
Dans la stratégie du gouvernement français, fermer les écoles pour freiner l’épidémie n’est plus à l’ordre du jour (1) depuis la rentrée de septembre : beaucoup de parents ont tellement mal vécu le premier confinement à la maison avec leurs enfants que le gouvernement a posé comme priorité l’ouverture coûte que coûte (2) des écoles. Il faut bien reconnaître que c’était très compliqué de jongler entre télétravail ou travail normal pour certaines professions et garde des enfants. Et il faut ajouter que c’est catastrophique pour les enfants de ne plus aller à l’école, que cela renforce les inégalités sociales et nuit aux apprentissages.
Donc les écoles ont rouvert, avec des protocoles sanitaires (3), comme on dit, très difficiles à mettre en place, très lourds : nombre d’élèves, organisation de l’espace dans les classes et les cours de récréation, contraintes dans les cantines, circulation des enfants dans les couloirs, port du masque, etc. Des pages et des pages de protocole ! Les directeurs d’école sont des enseignants, chargés de faire aussi la classe et parfois déchargés (4) si l’école est vraiment une grosse école. Alors, déjà débordés par les tâches administratives habituelles qu’on leur demande de faire en les payant au lance-pierre (5), les pauvres, ils se sont retrouvés submergés par tout ce qu’on leur a demandé de mettre en place, souvent sans moyens, sans délais (6), juste en s’appuyant sur leur conscience professionnelle dans le fond.
Mais à un moment donné, trop, c’est trop !(7) Et puis, tout simplement, les enseignants, mal protégés, pas encore prioritaires pour la vaccination, en ont assez de travailler dans ces conditions dégradées, notamment dans les régions où la troisième vague devient actuellement incontrôlable. Voici le témoignage de deux directrices d’école, entendues à la radio l’autre matin.
– Là, actuellement, avec l’accumulation des missions, on a l’impression d’être surmenés en permanence (8), de devoir tout gérer en même temps. On a des injonctions (9) qui arrivent les unes à la suite des autres, parfois en se contredisant. On est sur la brêche (10) tout le temps. On a l’impression de devoir bâcler (11) certaines choses pour réussir à tenir les délais (12). On est directeur, mais on est enseignant également. C’est compliqué parfois de cumuler (13) les deux.
Beaucoup de directeurs pensent à quitter leurs fonctions. Amaya Bernard, directrice d’une école maternelle en Seine- Saint Denis et du syndicat SE- UNSA songe (14) même de plus en plus à quitter l’Education Nationale. Et elle n’est pas la seule à vouloir jeter l’éponge (15).
– Mes collègues vraiment qui sont tout autour de mon école, j’en ai déjà deux qui m’ont dit : « Vraiment, là, je réfléchis à repartir dans la classe parce que là, j’en peux plus (16)! On m’en demande trop et ça devient trop compliqué pour moi et au moins, en classe, eh ben j’étais plus tranquille, entre guillemets (17), avec mes 25-30 élèves, quoi ! »
Des explications:
- être à l’ordre du jour : être d’actualité, être quelque chose qu’on envisage de faire.
- coûte que coûte : à tout prix, même si c’est difficile.
- un protocole sanitaire : une liste de mesures à respecter, où on définit ce qu’il faut faire et ne pas faire.
- déchargé : les directeurs déchargés n’ont plus la charge d’enseigner en même temps qu’ils sont directeurs. On dit qu’ils ont une décharge.
- payer quelqu’un au lance-pierre : très mal payer quelqu’un.
- un délai : c’est une période de transition avant de devoir faire quelque chose. Donc sans délai(s) signifie ici sans leur laisser le temps de se retourner, dans l’urgence.
- Trop, c’est trop ! : c’est ce qu’on dit quand on en a vraiment assez de quelque chose.
- en permanence : constamment, tout le temps
- une injonction : un ordre
- être sur la brêche : être dans une situation où il faut sans cesse lutter, agir, prendre des décisions. On n’a pas de répit.
- bâcler (une tâche, un travail) : mal faire quelque chose parce qu’on n’a pas le temps de faire du bon travail.
- tenir les délais : respecter les dates, ne pas dépasser le temps qu’on nous donne pour faire quelque chose
- cumuler plusieurs tâches, activités : ces tâches, ces activités s’additionnent. On les fait en même temps.
- songer à faire quelque chose : penser à faire quelque chose, envisager de faire quelque chose. On dit par exemple: Démissionner ? J’y songe sérieusement.
- jeter l’éponge : renoncer, décider que trop, c’est trop et donc cesser de faire quelque chos
- J’en peux plus : ça suffit, je suis épuisé, je ne supporte plus cette situation. (familier)
- entre guillemets : si on peut dire / en quelque sorte. Elle utilise cette expression parce que bien sûr, un enseignant n’est jamais vraiment tranquille en classe ! Ce n’est pas un métier de tout repos.
Et on attend maintenant de savoir ce qui va être décidé demain côté écoles, collèges et lycées, lieux de circulation active du virus, contrairement à ce que le gouvernement soutient depuis le début de l’année scolaire. Et ce sera peut-être l’annonce d’un troisième vrai confinement… ☹