Même quand on n’est pas passionné de cyclisme, le Tour de France fait partie des traditions françaises ! Chaque année, tout au long du parcours, pendant trois semaines, les spectateurs sont là, sur le bord des routes, dans le moindre petit village traversé par cette course mythique. Et les postes de télévision sont allumés dans les foyers français, pour un voyage à travers la France, avec de belles images aériennes des paysages français, des explications historiques sur les monuments filmés et bien sûr avec de grands temps forts sur le plan sportif dans les cols des Pyrénées ou ceux des Alpes. Il y en a pour tous les goûts !
L’étape d’hier a été très suivie car elle se terminait en haut de l’Alpe d’Huez, avec sa montée toujours riche en émotions. Et comme en plus c’est un tout jeune coureur français qui l’a emporté, c’était un grand moment de sport mais aussi de plaisir collectif !
Voici les premières impressions, à chaud de ce jeune Français qui n’en revient pas d’avoir gagné cette étape.
Transcription:
– Maillot blanc (1), victoire d’étape ici à l’Alpe d’Huez, étape mythique (2) du Tour. C’est une journée exceptionnelle !
– Ouais ! Bah, c’était… Sur le papier, j’avais dit que je resterais avec Thomas (3). Enfin, je l’avais dit. Et… Ah, dans le col du Galibier, il m’a dit: « Pierre, vas-y. Saisis ta chance. T’occupe plus… T’occupe pas de moi. (4) » Donc voilà. J’ai dit: « Bon, bah si il m’a laissé ma carte (5), faut que je la joue jusqu’au bout. ». J’ai voulu prendre un petit peu d’avance au pied en attaquant dans la… dans la vallée. Je… Je la connais par coeur, hein ! Je l’ai dit, je l’ai montée (6) dix fois, l’Alpe d’Huez, l’année dernière en stage. Je savais qu’à partir de… du virage N° 6 (7), si j’avais une roue devant moi, c’était bien parce qu’il y avait ces grandes lignes droites vent de face. J’ai gardé mon sang-froid (8) face à deux Espagnols. Ils s’entendent très bien (9), je le sais, et…
– Et lesquels ! (10) Le Champion Olympique et Contador !
– Non, mais je sais qu’ils s’entendent très, très bien. Et depuis le départ, ils roulent un peu ensemble quand même pour faire perdre… enfin ou gagner Schleck, Evans. Donc je me suis dis: « Bon, bah je… C’est quitte ou double (11). Soit je gagne, mais je ferai pas 2! » (12) Et je l’ai laissé faire, je l’ai laissé faire. Et je savais qu’au virage N° 1, en l’ayant montée dix fois, je savais que je pouvais me mettre gros plateau et aller jusqu’à la ligne d’arrivée sur ce gros plateau, à bloc (13). Je… Vu que je la connais par coeur et que je l’ai fait chronométrer je ne sais combien de fois, ah là, je savais que si… Je pouvais monter jusqu’en haut à cette allure-là ! (14)
– Comme quoi (15), le travail, la préparation, la reconnaissance, tout cela, ça paie ! C’est une belle illustration.
– Oh ouais, j’ai… Vous savez, l’étape de l’Alpe d’Huez, j’ai regardé tout… tout… tout Armstrong, Pantani. J’ai regardé comment ils ont fait, comment ils montaient la cadence. J’ai pas du tout… Je dis pas que je suis Armstrong ou Pantani, mais je l’ai visionnée des… des… des ce[ntaines]… des dizaines et des dizaines de fois. Je me demandais comment ils faisaient pour aller aussi vite. Et… je… je viens de gagner l’étape de l’Alpe d’Huez ! Je… Va falloir un petit moment pour que je réalise ! (16)
– Vous savez que le public français est en train de réaliser qu’il y a peut-être en Pierre Rolland, compte tenu de (17) votre jeune âge, un… un futur vainqueur français du Tour ! Pourquoi pas ? Ça va devenir votre prochaine ambition dans les années qui viennent ? Je ne précipite pas les choses en disant ça. Vous savez très bien les moyens dont vous disposez.
– Non, je… je sais, je connais. Mais bon, on m’a pas laissé beaucoup de temps. Je vais… Faut pas oublier que j’ai que 24 ans. Je vais fêter mes 25 ans cet hiver. J’ai encore dix ans, dix belles années (18) devant moi, et… enfin, dix ans et les dix plus belles (19). Voilà, Thomas, il arrive à maturité, il a 32 ans. Bon, je vais pas… Je dis pas que je vais gagner le Tour mais en tout cas, je vais m’entraîner pour un jour être au plus haut niveau et ne pas avoir de regrets quand j’aurai fini ma carrière, c’est surtout ça.
– Pierre, dernière question: quel est le nom du dernier Français qui avait gagné à l’Alpe d’Huez ?
– Ah… Là, vous me posez une colle ! (20) Parce que moi, j’ai commencé le vélo très tard.
– Bernard Hinault.
– C’est vrai ? Bah je suis très content, je suis fier de… Je suis… je suis pas quelqu’un qui… qui… Mais là, je suis vraiment fier de mon travail.
– Merci, bravo. Félicitations, sincèrement. Merci.
Quelques explications:
1. le maillot blanc: c’est le maillot que porte le meilleur jeune coureur du Tour de France. On est dans la catégorie « Jeune » jusqu’à 24 ans révolus.
2. une étape mythique: LA grande étape, que tout le monde connaît. On parle aussi de col mythique, de route mythique, etc…
3. Thomas: Voeckler, qui est le leader de l’équipe dans laquelle court Pierre Rolland, chargé avec ses équipiers de tout faire pour que Vockler gagne.
4. T’occupe pas de moi: normalement, on devrait dire: Ne t’occupe pas de moi. Mais à l’oral, c’est souvent comme ça. (familier)
5. il m’a laissé ma carte: l’idée, c’est qu’il lui a dit de jouer ses cartes, c’est-à-dire de s’appuyer sur ses atouts et ses forces pour rouler pour lui-même et essayer de gagner puisqu’il avait ses chances.
6. monter: c’est le verbe qu’on utilise pour décrire cette action. On dit qu’on monte un col, on monte le Galibier. Et on monte l’Alpe d’Huez, c’est-à-dire la route qui mène à la station de ski de l’Alpe d’Huez, au-dessus du vieux village. (Ce n’est pas un col. Arrivé en haut, il faut redescendre par la même route.)
7. Le virage N° 6: on dit « numéro six« . Il y a 21 virages, qui sont de vrais virages en épingle à cheveux. Le N°1 se trouve tout en haut de cette montée de 14 km.
8. garder son sang-froid: rester très calme, très maître de la situation.
9. ils s’entendent très bien: ils sont complices, ils sont amis.
10. Et lesquels ! : le journaliste veut dire que ce ne sont pas deux Espagnols ordinaires.
11. c’est quitte ou double: cette expression signifie qu’on peut gagner mais aussi tout perdre. Il n’y aura rien entre les deux.
12. je ferai pas deux: je ne finirai pas deuxième.
13. à bloc: à fond, à pleine puissance.
14. à cette allure = à cette vitesse
15. comme quoi = cela prouve que… / C’est la preuve que
16. réaliser: comprendre ce qui m’arrive, ce qui vient de se passer. Comprendre que ce n’est pas juste un rêve.
17. compte tenu de… : en raison de, à cause de, du fait de…
18. dix belles années: On ne peut pas employer « ans » avec un adjectif. Donc avec « belles », il faut changer « ans » en « années », et passer du masculin au féminin. Subtil et bizarre !
19. et les 10 plus belles: c’est pour cette raison qu’il dit « belles » et non pas « beaux », alors qu’il vient juste de dire 10 ans. (nom masculin)
20. poser une colle à quelqu’un: lui poser une question à laquelle il ne sait pas répondre. Dire « Vous me posez une colle« , c’est reconnaître qu’on ne sait pas du tout, qu’on n’a aucune idée de la réponse. (familier)
* Cocorico: c’est l’onomatopée en français pour le chant du coq. Or le coq est un des symboles de la France. Donc dire « Cocorico », c’est montrer qu’on est fier d’être français. (On l’utilise souvent de façon un peu ironique).