Une liste qu’on aimerait ne pas avoir encore à lire dans nos journaux. Et pourtant, vendredi matin, un jeune terroriste est passé à l’acte comme on dit maintenant, près de Carcassonne.
Tout a été déjà dit devant tant de gâchis et d’absurdité. J’avais gardé en mémoire un extrait d’un petit reportage de janvier 2015, dans une petite ville de l’Hérault où plusieurs jeunes s’étaient tournés vers cette violence stérile, au nom de la religion. Toujours d’actualité, hélas, même s’il y a de multiples explications à cette façon dont va notre monde.
Transcription
– Auparavant, il y avait quand même un peu plus de choses pour les jeunes, mais maintenant, c’est vrai que… il y a beaucoup… beaucoup moins, quoi, beaucoup moins. Il y a la MJC (1), mais il y a quelques petits ateliers mais moins, moins, moins qu’avant, quoi. Et là, bon, c’est vrai que les jeunes, ils sont un petit peu livrés à eux-mêmes (2), quoi. Il y a… Il y a pas grand chose, quoi. Voilà, comme les autres quartiers (3), hein, voilà, c’est… C’est… Voilà, quoi.
– Et vous, vous en êtes où ? (4)
– Moi ? Moi, ça va pour moi. L’entreprise, voilà. Bon, j’ai réussi à… à faire ma petite place, quoi ! J’ai fait mon petit chemin (5), comme on dit, voilà. Disons que, au jour d’aujourd’hui (6), bon, moi, j’ai eu la chance quand j’étais un peu plus jeune d’avoir un métier dans les mains, d’apprendre quelque chose, quoi.
– Vous faites quoi ?
– Plaquiste. (7)
– Et les jeunes qui sont morts, les petits jeunes qui sont morts au djihad ?
– Bah ça…. ça nous a quand même touchés, quoi. Des petits jeunes de chez nous, quoi, hein, c’est nos jeunes à nous, quoi, voilà. C’est sûr que ça fait mal (8), quoi, ça fait mal. Bon, ils ont fait ce choix, bon, de partir, bon, après, c’est… voilà, hein. C’est comme du suicide, quoi ! Mais bon, ils sont… Plus, ce qu’il y a, c’est que il y a certaines personnes, ils arrivent à les endoctriner, comme on dit. Voilà, il y a ci, il y a ça, ça va pas bien, tu as vu… . Eux, ils sont un petit peu rejetés de la société. Déjà, ils ont du mal déjà à trouver du boulot et tout, et eux, si vous voulez, ils se foutent (9) dans une bulle. Et une fois, qu’ils se foutent dans une bulle, de là, voilà, ils se… Ils défendent une cause qui est irréelle. Moi, pour moi. Leur place, elle est pas là. Bon, ils ont dix-huit ans, elle est pas dans une asile (10), mais bon, il faut… faut les recadrer (11), quoi, recadrer. C’est irréel. C’est irréel.
– Vous êtes dans le réel, vous ?
– Bah, j’espère quand même, voilà ! Voilà, mes parents, ils m’ont élevés, et voilà, quoi. Il y a beaucoup plus de gens que (12), pour eux, c’est pas ça, la religion. Enfin, moi, les anciens, mon père, ma mère, tout ça, voilà, moi, jamais ils m’ont appris la religion comme ça !
– La religion, elle a rien à voir avec ça. (13) Un musulman, il fait pas ça. Franchement. A ce moment-là, bon, j’ai… ça fait quarante-cinq ans que je suis là, j’ai jamais vu ça. Les jeunes, ils ont trop de la liberté (14) ! Les jeunes ? Ils ont trop de la liberté, par rapport à nous, les anciens, quand on était là. Parce qu’on n’a pas l’autorité sur les enfants. Comme on l’était avec les… avec mes grands-parents, par exemple, ou mes parents. Ils ont toute la liberté, les enfants. Les parents, ils ont pas l’autorité (15).
Quelques explications :
1. une MJC : une Maison des Jeunes et de la Culture.
2. être livré à soi-même : être seul et n’avoir aucune contrainte, aucun frein, être en quelque sorte abandonné alors qu’il faudrait des cadres, des activités, des structures pour ne pas être désoeuvré.
3. Les quartiers : quand on parle des quartiers au pluriel, cela signifie les quartiers pauvres, défavorisés.
4. Vous en êtes où ? : on pose cette question quand on veut savoir dans quelle situation se trouve quelqu’un.
5. J’ai fait mon petit chemin : cette phrase vient de l’expression : faire / suivre son petit bonhomme de chemin, qui signifie qu’on progresse tranquillement, qu’on avance dans la vie de façon régulière et positive.
6. Au jour d’aujourd’hui : cette expression est incorrecte puisqu’elle est redondante. On l’a beaucoup entendue à un moment donné. C’est devenu plus rare maintenant. Question de mode.
7. Un plaquiste : il monte les cloisons dans une maison en construction.
8. Ça fait mal : ça fait de la peine (familier)
9. ils se foutent dans une bulle : ils se mettent dans une bulle. (très familier)
10. un asile : ce mot est normalement masculin. Aujourd’hui, on n’emploie plus ce mot. C’était le lieu où on enfermait ceux qu’on appelait les fous, donc tous ceux qui ont une maladie mentale.
11. Recadrer quelqu’un : donner des cadres à quelqu’un, le remettre dans le droit chemin en lui mettant des limites très claires.
12. Des gens que, pour eux… : style très oral. Normalement, il faut dire : des gens pour qui…
13. elle n’a rien à voir avec ça : il n’y a pas de rapport entre la religion et de tels actes, ce sont deux choses totalement étrangères.
14. Trop de la liberté : il faut dire : trop de liberté.
15. Ils n’ont pas l’autorité : il faut dire : Il n’ont pas d’autorité. Ou alors : Ils n’ont pas l’autorité nécessaire.