Elle s’appelle Rose Pamphyle. Elle a une vingtaine d’années. Elle vit dans une toute petite ville de province où il ne se passe rien. Elle rêve d’être secrétaire, comme beaucoup d’autres à l’époque. On est à la fin des années 50. Les concours de vitesse dactylographique sont à la mode, organisés par les fabriquants de machines à écrire !
Voici une comédie très fraîche comme les Français en font peu, à la manière des comédies américaines. L’histoire est prévisible mais on ne s’ennuie pas un instant aux côtés de Rose et de Louis, son patron. Elle a du répondant, beaucoup de charme, c’est difficile d’avoir le dernier mot avec elle.
Bref, c’est une très jolie vision des années 50, où les femmes entraient enfin en masse dans le monde du travail salarié et commençaient à accéder à l’autonomie que donne un métier.
Et pour nous qui sommes tous aujourd’hui sur nos claviers d’ordinateurs avec plus ou moins de dextérité, (avec combien de doigts tapez-vous?), c’est aussi la découverte de ces compétitions pleines de suspense qui opposaient des dactylos entraînées comme des sportives de haut niveau ! J’adore le geste qu’elles font en relevant leurs mains du clavier quand la cloche de fin des épreuves retentit ! Le tout filmé avec un sens du rythme, des plans et des couleurs.
Transcription :
– Etre secrétaire, c’est moderne. C’est rencontrer un tas de gens (1), faire le tour du monde (2), travailler pour de grands hommes.
– Enfin, si vous travaillez pour moi, vous ferez simplement le tour de Lisieux (3).
– Agence Echard et Fils, j’écoute.
– Elle est comment, alors ?
– Vous êtes une secrétaire lamentable (4).
– La seule chose que je fais vraiment bien, c’est taper à la machine.
– Enfin taper à la machine, c’est le minimum pour une secrétaire !
– Je ne pense tout simplement pas que votre avenir soit auprès de moi, à moins que vous acceptiez de faire un petit quelque chose.
– Si vous pensez que c’est aussi facile que ça de m’avoir dans son lit !
– C’est là que je vous veux. Pas dans mon lit !
– Particper à un concours ?
– Pas participer. Gagner ! Je vous entraîne, je prends tout en charge (5). (Plus vite) Je vous installe chez moi.
– On se croirait dans Autant en emporte le vent (6).
– Tu crois vraiment que je vais lui donner des cours de piano !
– Tu lui plais, Louis.
– Et elle te plaît.
– Rose ne doit penser qu’au championnat ! Elle se rend pas compte (7) du don qu’elle a. Je peux mettre le monde à ses pieds.
– Vous croyez vraiment que vous êtes l’homme de la situation (8) ?
– Tu comptes (9) l’appeler encore combien de fois avant de comprendre qu’il décrochera jamais ? N’importe quel homme qui passe à côté (10) de toi est un imbécile.
– Elle a l’impression que je me sers d’elle, à part que (11) c’est pour elle que je fais tout ça.
– Vous pensez vraiment que la vitesse dactylographique est un sport ?
Quelques détails :
1. un tas de gens : beaucoup de gens (familier, employé à l’oral)
2. faire le tour du monde : voyager dans le monde entier.
3. Lisieux : petite ville de Normandie, très provinciale (par opposition à la vie parisienne), où on imagine qu’il ne se passe rien de passionnant.
4. lamentable : très mauvais. Ce terme est fort et très critique.
5. Prendre en charge quelque chose : s’occuper de quelque chose, en prendre la responsabilité.
6. Autant en emporte le vent : c’est la traduction française du titre du roman de Margaret Mitchell (et du film de Victor Fleming) Gone with the wind.
7. Se rendre compte de quelque chose : comprendre quelle est la situation, ce qui se passe. Louis pense qu’elle n’a pas conscience du don qu’elle possède en tapant si vite.
8. L’homme de la situation : la seule personne capable de gérer tous les problèmes liés à une situation particulière et d’obtenir un résultat, un peu comme un sauveur.
9. Compter faire quelque chose: avoir l’intention de faire quelque chose. Par exemple, on peut dire: Tu comptes rester combien de temps ? / Que comptes-tu faire une fois là-bas ? / Il compte partir quelques mois à l’étranger et chercher du travail.
10. passer à côté de quelqu’un: ne pas se rendre compte de la valeur, des qualités de cette personne. On dit aussi, avec le même sens: passer à côté de quelque chose.
11. À part que = sauf que
Allez aussi écouter le cinéaste et ses acteurs ici.
(Et en plus de cette petite vidéo, il y en a quatre autres sur d’autres aspects du film et de son tournage.)
Transcription:
– C’est une comédie romantique et sportive, presque d’action aussi parce que finalement, le sport, à filmer, c’est presque comme filmer des scènes d’action.
– C’est une jeune fille qui vient d’une petite ville et qui… qui devient quelque chose auquel elle s’attend pas, et voilà, quoi. Un premier regard sur… sur la ville, sur le monde, sur les garçons.
– Le personnage de Louis, il est quand même très sombre.
– C’est un vieux garçon (1), le Louis Echard. (2) Enfin il a mis un peu une croix (3) sur l’histoire d’amour.
– Et le personnage de Rose, dans sa transformation, n’est pas que une Julia Roberts. Elle est beaucoup plus que ça.
– Rose Pamphyle, elle sait pas que elle devrait faire comme ci ou comme ça parce que les filles sont censées (4) faire comme ça, parce qu’on lui a pas appris.
– Vous vous croyez malin (5) dans vos costumes comme il faut (6)? Vous me faites ni chaud ni froid (7), Monsieur Echard !
– Il y a l’histoire d’amour qui prend du début à la fin. Et où est-ce qu’elle naît exactement, comment elle va être nourrie, où est-ce qu’on va d’un coup lâcher ? C’est pas tout rose (8), quoi. C’est pas… On fait pas une histoire d’une championne et tout va bien, non, non, non. Il y a de l’âme, il y a du… il y a du tourment, voilà.
– Pourquoi une fille vaudrait (9) moins qu’un garçon ? Ou pourquoi une fille pourrait moins faire de choses qu’un garçon ? Et c’est vrai que c’est quelque chose qui est très, très… très moderne à l’époque (10).
Quelques détails :
1. un vieux garçon : un homme qui ne s’est pas marié. C’est péjoratif, contrairement à célibataire qui dit juste que la personne n’est pas mariée. L’équivalent féminin, c’est une vieille fille. L’idée, c’est que dans une société qui valorise le mariage, ce sont des gens qui n’ont pas réussi à se marier et qui mènent une vie plutôt sclérosée, monotone et rigide.
2. Le Louis Echard : ajouter le devant un nom propre, c’est en général plutôt péjoratif. (sauf dans le sud-ouest où ils le font souvent, contrairement aux autres régions où c’est rare)
3. mettre une croix sur quelque chose : renoncer à quelque chose. On dit aussi : faire une croix sur quelque chose.
4. Être censé faire / dire quelque chose : agir comme ce que les gens attendent, comme les conventions l’exigent.
5. Malin : intelligent, supérieur.
6. Comme il faut : convenable / respectable
7. ne faire ni chaud ni froid à quelqu’un : ne pas troubler cette personne, n’avoir aucun impact sur elle.
8. C’est pas tout rose: ce n’est pas facile tout le temps. Il y a des difficultés.
9. Vaudrait : c’est le conditionel du verbe valoir.
10. À l’époque : en ce temps-là / dans ces années-là.