Jardin secret

Voici un petit moment que je voulais parler de cette découverte que j’ai faite il y a quelques mois. Et comme une photographe que j’aime bien suivre vient d’écrire un bel article à ce sujet, c’est l’occasion.
Histoire qui avait retenu mon attention, d’abord parce que c’est l’histoire d’une vie restée longtemps anonyme. Ensuite, parce qu’il s’agit d’une histoire surprenante, celle d’une femme singulière. Et aussi parce que c’est une histoire de création. Et pour finir, une histoire de photographe et de photographie, une histoire de regard. Pour toutes ces raisons à la fois, dans n’importe quel ordre.

C keller site
Alors, allez lire les mots évocateurs de Christine Keller et admirer les quelques photos qu’elle a choisies et mises en valeur pour nous emmener dans cette découverte.

Cela commence ainsi: « Découverte d’un joyau inconnu, chasse au trésor, personnage mystère…  »

Une exposition se tient en ce moment à Tours.
Voici ce que disait l’autre jour à la radio la commissaire de cette exposition.

Transcription :
– C’est un jeune garçon de 28 ans qui faisait une recherche sur les quartiers huppés (1) de Chicago où a vécu Vivian Maier près de… près du Lac Michigan, dans la partie nord de Chicago, et il avait besoin de… d’images pour illustrer ses propos. Et curieusement, coïncidence, il vivait en face d’un garde-meubles, et en passant devant un jour, il a su qu’il y avait des cartons qui contenaient des images de Chicago – exactement ce qu’il cherchait. Il a mis 300 dollars (2) sur la table et il a gagné… enfin (3) il a gagné, il a obtenu effectivement le… un des premiers lots – 30 000 négatifs (4). Et puis fi[…]… finalement, il s’est dit : « Mais qui était donc (5) cette Vivian Maier ? » Et au mois d’avril 2009, il a regardé sur Google qui était donc Vivian Maier et c’était… ainsi qu’il a découvert qu’elle était décédée trois jours avant.
Elle était gouvernante. Il y a un déterminisme qui était très fort, puisque sa mère et sa grand-mère étaient aussi des gardes d’enfants ou des dames d’intérieur, enfin qui s’occupaient des autres en fait, donc des gens qui étaient destinés d’une certaine manière à une certaine invisibilité, un anonymat, des gens dont on ne parle pas et des gens qui n’ont pas la possibilité, ni même la prétention (6) de sortir de cela. Donc aussi, c’était quelqu’un qui était assez singulier, puisque très introvertie, donc quelqu’un qui n’a effectivement jamais montré ses photographies, qui n’a jamais partagé. Juste simplement un exemple, lorsqu’elle a vécu chez les Gensburg entre 1966 et 1972…
– Une famille bourgeoise de Chicago, hein.
– Une famille bourgeoise. La première chose qu’elle leur dit, elle leur dit : « D’accord. Je viens vivre ici mais je veux un loquet (7) à ma chambre. » Elle disposait d’ailleurs d’un petit laboratoire, d’une salle de bains qu’elle avait transformée en laboratoire. Mais étonnamment, eux (8) n’étaient pas au courant de (9) cette espèce de chose débordante qui était en train de se construire dans cette chambre de bonne. Et voilà. Donc ils ont été très, très surpris de savoir que… qu’elle avait cette espèce (10) de double-vie finalement.

Quelque détails :
1. un quartier huppé : un quartier riche. On parle aussi par exemple de milieu huppé, de famille huppée.
2. 300 : trois cents
3. Enfin il a gagné : très souvent à l’oral, on utilise enfin quand on veut corriger et nuancer ce qu’on vient de dire.
4. 30 000 négatifs  : trente mille.(mille est invariable) A l’époque, il n’y avait que des appareils photos argentiques, donc avec des négatifs, tirés à partir des pellicules sur lesquelles se fixaient les photos. Pas d’appareils ni de photos numériques.
5. Mais qui est donc… ?: Donc sert ici à renforcer la question et à souligner l’étonnement de la personne qui se la pose.
6. Ne pas avoir la prétention de faire quelque chose = ne pas même imaginer faire quelque chose, ne pas même l’envisager.
7. Un loquet : un système très simple qui permet de fermer la porte.
8. Eux : ce pronom remplace Ils, c’est-à-dire ses employeurs, et permet de bien marquer le contraste (entre elle et eux) et donc le côté paradoxal de la situation: ils la côtoyaient tous les jours mais ne savait pas grand-chose d’elle et de cette passion.
9. Être au courant de quelque chose : savoir quelque chose, en avoir connaissance
10. cette espèce de… = cette sorte de…

Et bien sûr, perdez-vous dans toutes les autres photos sur le site consacré à Vivian Maier.

Personnellement, ce qui me parle, c’est d’abord ce magnifique noir et blanc, ainsi que le format carré de ses photos.
Puis les situations, avec tous ces gens qu’elle a photographiés, de très près. Il fallait sûrement parfois un sacré culot* pour oser « voler » ces portraits au détour des rues. On sent que certains n’appréciaient pas ! Les regards de ces bourgeoises de Chicago ne sont pas vraiment bienveillants face à cette femme, d’un autre milieu social, qui se livrait à cette drôle d’activité, pas encore aussi à la mode qu’aujourd’hui. Des regards qui en disent long* !

VM

Il y a aussi tous ces regards curieux tournés vers son appareil avec lequel elle visait par-dessus, ce qui devait l’aider à être un peu moins « visible ».

VM Regards

Il y a ces cadrages qui conduisent notre regard vers des détails significatifs toujours, contrastés souvent, drôles parfois. Quel regard !

VM cadrage

* avoir du culot: oser des choses pas vraiment acceptées.
* en dire long: être très significatif.

Une réflexion sur “Jardin secret

  1. Jianjing dit :

    Oui, pour photographier quelqu’un, surtout si on veut un portrait bien naturel, sans filtre, c’est la tâche la plus difficile.

    Moi je suis passionné par la photographie, et le portrait me tient toujours à coeur, je rêve de capter l’émotion à travers les yeux, les regards. Mais demander aux inconnus de lui photographier, c’est jamais facile. Pour les enfants, on voit souvent leur parents intervenir, pour les adultes, ils sont normalement trop gentils pour montrer de la vraie émotion, ils esquissent des grands sourires, mais ce que je trouve, c’est toujours cet univers où ils étaient il y a quelque seconds …..

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