Dimanche, c’était le départ d’une des grandes courses à la voile en solitaire, la Route du Rhum, entre la très belle ville de Saint Malo et Pointe-à-Pitre en Guadeloupe. Enormes trimarans de 30 mètres de long ou petits monocoques font route vers les Antilles. Mais les premières heures de navigation ont été éprouvantes pour certains navigateurs comme Thomas Coville, dont l’énorme voilier n’a pas fait le poids en face des cargos qui sillonnent aussi les océans.
Transcription :
Il fait nuit. Il y avait des grains (1) avec beaucoup de pluie, donc aucune visibilité. Et en fait, vous ne naviguez (2) qu’à l’écran, un peu comme finalement les pilotes d’avion qui ne… qui ne travaillent qu’au radar. Et j’avais bien vu (3) qu’il y avait deux cargos proches de moi. Je ressors de la cabine après avoir démarré le moteur, je cherche… je cherche le bon régime moteur et au moment où je lève la tête, je vois ce mur noir passer devant moi. Et je le touche à… d’environ 1,5 mètre (4) ou à… peut-être à… ouais, 3 mètres de son arrière. J’étais à deux doigts (5) de chavirer. J’ai eu le bon réflexe de choquer le J3*, c’est-à-dire la voile d’avant pour pas (6) chavirer. Ça a été très, très chaud (7). Et puis après, j’ai hurlé. J’ai hurlé (8). C’est l’instant… le moment où on… où je percute… je crois, le pire moment de ma vie.
Quelques détails :
1. un grain : c’est un phénomène météorologique pendant lequel le vent devient plus fort et change de direction rapidement avec souvent de la pluie.
2. vous ne naviguez : si vous écoutez bien, il prononce bien « ne ». On n’entend pas juste Vous naviguez.
3. J’avais bien vu : quand on ajoute « bien » dans ce genre d’expression au lieu de dire juste J’avais vu, cela renforce le sens. Il veut dire qu’il était tout à fait conscient de la présence de ces cargos, il savait qu’ils étaient dans les parages. Et souvent, on attend ensuite « Mais… ». Par exemple : Je savais bien que ce serait dangereux. Mais je n’avais pas imaginé ça.
4. 1,5 mètre : on dit toujours Un mètre cinquante, pas Un mètre et demi.
5. Être à deux doigts de (quelque chose ou de faire quelque chose) : être très proche de quelque chose. Il a été à deux doigts de mourir, de couler, de chavirer, d’être broyé par ce cargo. On retrouve la même idée quand on dit : Il a frôlé la catastrophe.
6. Choquer : ici, c’est un terme nautique, qui signifie relâcher la voile.
7. Pour pas… : il manque la négation « ne » (oral) : Pour ne pas chavirer.
8. Ça a été chaud : cette expression familière signifie que la situation a été très difficile, on l’emploie quand il y a eu du danger ou des complications sérieuses. On peut l’employer aussi au présent si on est plongé dans l’action: C’est chaud !
9. Hurler : ce verbe est bien plus fort que crier.
* Je ne sais pas comment s’écrit le nom de la voile dont il parle ! Est-ce une référence interne au fabricant ? J’ai d’abord pensé qu’il s’agissait d’un mot (jitrois ?) comme un autre. Mais impossible de trouver dans les listes qui énumèrent les noms des voiles: gennaker, spi, foc, etc… Bref, terme trop technique !
Effectivement, lorsqu’on voit le trimaran après l’accident, avec l’avant de son flotteur tribord et un morceau de sa coque arrachés par le cargo, on se dit que ce navigateur l’a échappé belle, qu’il s’en est fallu de peu, qu’il s’en est fallu d’un cheveu. L’histoire aurait pu se terminer beaucoup plus mal.
Il l’a échappé belle m’est familier mais j’ai jamais rencontré « il s’en est fallu de peu » avant. J’emploie souvent « il revient de loin » ou « il a eu chaud », et je n’ai pas l’air très rassuré avec le pronom « en »
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C’est vrai que « en » est un peu compliqué ! Mais dans l’expression Il s’en est fallu de peu, en fin de compte, il ne remplace rien. L’expression est figée. Ce qu’on peut ajouter, c’est qu’elle est plus soutenue que Il a eu chaud, qui est familière.
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