C’est un pays mythique, la cabane, les Indiens, les grands espaces. Moi aussi, je rêvais de ça.
– Vous travailliez à l’époque (4)? Comment vous viviez ?
– Je travaillais pendant six mois, je dépensais mon argent là où j’allais, au fur et à mesure (5). Je découpais mes séjours. Donc un jour, je suis partie dans le Nouveau Monde, en Nouvelle France, et je pensais pas y rester si longtemps. Moi, je voulais faire toute l’Amérique du nord au sud. Mais je suis restée accrochée au Québec.
– Qu’est-ce qui vous a montré que c’était votre chemin de devenir herboriste ?
– Le pissenlit (6), etc, ils connaissaient pas ça au Québec. Pour moi, ça faisait partie du quotidien. Donc comme ça, un jour, le patron, qui est un journaliste d’ailleurs, un chroniqueur de radio très connu là-bas, il m’a dit : Mais madame Anny, il faut que vous enseigniez votre savoir à nos membres et nos visiteurs. Donc j’ai donné des… mes premiers ateliers d’indentification et de transformation des plantes.
– Ça remonte à combien d’années ?
– Trente ans maintenant. Oui. Puis de fil en aiguille (7), j’ai vu mes limites, donc il fallait que j’étudie, l’anatomie, pathologie, physiologie, biochimie, botanique parce que l’herboristerie, c’est une science exacte, très documentée. Puis c’est sérieux tout de même de conseiller les gens pour leur santé, même si c’est une approche complémentaire (8), hein. L’herboriste connaît la plante dans son milieu et sait éventuellement la cultiver, la cueillir au bon moment et la transformer. On devrait redécouvrir ce qui pousse dans notre environnement proche. Puis il y a tellement de plantes, même dans les parcs. Je suis éblouie (9) par le nombre d’arbres anciens et fertiles qu’il y a, les jardins de monastères par exemple, il y en a plusieurs même à Paris. Justement, l’Eglise était longtemps détentrice de la connaissance des plantes, hein. Ça monte… ça remonte à Charlemagne (10), les capitulaires (11) qui imposaient à chaque communauté monacale la connaissance d’une centaine de plantes, dans les capitulaires, et leur conseillaient, même leur imposaient de les cultiver dans le jardin pour soigner la communauté. Et il y avait toujours un moine herboriste qui soignait. Puis après, il y a eu une bulle papale (12) qui a décidé que… il fallait laisser ça aux médecins parce que ça les distrayait des choses de Dieu. Mais l’herboristerie, hélas, ne s’enseigne plus en France depuis Pétain (13). Pareil au Québec. Par contre, c’est toléré dans la mesure où on fait pas de gaffe (14) et qu’on se retrouve pas au tribunal pour malpractice (15). Mais c’est dommage que ce soit perdu comme ça.
Des explications :
1. grâce au fruit de… : grâce à ce qu’il obtenait par… J’ai écrit le mot « fruit » au singulier car elle ne parle pas de « fruits », mais de tout ce que son père trouvait dans la forêt. C’est la même expression que : grâce au fruit de son travail.
2. En stop : elle faisait de l’auto-stop, ou du stop, pour voyager gratuitement. Aujourd’hui, il y a moins d’auto-stoppeurs. On peut faire du covoiturage, mais on paie quelque chose à celui qui nous transporte !
3. Un carcan : quelque chose qui emprisonne, qui limite la liberté.
4. À l’époque : à ce moment-là / dans ces années-là.
5. Au fur et à mesure : peu à peu, jour après jour.
6. Un pissenlit : c’est une fleur jaune très courante dans les champs, qu’on peut manger en salade quand elle est jeune par exemple.
7. De fil en aiguille : en passant d’une chose à une autre.
8. Complémentaire : elle veut dire que ça ne remplace pas la médecine plus traditionnelle.
9. Ébloui : émerveillé
10. Charlemagne : il a été couronné empereur en l’an 800.
11. un capitulaire : un règlement, une loi de l’époque carolingienne.
12. Une bulle papale : une lettre solennelle du Pape.
13. Pétain : le Maréchal Pétain qui a gouverné la France à partir de 1940, en collaborant avec l’Allemagne nazie, jusqu’à la Libération.
14. Faire une gaffe : faire une bêtise, une erreur / commettre une maladresse. Ne pas confondre avec : faire gaffe (familier), qui signifie faire attention.
15. Malpractice : ça ne se dit pas en français. Elle utilise un terme anglais, sans doute sous l’influence du vocabulaire utilisé au Canada.
Je l’a comprend très bien ! 🙂
Pas certaine de comprendre une marseillaise par contre ! 🙂
Sinon, je ‘sentais’ l’odeur de la tisane ! 🙂 hum …
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C’est vrai que les accents du sud peuvent paraître plus difficiles au départ à ceux qui apprennent le français. Et à Marseille, avec de vrais Marseillais, l’accent est très marqué ! Mais on s’habitue vite si on passe un peu de temps ici. Et tant mieux si l’odeur de la tisane est passée même à travers de simples mots ! 🙂 A bientôt
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