L’élégance du hérisson
C’est le joli titre d’un joli roman de Muriel Barbéry.
Et aussi de son adaptation au cinéma.
Histoire originale, racontée à plusieurs voix, par la concierge sans charme – en apparence – d’un immeuble parisien, et par Paloma, une petite fille de 12 ans qui habite un des appartements avec sa famille.
Le titre et ce qu’on pouvait lire en quatrième de couverture m’avaient donné envie de lire ce roman, ainsi que le bouche à oreille :
« Je m’appelle Renée, j’ai cinquante-quatre ans et je suis la concierge du 7 rue de Grenelle, un bel hôtel particulier, scindé en huit appartements de grand luxe, tous habités, tous gigantesques. Surtout, je suis si conforme à l’image que l’on se fait des concierges qu’il ne viendrait à l’idée de personne que je suis plus lettrée que tous ces riches suffisants.
Je m’apelle Paloma, j’ai 12 ans, j’habite au 7 rue de Grenelle dans un appartement de riches. Mais depuis très longtemps, je sais que la destination finale, c’est le bocal à poissons, la vacuité et l’ineptie de l’existence adulte.Comment est-ce que je le sais? Il se trouve que je suis très intelligente. »
Je ne sais pas si le film a réussi à garder la poésie de cette histoire. En fait, je n’ai pas eu envie de le voir après avoir passé un si bon moment au milieu des mots de Muriel Barbéry !
Transcription:
Je m’appelle Renée. J’ai 54 ans. Je suis veuve, petite, laide, grassouillette. (1)
« Bonjour mademoiselle. »
Je corresponds parfaitement à l’archétype (2) de la concierge (3) d’immeuble.
Je m’appelle Paloma. J’ai 11 ans. Depuis très longtemps, je sais que la destination finale…
« Ah Paloma, mais pourquoi est-ce que tu te caches comme ça ? »
… c’est le bocal à poissons. Mais ce qui est certain, c’est que dans le bocal, j’irai pas.
Je vous présente M. Kakuroshu, notre nouveau propriétaire.
– Bonjour.
– Vous connaissiez bien la famille Arthens ?
– Oui, une famille heureuse.
– Toutes les familles heureuses se ressemblent.
– Mais les familles malheureuses le sont chacune à leur façon.
Toutes les familles heureuses se ressemblent. Les familles malheureuses le sont chacune à leur façon. (4)
Vous aussi, vous pensez qu’elle n’est pas ce qu’on croit ?
Madame Michel, elle me fait penser à un petit hérisson.
« Je suis démasquée ».
A l’extérieur, elle est bardée (5) de piquants.
« Tu veux un pain au chocolat ? »
Mais moi, j’ai l’impression qu’à l’intérieur, elle est aussi raffinée que ces petites bêtes farouchement solitaires et terriblement élégantes.
« Vous, vous avez trouvé la bonne cachette. »
-Je suis venu vous prier de venir dîner avec moi demain soir.
– Mais je suis la concierge.
– Mais enfin, vous vous habillez pour aller dîner chez les autres.
– Mais je vais jamais dîner chez les autres.
– Pourquoi ?
– Parce que je pense que ce n’est pas une bonne chose.
– On peut savoir à quoi vous jouez ? (6)
– Je joue à rien du tout. Je crains d’être un peu sauvage.
– Plus tard, je serai concierge.
– C’est une très bonne idée, ma chérie.
– Et si nous pouvons faire quoi que ce soit pour t’accompagner dans cette démarche, tu sais que nous sommes là pour t’aider. N’est-ce pas ma chérie ?
– Tout à fait.
Quelques détails :
1. grassouillette : assez grosse. (au masculin : grassouillet)
2. l’archétype : elle ressemble au modèle de concierge que les gens ont dans la tête: pas très aimable, sans culture, etc…
3. un(e) concierge : c’est la personne qui a la garde d’un immeuble, veille à sa propreté, surveille les allers et venues, et qui connaît tous les habitants de cet immeuble. Il y en a de moins en moins en fait maintenant.
4. C’est la première phrase d’Anna Karénine, de Tolstoï. ( une œuvre que la concierge a lue, contrairement à ce qu’on pourrait imaginer.)
5. bardée de piquants : hérissée de piquants, pleine de piquants
6. A quoi vous jouez ? = Pourquoi est-ce que vous agissez de cette façon ? Dans quel but ?
Un peu difficile de trouver du temps pour tout en cette période de rentrée !
Vous l’avez remarqué.
Mais ça va s’arranger !