L’autre jour, je suis tombée sur une petite interview de Sandrine Bonnaire par Marc-Olivier Fogiel (toujours très bavard, ce garçon !)
Sandrine Bonnaire, c’est une actrice pleine de grâce et de personnalité parce qu’elle ne vit pas dans les paillettes. Sans doute parce qu’elle vient d’un milieu qui ne la destinait pas à la lumière et au luxe. Sa rencontre avec Maurice Pialat quand elle avait 16 ans, le tournage de « A nos amours », ses débuts de comédienne ont changé le cours de sa vie et ses relations avec ses parents. J’ai trouvé qu’elle en parlait avec beaucoup de finesse et de délicatesse dans ce petit passage.
Transcription:
M : On va y venir. C’était une petite annonce, c’était presque un hasard. Mais vous racontez dans le livre comment, quand vous avez commencé à gagner un peu d’argent, en étant comédienne, à quel point l’argent peut dégrader les relations en famille, au sein de sa propre famille. Vous dites : «Lorsque j’allais prendre un repas chez ma mère, elle se croyait obligée de mettre les petits plats dans les grands », par exemple. Le fait aussi d’être pilier de famille. Très vite, vous racontez que quand votre père est décédé, vous êtes devenue très vite le pilier financier, le soutien de la famille. Vous avez pris vos deux frères qui avaient quelques difficultés, vous les avez élevés d’une certaine manière, chez vous, à la maison. C’était bizarre, non, de… de renverser les rôles si tôt puisque vous aviez quoi ? Dix-huit ans à l’époque ?
S : Oui c’est ça, j’avais 18 ans. Et c’est vrai que c’est… c’est perturbant de prendre la place du père ou de la mère. Je prenais entre guillemets déjà la place du père quand mon père était vivant. C’est vrai que c’est… c’est très étrange de… de gagner dix fois plus en faisant beaucoup moins de… d’efforts que… avec un père qui… qui… qui travaille non pas à l’usine mais enfin pas loin de ça quand même, qui se lève à cinq heures du matin et… Donc très vite, j’ai… j’ai proposé à mon père de l’aider financièrement. Il a accepté. De toute façon, il avait pas le choix, enfin, parce que les… les fins de mois étaient difficiles.
M : Il pouvait récupérer une somme d’argent régulière sur le compte que vous aviez décidé ensemble, hein.
S :Voilà. C’est ça. Et on se rend pas compte sur le moment, c’est-à-dire que… on… on aide, on contribue et puis avec le recul, on se dit «Ben c’est pas normal», quoi. C’est… Et ce qui est encore moins normal, c’est de voir un homme qui travaille dur, et vous qui êtes… bah qui êtes de l’autre côté, où tout est plus facile, et vous êtes tout d’un coup responsable de… de vos parents. C’est presque ça.
Quelques expressions :
1. mettre les petits plats dans les grands : faire beaucoup d’efforts en l’honneur de quelqu’un.
2. entre guillemets : les guillemets, c’est ce signe de ponctuation : « … ». Cette expression est très à la mode. On l’utilise quand on veut atténuer ce qu’on dit, quand on ne veut pas heurter ceux qui nous écoutent. Ici, Sandrine B. essaie d’atténuer le fait qu’elle se substituait dans le fond à son père puisqu’elle gagnait beaucoup plus d’argent que lui. Mais il restait quand même le père.
3. les fins de mois étaient difficiles : C’est une expression pour dire que les gens sont pauvres. Tout le salaire versé au début du mois a été depensé et il faut tenir jusqu’à la paie suivante. Coluche, un humoriste français, disait : «Les fins de mois sont difficiles, surtout les 30 derniers jours… »