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Depuis un an, tous, nous nous sommes mis à compter encore plus qu’avant sur internet : pour télétravailler, communiquer avec nos proches ou nos amis, faire nos courses en ligne du fait de (1) la fermeture récurrente des commerces dits non-essentiels, regarder les films que nous ne pouvons plus aller voir au cinéma, visiter des musées virtuellement, assister de chez nous aux spectacles dont nous sommes privés (2). La liste est longue. Le problème s’est donc vite posé de l’efficacité de nos connexions. Et ce n’est pas parce qu’on habite une grande ville qu’on est mieux loti (3).
Alors la question, légèrement apitoyée : « Tu n’as pas la fibre ? » est devenue un grand classique (4). LA fibre, et même, comme dans la publicité ci-dessus, la Fibre avec une majuscule ! Pas besoin d’expliquer, LA Fibre, tout le monde sait de quelle fibre il s’agit, même si personne ne saurait vraiment expliquer comment ça fonctionne. L’assurance que ça ne va pas ramer (5), pas bugger, pas se déconnecter, que ça va aller vite. Plus vite que la musique, comme le dit cette pub, détournant, comme souvent, une expression de notre langue.
L’expression habituelle, c’est : On ne peut pas aller plus vite que la musique, qui signifie qu’on ne peut pas toujours accélérer et qu’il faut donc être patient et prendre le temps nécessaire, qu’il faut accepter certaines lenteurs. On dit souvent à celui qui agit dans la précipitation : Eh, pas plus vite que la musique ! / Pas la peine d’aller plus vite que la musique ! / Pourquoi tu veux aller plus vite que la musique ?
Donc voilà un slogan bien trouvé, qui nous promet que c’en est fini de la lenteur inévitable et exaspérante de nos connexions escargots. Nous ne nous impatienterons plus sur internet ! Mais si vous regardez bien les dates de l’offre tout en bas de ma photo, vous verrez qu’elle remonte à fin 2017. C’était dans mon quartier, à Marseille, pas au bout du monde du tout. Eh bien, il a fallu encore trois ans et demi pour qu’enfin, LA fibre arrive dans ce coin de notre ville ! (Et entre temps, l’abonnement est devenu plus cher!) Désormais, nous profitons donc du confort de la vitesse. Un an plus tôt, cela nous aurait rendu un immense service, lorsque dans l’urgence, tous nos cours sont passés en visioconférence et que certains de mes collègues, mieux connectés dans leur quartier, compatissaient (6) !
Pour finir, avez-vous remarqué comme certains mots sont employés avec LE ou LA, sans avoir besoin de préciser quoi que ce soit, alors qu’ils ne sont qu’un élément infime d’un ensemble et qu’on devrait dire plutôt UN ou UNE ? LA fibre. Mais aussi, en ce moment, LE masque : on porte LE masque, pas un masque. LE virus : LE virus a bouleversé nos habitudes. Comme un signe, probablement, de nos préoccupations actuelles – obsessionnelles – qui ont fait passer tant d’autres choses en arrière-plan.
Quelques explications:
- du fait de : à cause de
- être privé de quelque chose : ne plus avoir droit à quelque chose
- être mieux loti : être dans une meilleure situation que quelqu’un d’autre. On dit aussi : Il sont mal lotis / Ils sont bien lotis. / Il s’estime mal loti.
- c’est un grand classique : cette expression signifie que c’est quelque chose qui arrive très souvent, que ça n’a rien de surprenant.
- ramer : peiner, mal fonctionner (familier). On peut aussi employer ce verbe pour une personne: Je ne comprends rien à cet exo. Je rame vraiment!
- compatir : plaindre quelqu’un. On dit souvent : « Je compatis ! », mais ça peut être ironique.
Bon début de semaine !