L’autre jour, vous vous souvenez, c’était Alexandre qui racontait sa nouvelle vie entre sa mère, son père et son beau-père. Petit bonhomme de six ans qui avait l’air de chercher un peu sa place.
Mais apparemment, qu’on ait six ans ou qu’on en ait dix de plus, ça a l’air un peu compliqué de toute façon: c’est ce qu’on perçoit en écoutant Félix et Axel, 14 et 16 ans, qui racontent leur famille recomposée et agrandie depuis l’arrivée d’une petite demi-soeur.
Et au fond, ça ne doit pas être facile non plus pour le beau-père…
Transcription:
– Alors là, je suis dans la chambre de Félix et Axel. Vous habitez la moitié du temps chez votre mère et chez votre père. Comment ça se passe, les… l’emploi du temps ?
– En fait, une semaine, on est séparés. La semaine d’après, on est tous les deux en[ch…] ensemble chez par exemple notre mère. Et la semaine d’après, on est encore séparés. Et après, on est tous les deux chez notre père. Mon père, il va être moins seul en fait et il y aura toujours quelqu’un…
– Avec ton père.
– Plus souvent, voilà.
– Votre maison, c’est plus souvent celle-ci – celle chez maman – ou celle chez papa ? Celle où vous avez toutes vos affaires, vos affaires de classe, vos… vos trucs (1) ?
– Justement, en fait, on n’a plus de… vraiment de chez nous fixe. On est… […] Voilà, ouais voilà.
– Vous êtes SDF (2) ?
– Un peu. Enfin au début, c’est… c’est un peu dur de… d’embrayer (3) mais une… une fois que ça commence, après, ça… ça se passe mieux.
– Et en fait, ça veut dire quoi, pour vous, famille recomposée ?
– Bah, pour l’instant, c’est encore nouveau, et enfin pour nous, on n’a pas… on trouve pas vraiment que c’est une famille recomposée. Quand on est ici, pour nous, Nicolas, il a… enfin, il est… Il représente pas grand chose (4) pour nous et…
– Nicolas, c’est le beau-père ?
– Oui.
– Comment vous l’avez reçu ?
– Au début, moi, je voulais pas le voir. Voilà, j’avais pas envie de le voir. Et puis en fait, je l’ai rencontré. Il était… Il était gentil et tout (5) mais, après, enfin comme je lui ai dit, il représente rien pour nous, quoi. Même si il vit avec nous, il fait pas partie de ma famille.
– Du coup, ça aide d’être frères un peu dans ces cas-là. On se… on se soutient.
– Non (6), et puis même, même dans notre relation de frères, ça… ça se passe mieux parce que du coup, comme on se voit moins, eh ben quand on se retrouve, eh ben ça se passe beaucoup mieux et…
– Ouais. Donc… Franchement, c’est tout bénéf (7).
– Enfin moi personnellement, ça m’a aidé d’avoir un frère, quoi.
– J’entends la petite fille.
– Ouais, la petit soeur qui se réveille.
– La petite soeur. Ça fait quoi (8) d’avoir une petite soeur tout d’un coup ?
– Ah bah, c’est… enfin franchement, c’est… c’est génial (9)… enfin, c’est… enfin, moi j’adore les bébés.
– Donc on la voit grandir.
– Et ça fait quoi d’ailleurs de voir sa maman enceinte d’un autre ?
– Oh là, là ! Trois jours… Trois jours avant qu’elle nous l’annonce, mon frère, il me fait (10): « Je crois, maman, elle est enceinte et tout. » Moi je lui fais: « Mais tu es fou ! » Enfin on… enfin moi, ça m’avait…. ça m’avait vraiment choqué, vraiment de… de… J’assimilais (11) pas une femme enceinte avec ma mère, quoi…
– On l’entend pleurer, là, hein.
– Ouais. C’est un peu le… le côté relou (12), c’est que elle est très, très, très agitée. Donc en fait, la semaine où on est là, la grasse mat’ (13), c’est… c’est mort (14).
– Vous me présentez la… la… la petite famille ?
– Alors, c’est Violette ?
– Ouais.
– Donc Nathalie, ma mère et Violette, ma demi-soeur. Et Nicolas, mon beau-père.
– Donc vous êtes le beau-père.
– Non, bah je suis plus l’ami de leur mère, parce qu’ils sont grands, parce que on se connaît depuis un petit moment et que on peut avoir une… une relation, pas de copains, mais entre le beau-père et le copain, je dirais.
– Vous êtes copains, tous les trois ?
– […] pas encore.
– Ouais.
– On se connaît pas encore beaucoup. Donc on sait pas trop (15).
– Vous apprenez à vous connaître ?
– Exactement. Exactement. C’est une phase importante et longue.
– Délicate (16)?
– Oui, oui, bien sûr. Bien sûr.
– Je pense que notamment l’arrivée du… du bébé, ça permet de faire en sorte que les ados (17) sortent un peu de leur monde et se préoccupent aussi de… d’autres personnes.
– Le bébé, c’est un peu un lien entre vous maintenant ?
– Oui. Complètement. Et c’est vrai que c’est… c’est une autre histoire et…. et je pense que ça, ils l’ont bien… ils l’ont bien accepté et compris… enfin… surtout… surtout compris. Parce que cette petite soeur, bah elle fait le bonheur de tout le monde. Voilà.
Quelques explications:
1. vos trucs: vos affaires (familier)
2. un SDF: un sans domicile fixe. (quelqu’un qui vit dans la rue, qui n’a pas de maison. Avant on disait « un clochard ».) On parle aussi de « sans abri ».
3. embrayer: au sens propre, c’est quand on passe une vitesse dans une voiture (Les Français ont peu de voitures automatiques!) et donc la voiture va avancer. Donc ici, ça veut dire se mettre dans l’ambiance, s’adapter à l’une ou l’autre maison.
4. il représente pas grand chose: il n’est pas vraiment important pour eux. On emploie « pas grand chose » plutôt que « pas beaucoup de choses » qui est lourd.
5. et tout: c’est une façon de ne pas donner plus de détails. (oral)
6. non: ici, ce « non » ne marque pas l’opposition à ce qui vient juste d’être dit. C’est juste une façon d’annoncer l’idée suivante. Un peu compliqué à expliquer ! On le dit souvent par exemple dans : Non mais de toute façon / Non et puis…
7. bénéf: abréviation familière de « bénéfice ». Donc l’expression signifie que c’est totalement positif, qu’on est totalement gagnant, qu’il n’y a que des avantages. (familier)
8. Ça fait quoi de… ? : façon familière de demander ses impressions à quelqu’un par rapport à une situation.
9. génial: super (familier et oral)
10. il me fait: il me dit (familier). On dit ça avant de citer les paroles de quelqu’un.
11. assimiler quelqu’un à: le voir comme…
12. relou: lourd. C’est du verlan, c’est-à-dire une façon de parler où on dit les mots en commençant par la dernière syllabe. Donc on parle à l’envers (EN-VERS => VER-LAN) (familier bien sûr)
13. la grasse mat’: abréviation familière de « grasse matinée ». Quand on fait la grasse matinée, on dort très tard le matin.
14. c’est mort: c’est totalement impossible. Il n’y a pas moyen de dormir tard avec la petite soeur qui réveille tout le monde de bonne heure. (familier)
15. on sait pas trop: on ne sait pas vraiment.
16. délicate: difficile.
17. les ados: abréviation de « adolescents »