Blonde avec des taches de rousseur

S Kiberlain

Une spontanéité toute en légèreté et simplicité.
Des souvenirs d’enfance qui prennent vie.
Une façon gracieuse de parler avec des mots familiers.
Une voix, de celles que j’aime écouter.
Voici un autre petit passage de l’interview de Sandrine Kiberlain qui avait retenu mon attention pour le billet précédent.

Actrice

Transcription :
– Je pense pas qu’on devienne acteur par hasard. Moi, je pense qu’on… Je passais mon temps, et encore maintenant, à regarder les gens, à regarder… J’aime beaucoup regarder les gens. Donc quand j’étais plus petite, comme j’étais pas d’une nature à aimer être en groupe et tout ça, je… j’étais assez solitaire mais je m’ennuyais pas, hein… Je… je regardais beaucoup les gens , leur façon d’être, et après, j’avais remarqué que ça faisait beaucoup rire quand j’essayais d’imiter ce que j’avais vu, ou observé. Et donc j’avais des premiers spectateurs, et donc je me suis dit que c’était très valorisant de… d’imiter les autres ou de jouer des situations que j’avais vues chez les autres, ou… Donc j’avais l’impression d’être plus… oui, d’être plus regardée. C’est comme dans le film de Truffaut, vous savez, quand la petite, je sais pas si vous… dans L’Argent de poche, quand elle est enfermée par ses parents parce qu’elle veut aller au restaurant avec un sac tout pourri (1) et que les parents lui disent : Bon bah finalement, tu restes là et tu mouftes (2) pas. Et tous les voisins lui envoient de la nourriture parce qu’elle prend le haut-parleur du gendarme qui est son papa et elle dit : « J’ai faim, j’ai faim ! J’ai faim ! » Et tous les g[ens]… tout… tout l’immeuble (3) lui envoie, dans des paniers, de la bouffe (4) et tout ça et elle est trop contente (5), et là, elle est plein cadre (6). Comme ça, elle prend tout le cadre en gros plan (7) et elle dit : « Tout le monde m’a regardée, tout le monde m’a regardée. » Eh bah moi, j’étais comme ça, je faisais que des conneries (8) et après, je me disais : « Tout le monde m’a regardée. » Voilà, j’avais un peu ce truc-là, petite. Et donc ça m’est resté, de vouloir être dans l’écran et que, j’imagine, j’avais quand même un truc de « tout le monde me regardera ».
– Vous êtes vachement (9) surprenante, parce que vous avez une tête… vous avez un visage d’ange et en même temps, est-ce qu’il y a… Vous voyez, c’est surprenant parce qu’il y a un contraste entre jusqu’où vous êtes capable d’aller et cette… ce physique (10)… très angélique (11).
– Parce qu’on n’est pas… on n’est pas… C’est intéressant, les apparences. C’est intéressant, ce qu’on montre et ce qu’on est. Moi, j’aimerais parler de ça, je trouve ça tellement intéressant ce qu’on vit, ce qu’on ressent. Moi, je ne sais pas ce que vous vivez, là pendant que vous me parlez. Si ça se trouve (12), vous êtes en miettes (13) parce qu’un homme vous a quittée ou j’en sais rien (14). Ou vous, vous êtes en miettes parce que je sais pas quoi (15), un drame familial (16), on ne sait pas. Moi, je suis comme ça, blonde avec des taches de rousseur et Rochant m’a choisie pour jouer une pute (17), espionne, parce qu’il est pas con (18) et qu’il a vu plus loin que le bout de son nez (19) en se disant : « Voilà, plutôt que de prendre celle qui a l’air de celle que je cherche, je vais prendre celle qui a l’air de l’inverse de ce que je cherche », et ça va être beaucoup plus fort, parce que ça donne deux indications différentes, ça donne deux lectures possibles.
– Mais il n’y en a pas beaucoup qui vous ont salie, ou des metteurs en scène, vous voyez, qui ont essayé de vous…
Bah moi, je trouve que je m’en sors pas mal (20) quand même, hein ! Parce qu’ils pourraient se cantonner à… à des rôles… bah de blonde, grande, plutôt lisse. Et si on fait le… Enfin, je me suis donné un certain mal inconscient pour qu’on ne me… pour qu’on ne m’enferme pas là-dedans, pour que je puisse montrer des folles furieuses, des bourgeoises déjantées, des filles… différentes.

Des détails :
1. un sac tout pourri : un sac très moche, en mauvais état. (familier)
2. tu mouftes pas : tu ne dis rien, tu ne protestes pas, tu te tais. (argot) Par exemple : Quand le prof a dit de refaire le travail, personne n’a moufté. / Il a pris ses affaires et est sorti sans moufter quand elle lui a dit qu’elle ne voulait plus le voir.
3. Tout l’immeuble : tous les habitants de cet immeuble.
4. De la bouffe : de la nourriture (argot, très familier)
5. trop contente = très contente. Ce n’est pas le sens habituel de trop. On l’entend souvent dans ce sens de « très, extrêmement », mais uniquement à l’oral et de façon familière.
6. Plein cadre : terme cinématographique, pour dire qu’on ne voit que son visage dans le cadre de la caméra.
7. En gros plan : vu de très près.
8. Des conneries : des bêtises (très familier)
9. vachement : très (familier et très oral). Personnellement, ça m’a fait bizarre d’entendre cette journaliste utiliser ce mot à la radio !
10. Le physique : c’est l’apparence physique qu’on a. Par exemple, on dit : Il a un physique de jeune premier (= il est très beau). / Il a un physique ingrat. (= Il n’est pas beau)
11. angélique : comme un ange
12. si ça se trouve : peut-être / Il est possible que… (plutôt oral)
13. être en miettes : aller très mal. (Cela correspond bien au terme anglais : devastated)
14. ou j’en sais rien : on utilise cette expression quand on veut donner l’idée qu’il y a d’autres exemples mais qu’on ne va pas les donner. On laisse imaginer d’autres situations aux gens qui nous écoutent. C’est un peu comme si on ajoutait : etc.
15. parce que je sais pas quoi : ce petit bout de phrase joue le même rôle que l’expression j’en sais rien. Tout le monde peut imaginer quelque chose sans qu’elle ait besoin de donner des exemples précis.
16. Un drame familial : le mot « drame » est fort en français. C’est une tragédie dans la famille, par exemple la mort de quelqu’un, un accident très grave.
17. Une pute : une prostituée (argot, vulgaire et fort). Elle emploie ce mot qui choque pour bien marquer le contraste entre son apparence d’ange, évoquée par sa blondeur.
18. Il est pas con : il n’est pas bête, il est intelligent. (très familier)
19. voir plus loin que le bout de son nez : être assez intelligent pour faire des choses plus subtiles. On emploie souvent cette expression à la forme négative : Il ne voit pas plus loin que le bout de son nez, pour indiquer que cette personne ne comprend pas grand chose parce qu’elle n’est pas capable de voir tout ce qui fait une situation.
20. Je m’en sors pas mal : ce que je fais est plutôt réussi.

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